Depuis que Facebook a annoncé le développement d’un vaste métavers, l’intérêt pour ces mondes digitaux ne cesse de croître. Faudra t-il bientôt contracter un emprunt pour s’offrir un terrain virtuel ? Le designer Andrés Reisinger semble en faire le pari et révèle à IDEAT son dernier projet, réalisé en collaboration avec l’architecte Alba de la Fuente.
L’architecte du futur
Enfant, Andrés Reisinger aspire à concevoir des jeux vidéos plutôt qu’à y jouer. Il confie : « Cela m’a donné envie de créer des mondes, à partir de zéro.» Discipliné, le jeune Argentin étudie le graphisme et l’architecture avant de commencer à esquisser ses premiers mondes numériques.
Fondateur du studio Reisinger, cet artiste digital appartient à une nouvelle vague de créateurs fascinés par le potentiel illimité de la 3D. Ces dernières années, nombre d’entre eux se sont également intéressés de près au marché du NFT (un jeton non fongible, c’est à dire un fichier numérique auquel un certificat d’authenticité numérique est attaché).
D’abord repéré sur Instagram grâce à ses rendus 3D d’intérieurs utopiques, le designer est aujourd’hui représenté par la galerie Nilufar. Sa renommée, il l’a acquise en concevant du mobilier virtuel voué à être utilisé dans le métavers ou produit dans le monde réel sous forme de pièce unique. Au printemps 2021, il a même vendu dix de ses meubles en moins de dix minutes à … 450 000 dollars. Lors du dernier Salone del Mobile à Milan, il a d’ailleurs subjugué l’assemblée en présentant trois chaises numériques issues de sa collection Odyssey.
Aux frontières du réel
Le travail d’Andrés Reisinger construit un pont entre le tangible et l’intangible. Passionné par les biographies, il aime s’inspirer d’événements historiques et distille des références culturelles dans ces projets virtuels. Le designer soigne également les détails comme la texture des matériaux, la lumière et la couleur afin de composer un environnement réaliste dans chacune de ses résidences imaginaires.
Doit-on voir dans ces rendus fantaisistes une échappatoire ? Sûrement pas, tranche l’artiste : « Les rêves et les utopies font partie intégrante de mon travail. Je ne considère pas cela comme une évasion mais plutôt comme la construction de ma propre réalité. J’utilise la technologie pour m’aider à y parvenir, à repousser les limites du physique.»
Winter House : un havre de paix digital
Ce mois-ci, Andrés Reisinger dévoile Winter House, la deuxième maison virtuelle qu’il conçoit avec l’architecte Alba de la Fuente. Une nouvelle étape vers la numérisation de l’immobilier puisque ce refuge onirique pourra bientôt être acheté et utilisé dans tous les métavers. Son créateur raconte : « Cette maison est inspirée des villas des années 1960 de Dieter Rams et se caractérise par des lignes géométriques épurées et des couleurs douces. Notre objectif était de retranscrire le sentiment de tranquillité auquel nous associons l’hiver, et de les traduire dans le métavers.»
Dans cette propriété baignée d’une lumière diffuse, de larges ouvertures permettent d’admirer la neige impalpable en train de tomber – à défaut de sentir le soleil réchauffer doucement la pièce. « Ces baies vitrées permettent à la nature de faire partie intégrante de la maison » poursuit Andrés Reisinger. Si l’environnement a une place importante dans cette conception, Winter House cultive néanmoins la notion d’intimité. Ainsi le décor adopte des teintes allant du beige au rose qui visent à apporter un sentiment de plénitude à ses habitants. Côté matériaux, le duo a opté pour un heureux mariage de béton, de verre et d’inox, en accord avec le goût de l’époque.
Cette entreprise incroyable pour le commun des mortels fera pourtant partie de notre quotidien dans quelques années, à en croire l’essor du design NFT. Les plus audacieux y voient des possibilités infinies et Andrés Reisinger est de ceux là. Avec quelques partenaires, il s’apprête même à fonder une société d’architecture métavers.
Selon lui, nous allons tous nous habituer à posséder et à vivre dans le domaine numérique. « Ne le faisons-nous pas déjà sur les réseaux sociaux en discutant des heures avec des personnes que nous ne connaissons pas ? Dans le monde occidental, nous passons environ un tiers de nos journées connectés à un écran : nous sommes à mi-chemin.» Pour Andrés Reisinger, le constat a de quoi réjouir puisque le développement du métavers est l’occasion de vivre de nouvelles expériences dans de nombreuses dimensions. Une fascinante révolution semble donc sur le point d’éclore et IDEAT la suivra de près.