Après une quinzaine d’années à arpenter les cuisines de restaurants étoilés, le chef Maxime Bouttier a ouvert Géosmine, un lieu aux allures de maison de ville au cœur du vibrant 11ème arrondissement de Paris. Il y livre une cuisine audacieuse et pointue, à son image.
IDEAT.FR : Vous avez travaillé autant en cuisine qu’en pâtisserie, pourquoi ce choix de parcours peu commun ?
Maxime Bouttier : J’ai même travaillé un an en salle (rires) ! En fait, j’ai toujours été là où j’avais envie d’apprendre la cuisine d’un chef en particulier. Au début, on m’a asséné qu’on faisait soit l’un, soit l’autre, mais c’est oublier que la pâtisserie sert beaucoup la cuisine, et vice-versa : ce sont des disciplines complémentaires. Pour l’instant, c’est moi qui écris les desserts chez Géosmine, en imaginant la continuité du repas avec du sucre. C’est important pour moi qu’il n’y ait pas de rupture entre les plats et le dessert. En ce moment, on propose un dessert à base de feuille de chêne passée à la flamme, pour rendre cet ingrédient au goût assez neutre – quoiqu’un peu amer – encore plus amer, d’une crème glacée à l’oseille, d’un crumble aux herbes… On a aussi des artichauts au menu, qui pourraient typiquement s’intégrer dans un dessert, avec du cacao par exemple – les traceurs de tabac, de cuir, de fumé sont assez similaires. Quand ce sera la saison, je cuisinerai aussi des desserts aux champignons, dont je raffole !
IDEAT.FR : L’un de vos plats signature est une assiette autour de la mamelle, un ingrédient que l’on ne trouve quasiment nulle part ailleurs. Comment vous est venue l’inspiration ?
Maxime Bouttier : Traditionnellement, la mamelle est l’un des abats que consommaient les anciens en Sarthe, quand ils tuaient les vaches à la ferme, à l’époque où on avait encore le droit de le faire. Elle était alors pochée longtemps, fricassée au beurre et servie avec une persillade. Je me suis demandé comment la rendre gastronomique : on poche ainsi la mamelle avant de la trancher finement, de la cuire dans du beurre puis de la passer à la flamme. Ensuite, il fallait lui associer soit de l’iode, soit de l’acide : la mamelle étant déjà lactique, l’acide n’aurait pas fonctionné, on a donc décidé de travailler la mamelle avec un caviar primeur de la maison Sturia, et un tartare d’algues. Enfin, on la sert avec une crème infusée au foin, bien réduite – ce qui fait sens puisque le foin est l’alimentation principale de la vache – et avec un jus de viande. Le soir, dans le menu dégustation, on sert la mamelle après un plat autour du veau et une assiette autour de la vache. On essaie de proposer une cuisine de bon sens.
IDEAT.FR : Pourquoi avoir appelé votre premier restaurant « Géosmine» ?
Maxime Bouttier : J’aime déjà beaucoup ce terme, « géosmine», que j’ai découvert quand j’étais petit, à l’école. Le lieu ressemble vraiment à une petite maison de campagne, et on a voulu faire en sorte qu’il raconte l’artisanat. La géosmine est une molécule à deux atomes qui donne cette odeur caractéristique à la terre après la pluie. Or, la terre c’est ce qu’on travaille ici, mais c’est aussi l’artisanat, le vivant. À une époque, la géosmine désignait aussi un gros défaut dans le vin, qui le rendait terreux et imbuvable.
IDEAT.FR : Justement, comment avez-vous imaginé la carte des vins ?
Maxime Bouttier : On a une sélection de quasiment 800 vins, à 90 % nature. On a aussi des références qui ne sont pas nature, mais qui sont pour autant très bien faites, généralement des grosses références qui font l’image de la France à l’international. On peut tout aussi bien venir boire une bouteille à 39 euros qu’à 1 500.
IDEAT.FR : Vous avez aussi tenu à mettre votre patte dans l’agencement du restaurant ?
Maxime Bouttier : Pour imaginer le lieu, je n’ai pas fait appel à un architecte d’emblée. J’ai voulu tout penser des serviettes jusqu’aux pieds de table en passant par la forme de la cuisine. Je voulais de belles matières, mettre en avant l’artisanat français sur les matériaux utilisés. Deux architectes sont ensuite venus mettre sur plans ce que j’avais en tête.