On est en 1943. Un jeune pays devient indépendant, après avoir été sous protectorat français. C’est le début d’un État-nation que tentent de dessiner les politiques de l’époque pour y faire vivre treize communautés religieuses et une idéologie commune. « Le caractère de la ville de Beyrouth va y contribuer », explique Marco Costantini, commissaire de l’exposition « Beyrouth. Les temps du design » au musée cantonal de Design et d’Arts appliqués contemporains (Mudac), à Lausanne.
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Une partie de l’ouest de la ville, qui n’était alors que des champs, s’est vue transformée par la construction de grands immeubles dans un flux de modernité lié à l’américanisation du pays via des capitaux issus de l’économie pétrolière.
En 1953, l’aéroport international est construit et fait de Beyrouth un véritable Saint-Tropez. Les bâtisses contemporaines et les hôtels de luxe qui se multiplient ne demandent qu’à être meublés et décorés. Une tâche dont une foule de designers quasiment tombés dans l’oubli depuis, faute d’archives du design conservées sur place, va se charger.
Ce sont ces créateurs libanais, mais aussi italiens ou français, qui sont ressuscités le temps de cette exposition au mudac, comme Raymond Soriano, Khalil Khoury ou Sami El Khazen.
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Cette période faste se raconte à travers des documents privés, des pièces sauvées de la poubelle, toutes destinées à rejoindre Beyrouth « une fois qu’un centre d’archives compétent y sera créé », souligne l’homme. Cette scène créative s’est éteinte en 1975, avec l’arrivée de la guerre civile, pour renaître dans les années 90 après la fin du conflit.
La nouvelle vague du design
Toute cette génération est donc aussi à découvrir à travers quatorze studios de design contemporains, dans le travail desquels peuvent encore se lire les affres des crises traversées: des sculptures en forme d’hélicoptères, de tanks ou de bateaux, de Marc Dibeh, ou le cabinet Land of The Rising Sun, de Nada Debs, sur lequel les stigmates de l’explosion du 4 août 2020 sont encore « visibles ».
Au sol, la scénographie minimaliste faite de socles et de quadrillages, pensée par le studio Ghaith&Jad, fait écho à l’idée de la ruine. « Le Liban a été sans cesse détruit et reconstruit. Pas question de valoriser un état de crise, mais plutôt un fort potentiel dans sa capacité à renaître », assure Marco Costantini.
> « Beyrouth. Les temps du design ». Au musée cantonal de Design et d’Arts appliqués contemporains (Mudac), à Lausanne (Suisse), jusqu’au 6 août.
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