Les avis sont rarement nuancés lorsqu’on évoque la ville du Havre : on l’aime ou on la déteste… En cause, l’architecture en béton et l’industrie portuaire, qui ont façonné une image sévère qui lui a longtemps collé à la peau. Une vision très réductrice face à la richesse de son patrimoine Art déco, à la splendeur de sa plage et à son dynamisme culturel.
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Mouvement perpétuel
Sur la rive droite de la Seine, entre l’estuaire et la Manche, Le Havre, qui compte 173 000 habitants, ne laisse personne indifférent. Son atmosphère puissante, liée à l’omniprésence de son port et à ses portiques géants, vous happe par surprise.

Prendre le chemin de la ville haute ou grimper au dix-septième étage de l’hôtel de ville restent les meilleures façons de mesurer l’ampleur de ce panorama éclectique, industriel et architectural, avec la mer pour toile de fond, et de saisir cette lumière unique, si prisée des impressionnistes. Claude Monet, Raoul Dufy et Eugène Boudin ne s’y sont pas trompés, puisant leur inspiration dans ce paysage mouvant qui se transforme à chaque instant.
Changement de perception
Tournée vers l’avenir, Le Havre n’a cessé de se renouveler depuis sa destruction, à commencer par la reconstruction menée par Auguste Perret. Cela n’a pas échappé à l’Unesco qui, en 2005, a inscrit cette œuvre exceptionnelle au Patrimoine mondial. Un puissant coup de projecteur, entraînant un changement radical. Les Havrais sont désormais fiers de leur ville et se sont réconciliés avec elle.

« De toutes les grandes communes françaises blessées par la guerre, Le Havre est peut-être celle dont les destructions ont été à la fois les plus étendues et les plus totales », écrit Auguste Perret en 1946, alors qu’il vient d’être nommé à la tête de la reconstruction, à 71 ans.
Résiliente par nature, Le Havre a su se relever grâce au génie de l’architecte. On lui doit notamment l’église Saint-Joseph (1959) : « Les poteaux, les colonnes, les dalles sont au bâtiment ce que le squelette est à l’animal, et si la structure en béton armé n’est pas digne d’être apparente, c’est que l’architecte a mal rempli sa mission », déclarait-il. Ce pourrait être la métaphore de cette ville, qui se donne à voir sans artifices.
Porter une vision dépassant l’industrie portuaire, c’était le souhait d’Antoine Rufenacht, maire du Havre de 1995 à 2010, qui a largement œuvré pour la rendre plus attractive. Et touristique ! Pari remporté, grâce à la reconnaissance de l’Unesco, mais aussi à l’aménagement du front de mer, jusqu’alors délaissé. Une véritable réussite, le long du quai de Southampton, jusqu’à la Catène de containers, symbole du renouveau de la ville.

À quelques pas de là, le MuMa (musée d’Art moderne André Malraux) déploie son architecture unique, figure de proue lumineuse largement ouverte sur l’entrée du port. Inauguré en 1961 par André Malraux, il a été rénové en 1999. Entre 2010 et 2017, et depuis 2020, Édouard Philippe s’est inscrit dans les pas de son prédécesseur pour prolonger la mue de celle qu’il surnomme : « Ma plus belle ville du monde ».
À taille humaine
Le Havre se visite à pied. C’est la meilleure façon de découvrir la plage, le centre-ville, le quartier Saint-François, celui de la Reconstruction, ou encore les 21 œuvres d’art pérennes de la manifestation culturelle annuelle Un été au Havre. Dans le prolongement du bassin du Commerce, face à sa passerelle, un bâtiment attire l’attention : Le Volcan, d’Oscar Niemeyer, autre héros du Havre. Une grande salle de spectacles, une plus petite devenue bibliothèque et une plongée dans l’histoire de l’architecture du XXe siècle.

Quand Auguste Perret célébrait les lignes rigoureuses et le béton brut, l’architecte brésilien convoquait la courbe et le blanc immaculé dans des formes sculpturales. La Maison du patrimoine effectue un travail formidable de sensibilisation, à travers des expositions mais aussi des visites, comme celle de l’appartement témoin Auguste Perret, une immersion garantie dans les années 1950.
Le Havre poursuit aussi sa métamorphose avec la création du quartier des Docks, où se trouve le centre aquatique Les Bains des Docks de Jean Nouvel, la Cité numérique, l’École nationale supérieure maritime du Havre (ENSM), postée le long du quai à la manière d’un vaisseau urbain. À côté de la gare, le quartier Danton est en train de devenir l’un des plus agréables de la ville.

Dans le centre, la nouvelle tour Alta crée la polémique. Haute de 55 mètres, elle se déhanche crânement dans la skyline et fait débat. L’Unesco menacerait de retirer l’inscription de la ville au Patrimoine mondial, jugeant cette présence maladroite peu appropriée. En s’éloignant vers le nord-ouest, le quartier huppé de Sainte-Adresse vaut le détour. Ici, on l’appelle le « Nice havrais ». Face à la mer, les magnifiques villas balnéaires se succèdent, racontant l’essor du tourisme normand.
Il ne faut pas manquer La Coiffe et la Villa nordique. En arrière-plan, les kitesurfeurs profitent du vent au cap de la Hève. Au sommet de la falaise, une petite merveille assortie d’une situation exceptionnelle : la chapelle de Notre-Dame-des-Flots. En contrebas, le Pain de sucre, étonnant totem visible depuis le large.

Le Havre possède aussi un riche patrimoine Art déco dont les bombardements ont épargné quelques pépites, tels l’immeuble Transatlantique (1939), la piscine municipale (1937) et, un peu à l’écart du centre, le cinéma Normandy (1934), en cours de rénovation. De quoi tordre le cou à cette image d’une ville de béton.
La 9e édition d’Un été au Havre débutera le 28 juin avec de nouvelles œuvres dévoilées et une riche programmation culturelle et artistique. Du 4 au 7 juillet, ce sont les plus grands voiliers du monde qui prendront le départ de la course The Tall Ships Races au Havre. Autant d’occasions pour (re)découvrir cette ville qui mérite vraiment qu’on s’y attarde.
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