Interloqué par les animaux qui portent des manteaux ? Vous le serez encore plus à la vue des créations ubuesques, mais aussi hautement décoratives, conçues pour nos compagnons à poils. Immersion dans le monde méconnu du mobilier pour animaux.
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Un phénomène relativement récent
Ces créations n’ont rien d’anecdotique. En effet, l’association Promojardin-Prom’animal, pour la promotion des univers du jardin et de l’animal de compagnie, soulignait pour l’année 2022 « Le dynamisme du marché des animaux de compagnie ne se dément pas. Les ventes ont gagné 7% en valeur l’an passé à 5,8 milliards d’euros. Ces bons chiffres témoignent de la vitalité d’un marché en pleine ascension depuis plusieurs années».
« Entre 2015 et 2018, des jeunes entrepreneurs issus de l’architecture, de la décoration et du digital, sont arrivés pour donner naissance à des marques qui sont devenues assez établies ou qui ont fait bouger les choses chez les grands groupes, explique Yoann Latouche, à la tête d’une agence de communication pour animaux. Pendant des années, on avait le même arbre à chat à moumoute avec le même design, le même bac en litière un peu moche en plastique. Il y avait des petits changements au niveau des paniers, des laisses, mais globalement le gros de l’équipement ne donnait pas envie de l’installer dans son intérieur. Ce sont ces jeunes qui ont dépoussiéré le marché et qui ont fait en sorte que cela s’améliore.»
Un engouement tel qu’il a donné lieu à un ouvrage « Pet-tecture: Design for Pets » écrit par Tom Wainwright et publié aux éditions Phaidon. Dans ce livré, édité en 2018, les amateurs de la discipline pourront parcourir près de 200 réalisations architecturales conçues pour le monde animal.
« A la manière des grands concepteurs des trois derniers siècles comme Robert Adam au XVIIIe, Le Corbusier au XXe, et Zaha Hadid au XXIe, qui se tous tournés à un moment de leur carrière, vers la conception d’une chaise, les architectes contemporains sont de plus en plus désireux d’inclure la «Pettecture» dans leur portfolio» y assure l’auteur.
Ainsi, peut-on découvrir un panier «Heads or Tails» réalisé par Nendo, studio de design japonais mondialement connu, fondé par Oki Sato, et nommé créateur de l’année chez Maison & Objet en 2015.
A ne pas manquer non plus, la proposition de l’architecte nippon Sou Fujimoto «No Dog, No Life!», qui délimite un espace pour un chien en l’entourant d’étagères pouvant abriter aussi bien des objets pour animaux que pour humains.
Embrassé par le monde du luxe
Saisi par les grands noms de la discipline surtout au Japon, cet art qu’est le mobilier pour animaux a aussi été embrassé par les maisons de mode et de luxe, qui ont su tirer leur épingle du jeu, notamment en proposant des pièces fantasques.
C’est notamment le cas de Balenciaga, maison de mode irrévérencieuse, qui propose un panier pour chien en forme de cœur et une couverture en fausse fourrure disponible en rose et marron. Un kitsch pleinement assumé que l’on retrouve aussi auprès de la maison italienne Versace et son panier moelleux, bardé de logo à l’intérieur, affichant un imprimé à dorure sur l’extérieur, dans lequel les connaisseurs reconnaîtront la tête de Méduse, véritable symbole de la marque.
Plus sobre, la maison Hermès, dont les débuts sont liés à l’univers équestre, s’est aussi illustrée en la matière, notamment avec une niche en toile dont la silhouette rappelle celle d’une tente. Conçue à l’aide de barres en bois, comme un clin d’œil aux obstacles du saut à cheval, elle s’habille de tissu laminé résistant à l’eau et réversible.
Autre maison française à œuvrer pour le vestiaire de nos compagnons à poils, la très rock’n’ roll CELINE. En plus des laisses, des colliers ou encore d’un jouet en caoutchouc reprenant la forme de son logo, la maison française propose une écuelle dans un écrin en cuir de veau.
Un secteur dont se sont aussi emparés des plus petits labels comme Minna, entreprise new yorkaise spécialisée dans le textile. Son «Dog bed» en coton, idéal pour tout animal à quatre pattes précise la marque, propose des coloris variés et peut s’afficher sans honte dans un salon, au pied d’un canapé.
Dans une note plus farfelue, à San Francisco, Cat Haus embrasse pleinement le kitsch à travers d’étonnants arbres à chat. Conçues à partir de tapis, de moquettes et de tissus issus de vide-greniers, ces amusantes structures sont réalisées à la main, dans l’atelier de la créatrice, à partir de chutes de bois récupérés sur Craiglist.
Toujours outre-Atlantique mais dans des tons plus neutres, Tuft + Paw affiche dans son riche catalogue une ingénieuse litière, habillée d’un paravent pour éviter les projections, ainsi qu’un élégant lit en forme de sphère, posé sur un socle.
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Les chats sont les mieux lotis
Mais entre chats et chiens, qui gagnent le concours du garde-meuble le plus fourni ? La famille des félins semble être la plus chanceuse, d’après Vincent Grégoire, directeur Consumer Trends & Insights chez NellyRod. « Chez les chats, il y a des propositions qui relèvent de plus en plus de l’ordre du mobilier pour animaux. Ils ont besoin de bouger, de grimper, d’autant plus qu’ils vivent souvent dans un cadre de vie fermé, contrairement au chien, dont l’accueil en appartement est assez challengeant. Le chat aura tendance à grimper sur les luminaires, les bibliothèques, les commodes. Il est bien plus exigeant, d’où de nouvelles générations d’arbres à chat.»
Du côté du Vieux Continent, les Allemands de LucyBalu ont su se faire remarquer et gagner le prix “Future on stage” à Maison&Objet, notamment grâce à leurs propositions novatrices pour chat. Avec la chatte Choupette du regretté Karl Lagerfeld comme égérie, la marque s’est imposée avec un étonnant hamac pour chat.
Dans l’Hexagone, Homycat s’est démarqué avec ses griffoirs innovants. En forme de cadres, de nuages ou de lettrages pour les plus ambitieux, ces griffoirs en bois de peuplier et carton recyclés, sont rechargeables un fois le carton usé. A croire que même les animaux ne manquent pas les défis imposés par le réchauffement climatique !
En matière de mobilier pour animaux, les maîtres incontestés semblent être les Coréens. En témoignent les élégantes gamelles de la marque Boo oh, ou encore Pets So Good qui, bien que basée à New York, fait concevoir sa multitude de lits et accessoires en Corée du Sud.
« En Asie, il y a un imaginaire différent autour des animaux de compagnie. Au Japon par exemple, il y a des temples pour les lapins, des temples pour les singes, les biches, les corbeaux, il y a une relation plus spirituelle avec les animaux. Avoir un chat à la maison c’est presque mystique, ça n’est pas du tout un élément décoratif.» affirme Vincent Grégoire.
Après s’être adapté à nos intérieurs léchés, quel est le futur de ce mobilier pour animaux ? Vincent Grégoire est sans appel : « La cuisine. C’est un territoire d’observation pour les animaux, c’est le lieu de la convivialité, où ils sont plus autorisés à grimper sur le plan de travail, il y a plus de permissivité. C’est aussi cet espace qui est dédié à l’animal avec un distributeur à eau, à croquettes, il y la réserve de la litière, un espace pour stocker le matériel pour brosser etc… Les cuisinistes s’intéressent aujourd’hui à ces fonctionnalités, et travaillent pour les intégrer directement dans les installations de la cuisine, tout en faisait qu’elles soient actionnables par le chat ou le chien.» Et ainsi faire d’eux des humains comme les autres ? Affaire à suivre.
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