Directeur artistique du distributeur de mobilier Silvera, Alix Libeau gère la mise en scène des boutiques et s’occupe de leur développement, à l’image du nouveau showroom issu du partenariat avec la marque Zanotta, à Paris (VIIe ). Montagnard passionné, il a fait de Silvera le partenaire du festival Les Arcs Archi’ Design, dans les Alpes, dont la prochaine édition aura lieu en avril 2025. Une semaine au cours de laquelle il ouvrira au public son appartement 100 % made by Charlotte Perriand ! Alix Libeau décrit pour IDEAT à quoi ressemblerait son musée imaginaire…
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L’amour des monts
« Je vis en permanence dans mon musée imaginaire dont il faut sans cesse que je repousse les murs pour contenir tout ce que je vois et ce que j’aime ! Depuis que mes parents m’emmenaient l’hiver à Arc 1800, la Savoie est devenue mon havre de paix. Ces vacances d’enfance à la neige étaient enchanteresses. C’est plus tard que j’ai fait le lien entre Charlotte Perriand et la station de montagne. Elle skiait, randonnait et y a dessiné nombre de résidences avec leur mobilier.
J’habite aujourd’hui l’un de ses appartements à Arc 1600, entièrement d’origine – datant de 1968. Pour mon espace culturel imaginaire, je me figure un site escarpé, enneigé, où l’on pourrait dévaler les pentes dans une nature parfaitement vierge. J’adore le ski de randonnée, entre amis ou en solitaire, pour son rythme lent.
Dans un paysage blanc sans rien de mécanique, avec sa faune et sa flore intactes. J’aimerais offrir aux visiteurs cette sensation. Ils pourraient aussi y découvrir un refuge conçu par Jean Prouvé, autre amoureux des cimes qui a notamment érigé celui des Évettes. Le fil de ce musée serait le sensible, le romantique, la contemplation et bien sûr l’émotion.
La bâtisse prendrait la forme d’un immense chalet dans le goût de celui que Charlotte Perriand s’est construit à Méribel : une maison de tradition savoyarde, intelligemment fondue dans son environnement, où elle a apporté une dimension moderniste, invitant le panorama grandiose à entrer grâce à de larges baies vitrées. J’aime aussi ses cloisons mobiles à la japonaise, que je lui volerais bien pour cet espace.
Derrière un panneau, on pourrait contempler des œuvres d’Isamu Noguchi, qui fut sculpteur, designer et scénographe, mariant lui aussi tradition et modernité – ses luminaires en papier washi sont comme des micro-architectures – ou encore des sculptures de Brancusi, artiste de génie qui a révolutionné son art par une taille brute, directe et poétique. Une autre paroi coulissante dissimulerait des créations cinétiques de l’artiste grec Takis, qui a exploré les vibrations et le mouvement, à la frontière de l’art et de la science– provoquant chez moi l’émerveillement.
Dans mon musée imaginaire y trouverait aussi le travail du jusqu’au-boutiste Julio Le Parc (qui, en 1972, a refusé une exposition d’envergure à Paris après l’avoir jouée à pile ou face), de l’autodidacte François Morellet, pour le nouveau sens qu’il a donné aux formes géométriques en utilisant les néons, de l’éblouissant Carlo Scarpa, virtuose du mélange des textures, et, enfin, celui d’Ettore Sottsass, pour les émotions sensuelles de son design engagé.
Pourquoi ne pas également reconstituer l’ambiance d’une salle des ventes ? Durant des enchères majeures, on pourrait y admirer des ensembles de pièces jamais réunies dans un musée ! De plus, j’accorderais une place prépondérante à l’architecture. Je me suis d’ailleurs donné pour but de visiter toutes les réalisations de Le Corbusier à travers le monde.
Puisque j’ai le droit de rêver mon musée, je n’y transplanterais pas un agencement, qui n’a d’intérêt qu’in situ, mais j’adorerais exposer des inédits ou des projets toujours dans des cartons de Le Corbusier, Tadao Ando, Kengo Kuma ou Shigeru Ban. Ces trois derniers ont travaillé sur l’usage et la fonction avant la beauté. Une forme de minimalisme qui n’est pas le minimum !
Enfin, présenter une « matériauthèque » composée de pierres produites par la nature qui finissent en objets ou en meubles me plairait bien. De même, une pièce accueillerait les fascinants univers de l’artisanat, qui subliment l’idée d’un créateur. Entrer dans la conception de l’œuvre en cours est jubilatoire. »
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