Récompensé pour son architecture humaniste et ingénieuse, Liu Jiakun est le lauréat du prix Pritzker 2025, la plus haute distinction dans ce domaine. Mêlant des opposés en apparence irréconciliables – utopie et quotidien, histoire et modernité, collectivisme et individualisme – Liu Jiakun, né à Chengdu, compose depuis plus de 30 ans un langage architectural qui qui célèbre la vie des citoyens ordinaires, refuse l’esbroufe, privilégie l’humain et marie subtilement la tradition et l’expérimentation. En 5 projets, la démonstration est limpide.
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1. Département de sculpture de l’Institut des beaux-arts du Sichuan, Chongqing, 2004
Réalisé en 2004 à Chongqing, le Département de sculpture de l’Institut des beaux-arts du Sichuan pose très tôt les fondations de l’architecture contextuelle et inventive de Liu Jiakun. Construit sur un terrain très étroit, ce bâtiment monumental a été conçu dans l’idée d’optimiser l’espace vertical.



Pour ce faire, Liu Jiakun s’est inspiré des édifices historiques locaux s’étant fait une place dans ce milieu urbain dense. Il a alors imaginé des étages en porte-à-faux, permettant d’augmenter la surface au sol utile sans alourdir le volume général. Une première démonstration significative de la capacité de l’architecte à transformer les contraintes en leviers de créativité.
2. Le bloc C6 du campus de Novartis, Shanghai, 2014
Fait rare, la conception des bâtiments du campus de Novartis, situé dans le quartier de Zhangjiang Hi-Tech Park (surnommé la « Silicon Valley chinoise »), à Shanghai, a été confiée à des architectes originaires de différents pays, avec pour objectif d’offrir une pluralité de visions sur ce que pourraient être les laboratoires et bureaux de demain, propices au travail et à la communication.



Attribué à Liu Jiakun, le bloc C6 a été conçu selon un plan ouvert, favorisant les espaces décloisonnés afin de multiplier les points de rencontre et de stimuler les interactions entre collègues, souvent sources de créativité et de productivité. Une fois encore, les clins d’œil au passé y sont nombreux, comme les balcons en gradins qui rappellent les tours traditionnelles et emblématiques de nombreuses dynasties du pays.
L’architecture intègre également des matériaux durables tels que la brique recyclée et le bambou lamellé, qui apportent une sensation de naturel bienvenue dans cette mégapole étouffante !
3. West Village, Chengdu, 2015
Implanté en plein cœur de Chengdu, mégapole située au beau milieu de la Chine, West Village est perçu comme un manifeste de l’architecture sociale selon Liu Jiakun. Son objectif était clair : favoriser la mixité et les interactions quotidiennes. Véritable ville dans la ville se déployant sur tout un pâté de maison, ce projet pharaonique repose sur cinq piliers majeurs : culture, sport, loisirs, travail et commerce.





Tout y est possible, fluide et accessible. Une rampe à plusieurs niveaux, conçue pour les cyclistes et les piétons, délimite le périmètre de cette cité à l’urbanisme horizontal et poreux, ouvert sur Chengdu et traversable par tous. En son centre, tel un poumon de verdure : un parc et des terrains de sports végétalisés, puis ici et là, quelques petits patios de bambou.
Cette réinterprétation contemporaine et à grande échelle de la cour traditionnelle chinoise, que l’on retrouve notamment dans les siheyuan (ces maisons traditionnelles chinoises à cour intérieure) a été pensée avant tout pour être animée.
4. Musée de la brique impériale de Suzhou, 2016
Inauguré en 2016, le Musée de la brique impériale rend hommage à un matériau humble, mais chargé d’histoire : la brique cuite, utilisée autrefois pour bâtir les palais impériaux. Implanté sur un ancien site de production de briques destinées à la Cité interdite et au Temple du Ciel à Pékin, ce projet célèbre le patrimoine à la fois matériel et immatériel.




Avec ses toits plats à larges débords et ses lignes basses et horizontales, l’architecture s’inspire des pavillons traditionnels chinois. L’ensemble des murs a été réalisé à partir de briques anciennes réemployées, dans une démarche à la fois écologique et symbolique. Le parcours muséal suit un chemin fluide et contemplatif, entre patios et galeries couvertes. Un bel exemple de l’architecture de Liu Jiakun, fortement enracinée dans la tradition.
5. Les grottes de Tianbao, Luzhou, 2020
Situées à flanc de falaise, sous le pic Tianbao, ces grottes naturelles étaient historiquement destinée au stockage du baijiu, une liqueur traditionnelle chinoise. Liu Jiakun a été chargé de préserver et de moderniser le site en y apportant des structures contemporaines en accord avec le paysage et la culture locale.

Le projet s’articule autour de deux concepts clés : la sédimentation et la légèreté. Parmi les ajouts notables : des sentiers aménagés et un pavillon de dégustation de liqueur, fait de béton, d’acier et de verre, pour une intégration optimale dans l’environnement rocheux et boisé. En résulte un bâtiment aérien qui donne le vertige !
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