Avec des silhouettes faussement brutes et des lignes étranges et organiques, le créateur Ryan Belli sert un design joyeux et réjouissant, qui sent bon les États-Unis. Rencontre.
Quand certains designers évoquent leur premier contact avec la discipline, il est souvent question de grands noms qui ont marqué l’histoire. Pourtant, quand cet admirateur de Luis Barragan et Wendell Castle, est interrogé sur le sujet, il donne une réponse à mille lieux des lieux communs habituels : « Mon père et moi avons toujours fait des cadeaux pour ma mère lors des anniversaires et des vacances. L’un des premiers cadeaux en question était un objet à mi-chemin entre le bain à oiseaux et la fontaine. Et j’en étais assez fier ! Même si pour le coup, ma mère n’était pas vraiment objective, j’ai découvert que le sentiment de créer quelque chose que quelqu’un aime est incroyable ! » Une anecdote qui annonce le style étrange et attachant de ce jeune créatif qui s’est lancé à son compte juste avant la pandémie.
C’est au très prestigieux Vassar College, que ce natif de l’État de New York s’en va étudier avant de se concentrer sur le design au Pasadena à l’Art Center College of design. « J’y ai rencontré les frères Haas et j’ai travaillé pour eux pendant plus de sept ans », se souvient-il. « Ils ont joué un rôle important dans ma carrière. Ils m’ont beaucoup appris sur la façon d’aborder le design, d’apprécier le processus et de m’amuser en cours de route. »
Si l’univers fantasque et saugrenu des deux designers, version californienne du Studio Job, a une influence évidente sur le travail personnel de Ryan Belli, le designer, qui a choisi de se concentrer sur ses créations personnelles à l’orée de la pandémie, sert une créativité bien personnelle. De ses silhouettes, qui semblent naître de croquis dessinés par une main tremblante mais particulièrement contrôlée, se dégage une forme de douceur bienveillante. On aura beau chercher, pas d’angles tranchants et droits dans cette étonnante « Pool Chair », dont les six barreaux paraissent enrobés d’un glaçage coloré. Idem avec cette étrange banquette, première de toutes ses créations, dont le dossier se compose de sept sphères rembourrées.
Et quand il ne s’amuse pas avec les formes, c’est avec les couleurs, vives sans pour autant être agressives, qu’il joue. La preuve avec le luminaire « Calley Scone », qui offre un élégant dégradé bleu et violet, ou encore avec sa lampe à poser et ce miroir en triptyque rouge et mauve. « J’ai toujours l’impression qu’il est encore trop tôt pour définir le style de mon design, explique le Californien. Je considère mon travail comme une exploration de mes intérêts et je veux laisser le plus de place possible au changement. »
Un design fantaisiste
Pourtant, il y a une identité bien singulière qui se dégage des pièces de Belli. En plus de ces silhouettes douces et organiques qui semblent frissonner, le designer raconte aussi un morceau d’Amérique. Skateboarder à ses heures perdues, il estime que cette pratique « a définitivement façonné ma façon d’aborder l’existence. C’est très difficile à faire et il n’y a personne pour vraiment vous apprendre. La seule manière d’y arriver est de renouveler des essais et des erreurs constants. Il y a aussi un aspect mental très important dans le traitement de la peur, qui invite à essayer quelque chose de nouveau, qui se traduit dans tous les aspects de la vie. » Et donc aussi dans le design. De sa Californie, Ryan Belli a aussi su capter l’ambiance solaire, pour l’injecter dans la « Pool Chair »: « Cette pièce est née en été. J’aime vraiment les chaises de piscine caoutchouteuses à rayures. C’est pourquoi j’ai tenté d’en capter l’esprit pour restituer cette ambiance de vacances à table. »
Quant à son luminaire de sol, c’est un château d’eau sur la route de Monterey qui a inspiré le jeune créatif. « Le trajet de Los Angeles à Monterey pour rendre visite à mes parents est généralement très ennuyeux. Cependant, il y a certaines choses que j’aime en cours de route. L’une d’elles est ce château d’eau particulier qui a été l’inspiration initiale pour ces lampes. »
Autre pièce notable carte postale pour des yeux européens, une banquette à sphères, qui emprunte sa silhouette singulière aux cheminées de fées, ces formations rocheuses de Bryce Canyon, situé dans le sud de l’Utah.
Un road trip amusé, dont il nous tarde de connaître la suite.