Le musée parfait selon Victoria Wilmotte

Pour IDEAT, la designer Victoria Wilmotte nous emmène dans son musée imaginaire et nous révèle les objets qu’elle y exposerait. Rencontre.

Concevant et fabriquant des pièces et du mobilier de design depuis neuf ans dans son atelier parisien rempli de machines industrielles, Victoria Wilmotte ouvre enfin son showroom* dans la capitale. On y verra à la fois d’anciennes collections, comme sa lampe Murano Sfere, ses vases Zigzag pour Daum, ses miroirs en céramique autoédités, mais aussi sa toute nouvelle série « Concav » pour Pulpo. Pour IDEAT, elle imagine son musée rêvé, celui d’où elle sortirait aussi émue qu’après une bonne séance de ciné.


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« Ressortir d’un musée comme d’un excellent film, c’est mon idéal ! Tout comme la confrontation entre toutes choses dont l’aspect industriel me parle. Je suis fan d’outils anciens pour leur poésie et leur beauté.

Console ZigZag (2020).
Console ZigZag (2020). Yannick Labrousse

Je peux rester scotchée devant l’esthétique d’une tôle, les tournevis japonais du grand magasin Tokyu Hands, à Tokyo, ou le Catalogue d’objets introuvables de l’artiste Jacques Carelman (1929-2012) : absurdes, aux formes improbables et impossibles à utiliser… Tel ce marteau que je me suis offert, au manche en zigzag peint d’une touche rouge signé Robert Stadler pour la Galerie de Multiples.

Parmi les lieux existants qui m’ont frappée, il y a l’Espace de l’Art Concret à Mouans-Sartroux, dans les Alpes Maritimes, créé par les collectionneurs Sybil Albers et Gottfried Honegger. Ce centre culturel fait un énorme pas de côté par rapport aux musées classiques en éduquant le regard aux œuvres d’Aurélie Nemours, Bernar Venet, Laurent Saksik ou encore Nikolaus Koliusis. J’y ai adoré l’exposition sur Francis Bacon, également designer de meubles et de tapis, dont le travail se trouve exposé aux côtés d’œuvres de la même époque.

Comme je rate souvent des choses dans les musées à cause des parcours alambiqués et que cela m’agace, le mien serait plutôt une maison pour ne rien rater. On y suivrait un fil tout simple. Comme les perles d’un collier, les collections seraient emboîtées les unes dans les autres, issues d’anonymes ou non, mélangeant des œuvres décalées engendrant mille questionnements.

Le miroir « Wave » n’est pas en reste puisque la même technique de plissage recouvre une partie de sa surface.
Le miroir « Wave » n’est pas en reste puisque la même technique de plissage recouvre une partie de sa surface. DR

Des hologrammes d’artistes partageraient des scènes de leurs ateliers au milieu des visiteurs, qui verraient ainsi le travail géométrique de Peter Haley confronté à des reproductions de dessins industriels d’un artiste inconnu des années 1950 dont l’agrandissement de dessins de grues ou de rouages révélerait des formes fantastiques dignes d’un tableau de maître.

On y trouverait également la collection « Objects for The Electronic Age », de Nathalie du Pasquier, dont le langage est emprunté au mouvement Memphis – que j’aime particulièrement pour son absence de références esthétiques –, qui ferait face à des pièces de design brut. Sans oublier des packagings graphiques du designer Ruedi Baur, en contrepoint des sculptures métalliques monumentales de Philolaos Tloupas et des clichés d’objets du quotidien de Claus Goedicke (bidon vide monochrome, boîte d’œufs, établi d’outillage).

Ces éléments mélangés figureraient une sorte de moodboard expliquant pas à pas l’aboutissement créatif de meubles contemporains luxueux. En effet, pour moi, la fabrication est aussi importante que la finalisation d’un projet. J’aimerais « décoincer » le visiteur via une salle des machines où réaliser soi-même un accessoire à emporter.

Victoria Wilmotte a joué sur les volumes pour revisiter l’utilisation industrielle du béton (Panbeton/Concrete LCDA).
Victoria Wilmotte a joué sur les volumes pour revisiter l’utilisation industrielle du béton (Panbeton/Concrete LCDA). Lux Productions

J’empilerais aussi des prototypes à la façon de totems : les lampes Mayday, de Constantin Grcic, les chaises Box, en acier d’Enzo Mari et la collection de lampadaires « Chicago Tribune », de Matteo Thun, qui forment comme un paysage de tours. Dans ma villa-musée, une cuisine-labo serait remplie d’ustensiles culinaires alignés aux murs comme dans un atelier, et un salon vitré ouvrirait sur un garage.

Depuis le sofa, on admirerait mon premier scooter Honda Gyro Canopy – vous savez… trois roues, sur bascule et coffre énorme –, une Saab décapotable blanche, une moto Honda Pacific Coast, dont le garde-boue est génial, et l’avion gonflable Kelvin 40, de Marc Newson ! Chaque œuvre, éclairée d’un rayon de lumière, serait magnifiée comme un bijou. Enfin, cette maison comprendrait bien sûr une boutique où s’offrir les reproductions des objets exposés… tournevis japonais compris ! »

> Showroom de Victoria Wilmotte. 38, rue Madame, Paris VIe. Plus d’informations ici.


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