Mory Sacko rouvre MOSUKE, son restaurant étoilé

Son adresse phare fait peau neuve, sous l'impulsion de l'agence Friedmann & Versace.

Récompensé d’une étoile au guide Michelin en 2021, seulement quelques mois après son ouverture, le restaurant MOSUKE, dans le 14ème arrondissement de Paris, fait peau neuve. Ce nouvel écrin, inauguré en juin 2023, sublime la cuisine d’ici et d’ailleurs du chef Mory Sacko, avec qui nous nous sommes entretenus.


Portrait de Mory Sacko, chef propriétaire de Mosuke
Portrait de Mory Sacko, chef propriétaire de Mosuke Virginie Garnier

IDEAT.FR : Pourquoi avez-vous voulu repenser le restaurant ?

Mory Sacko : On commençait à être un peu à l’étroit, et on s’est dit qu’il fallait soit déménager soit engager des travaux. Je désirais également refaire la décoration, à la suite d’une évolution de ma cuisine et des attentes. On adore le quartier, du coup on a opté pour les travaux : on est passés de 34 à 28 couverts, ce qui est plus confortable pour l’équipe, pour les clients et pour moi. On a fait appel à l’agence Friedmann & Versace, avec toujours comme inspiration le triptyque France – Afrique – Japon, au cœur de ma cuisine.

IDEAT.FR : Comment décririez-vous ce nouveau lieu ?

Mory Sacko : Je dirais qu’il est très chaleureux et intimiste. On insinue des inspirations japonaises et africaines. Le plafond tendu fait comme des vagues, les tasseaux sont travaillés avec un bois de couleur chaude, sculpté comme on peut le faire dans l’art décoratif africain. Aux murs, le papier peint en fibres naturelles d’abaca donne un côté naturel et végétal.

Nouvel espace de Mosuke pensé par Friedmann & Versace
Nouvel espace de Mosuke pensé par Friedmann & Versace Virginie Garnier

Votre cuisine est également le fruit de plusieurs inspirations, notamment les cuisines malienne, sénégalaise et japonaise. Comment composez-vous avec ces différentes cultures culinaires ?

Je travaille de deux manières : je peux partir d’un plat déjà connu, comme le mafé, et le retravailler. Je fais alors maturer un bœuf de race Aubrac dans du beurre de karité, je prépare la sauce avec de la cacahuète de Soustons, la seule arachide française, et j’ajoute un peu de miso, qui vient apporter de l’umami. D’autres fois, je pars du produit : prenons par exemple la tomate, qui sert de base au Dja, un plat béninois composé entre autres de crevettes séchées, de gingembre, d’ail…

L’inspiration de la nouvelle décoration ? L’esprit poétique des jardins japonais.
L’inspiration de la nouvelle décoration ? L’esprit poétique des jardins japonais. Virginie Garnier

Pourquoi cette passion pour le Japon ? Qu’est-ce qui vous attire dans la cuisine japonaise ?

La culture japonaise est assez proche de la culture ouest-africaine, qui prône notamment le respect d’un certain savoir-faire artisan et la connaissance. Dans la culture japonaise, il existe un côté pointu, pointilleux. Je me suis rendu au Japon pour la première fois il y a trois mois, et j’ai découvert une population qui vit en harmonie dans un pays de contrastes. J’ai pu observer la rigueur et la précision des chefs, par exemple dans le travail du riz, qui a l’air tellement simple, mais qui demande une grande sensibilité et une proximité avec le produit. J’ai eu du mal à trouver quelqu’un pour me montrer, m’expliquer ce geste. Il y a un côté presque mystique dans la préparation du riz.

Dans quel but proposez-vous des accords mets-saké, en sus des traditionnels accords mets-vins ?

C’était très important pour moi de prolonger l’expérience jusqu’aux liquides : on a une bonne base de vins français, à laquelle le sommelier vient ajouter des vins du Maghreb et des sakés. Le saké est un univers mal connu en France, qui souffre de nombreux a priori. On travaille chez MOSUKE des sakés entre 14 et 18°, qui se boivent comme du vin, mais l’approche est totalement différente : là où le vin vient créer des contrastes, des balances, le saké vient presque ajouter une nouvelle sauce au plat. En automne, on propose un saké aux notes de champignons, de sous-bois, qui viennent littéralement finir les plats. ll nous arrive de devoir baisser un élément du plat pour que l’accord passe au mieux, ça demande au sommelier de goûter deux fois plus.

Oshizushi à l’omble chevalier, concombre, aneth, beurre blanc au vin jaune chez Mosuke
Oshizushi à l’omble chevalier, concombre, aneth, beurre blanc au vin jaune chez Mosuke Virginie Garnier

Quel est le plat incontournable à la carte de MOSUKE ?

Je dirais qu’il s’agit du pré-dessert inspiré du “Dègué” ou “Thiakry”, l’un des desserts communs au Sénégal et au Mali. La recette originale est à base de lait fermenté, dont la texture est dense et riche, et de mil. Mon idée était de l’alléger : chez MOSUKE, le mil est présent sous forme de crumble, on utilise du lait ribot breton et on ajoute de la pâte de citron. Ce dernier ingrédient ne figure pas dans la recette traditionnelle, mais ma mère en a toujours mis pour ajouter un peu d’acidité.

Y a-t-il un ingrédient dont vous ne pourriez pas vous passer ?

Le piment, un produit injustement mal-aimé, que je m’éclate à travailler au restaurant et à la maison. Quand on arrive à bien l’apprivoiser, ça apporte juste le petit coup de chaud sympathique.