Arbres aux troncs noueux et aux branches façon bras menaçants, atmosphère brumeuse, feuilles mortes craquant sous les pas, monuments funéraires angoissants, cortèges tout de noir vêtus… Les cimetières ont vite fait de donner des frissons. Surtout lorsqu’au cinéma, ils sont infestés de créatures inquiétantes, zombies fraîchement sortis de tombes et autres vampires assoiffés de sang… Pourtant, de grands architectes ont mis leur génie au service de ces dernières demeures. Formes angulaires, matériaux bruts, lignes dépouillées, structures imposantes, plans labyrinthiques… Les stars du bâti démontrent que ces lieux de mémoire et de repos éternel peuvent eux aussi s’élever au rang d’œuvres architecturales à part entière. À l’approche d’Halloween, IDEAT a sélectionné les cinq plus emblématiques, à faire mourir d’envie n’importe quel amoureux du design.
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1. Le tombeau Brion par Carlo Scarpa
« Je voulais montrer comment aborder la mort d’un point de vue social, civique, et plus encore, quel sens il y avait à la mort, à l’éphémère de la vie – proposer quelque chose de différent de ces boîtes à chaussures. » Carlo Scarpa (1906 – 1978), lors d’une conférence de 1976, évoquait ainsi son projet, le tombeau Brion. Commandé par Onorina Brion Tomasin pour son défunt mari, l’imposant cimetière reprend les codes de l’architecture de Scarpa et représente sans aucun doute l’une des plus belles réalisations funéraires de l’époque moderne.
Alliant matériaux bruts et formes angulaires, le lieu ignore les codes traditionnels, penchant plutôt vers un plan tentaculaire, sorte de labyrinthe entouré d’un mur de béton. Pour adoucir l’esthétique, Scarpa s’est inspiré du Japon et a imaginé un ruisseau parcourant l’espace et son jardin. L’architecte repose aujourd’hui dans ce lieu qu’il a lui-même conçu, enterré debout « comme un chevalier médiéval », dans le plus grand respect du testament de celui qui marqua l’architecture des vivants mais aussi des morts.
2. Cimetière de San Cataldo de Modène par Aldo Rossi
Lors d’un séjour à l’hôpital, pendant lequel il se remet d’un grave accident de voiture, l’architecte et théoricien Aldo Rossi (1931 – 1997) dessine le cimetière de San Cataldo, à Modène, en Italie. Ayant lui-même frôlé la mort, il décide ainsi d’imaginer sa dernière demeure. Des circonstances morbides qui le poussent à conceptualiser « une ville pour les morts » de forme cubique, un gros bloc dont l’ossuaire se démarque par sa taille imposante et son caractère résolument post-moderne. Mais sa réelle particularité se trouve dans son absence de vitres, de portes et de toit. Encore une fois, l’idée lui vient dans sa chambre lors de sa convalescence : depuis son lit, il observe le bleu du ciel, l’estimant parfaitement suffisant.
3. L’extension du cimetière de Rozzano
Ainsi, pour Aldo Rossi, les cimetières se devaient d’être non seulement une continuité de la vie, mais aussi de la ville. Leur architecture ne pouvait donc pas être négligée. Lorsque la commune italienne de Rozzano (qui fait partie de la métropole milanaise) fait appel à lui pour imaginer l’extension de son cimetière préexistant, Aldo Rossi cherche à conserver l’échelle à taille humaine de celle-ci.
Ainsi, la surface a à peine doublé et le plus haut bâtiment ne dépasse pas les douze mètres de haut. L’élément le plus remarqué de son intervention est la chapelle octogonale de briques et de pierre qu’il installe au bout d’une allée de cyprès, ressortant sur le paysage verdoyant par ses coloris roses et gris. À l’extérieur de ce columbarium, bancs, lampadaires et arbres campent l’espace comme ils le feraient dans n’importe quelle ville.
4. Chapel of the Chimes par Julia Morgan
Première femme diplômée du programme d’architecture de l’École des Beaux-Arts de Paris, l’Américaine Julia Morgan (1872 – 1957) fut choisie pour concevoir la nouvelle architecture du columbarium situé à l’entrée du Mountain View Cemetery à Oakland, en Californie. Inspirée par l’architecture mauresque et gothique, l’architecte imagine un plan labyrinthique fait de longs couloirs et de jardins intérieurs. Aujourd’hui, des milliers d’urnes funéraires remplissent les niches du bâtiment, dont certaines prennent la forme de livres, donnant la sensation de déambuler dans une étrange bibliothèque à l’esthétique résolument éclectique.
5. L’extension du cimetière Gubbio par Andrea Dragoni
Les cimetières et leur architecture sont parmi les monuments qui doivent savoir traverser les époques. Mais souvent, leur agrandissement devient nécessaire au fil du temps. À Gubbio, en Italie, la ville a fait appel à l’architecte Andrea Dragoni pour imaginer l’extension de son cimetière. Résultat ? Une structure imposante reprenant les codes architecturaux de la ville fortifiée dans une version contemporaine. Imaginé comme un espace de recueillement, mais aussi de réflexion et de méditation, il offre des fenêtres ouvertes sur le ciel visant à apporter une dimension spirituelle au lieu aux allures monastiques.
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