Dès l’entrée, la sérigraphie Bless This Acid House (« Bénis cette demeure de l’acide »), de Jeremy Deller, donne le ton… C’est d’ailleurs l’une des premières pièces de l’artiste qui a gagné le Turner Prize en 2004 et a représenté le Royaume-Uni à la Biennale de Venise en 2013, et que la conseillère en design et en art, Aurélie Julien, s’est offerte en 2005.
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Espace-manifeste
Quelques années plus tôt, en 2001, fraîchement diplômée de l’École EAC Paris et du Art Institute, de Fort Lauderdale, en Floride, la jeune femme démarre une carrière d’assistante dans une galerie de design rue Louise-Weiss (XIIIe), épicentre de l’art contemporain de la capitale.


Elle baigne alors dans la création et commence à collectionner des œuvres d’artistes en devenir exposés chez Art Concept, Air de Paris ou Emmanuel Perrotin… Un engouement qu’elle déploie aujourd’hui dans les 85 m2 de son appartement dont pas un centimètre carré n’a été laissé au hasard et où la disposition des œuvres d’art et de design acquises au fil des ans semble créer de grands tableaux.
De la console Cut Paste, de Robert Stadler, à la salière et la poivrière Cocaine et Heroin, signées David Shrigley, en passant par le néon de Philippe Starck. Un espace-manifeste pour celle qui accompagne aussi bien des passionnés dans leurs acquisitions que des grands designers dans le développement de leur carrière.
Elle qui fut l’agente de Virgil Abloh (1980-2021) à ses débuts, en 2013, avant que l’architecte, designer et créateur de mode ne devienne le directeur artistique de Louis Vuitton Homme, collabore dorénavant avec des créateurs aussi différents que Martin Szekely, Harry Nuriev, Joseph Dirand, Normal Studio ou Alexis Mabille.

Après des années à envisager l’art uniquement comme une passion personnelle, Aurélie Julien l’a intégré dans sa vie professionnelle, en remplissant plusieurs missions, telle la gestion de la Fondation Neil Wong. Son fondateur sino-malaisien a confié, voilà dix ans, à la férue de design la constitution de sa collection et la direction de son espace muséal à venir.
Minimalisme et exubérance
« Mon appartement, c’est totalement moi, je suis très minimale et/ou conceptuelle. Je refuse le décoratif et, parmi mes œuvres d’art, on compte beaucoup de sculptures et de pièces en céramique, que je trouve assez proches du design puisque, dans tous les cas, il s’agit de 3D, de volume », explique la quadragénaire.


Un lieu qu’elle a imaginé comme un white cube, qu’il s’agisse de sa pièce à vivre faisant office de salon-salle à manger, bureau et cuisine ou de sa vaste chambre, toutes deux blanches et chargées d’œuvres aux murs. Et pourtant, cet intérieur est loin d’être froid et intimidant.
Au contraire, il prouve que le conceptuel et l’anticonventionnel – signatures d’Aurélie Julien – peuvent être vivants et colorés, comme la peinture d’Eliza Douglas reproduisant des personnages Disney aspirés dans un vortex, ce qui pourrait être un buste de femme en silicone rose d’Eva Fàbregas, la chaise en fourrure bleu ciel de Harry Nuriev, l’acrylique multicolore de John Giorno You Got to Burn to Shine (« Il faut brûler pour briller ») et enfin le néon clignotant et le pare-brise de Bruno Rousseaud, lequel a aidé Aurélie dans l’aménagement de son intérieur.
Ces œuvres d’artistes émergents pour la plupart contre-balancent le design minimal de Martin Szekely (table basse Grey ou cendrier Amiens…) ou la table Compas, de Jean Prouvé, l’une des seules touches historiques de l’appartement avec une table de salle à manger ronde de Philippe Starck, des années 1980.

Sans doute grâce à sa personnalité vive, précise, cultivée et curieuse, nourrie dans les expositions et les foires qu’elle fréquente, Aurélie Julien a imaginé un endroit où rien n’est calculé et tout est intuitif et livré à son imagination fertile.
La preuve ? « Même si j’habite un immeuble Art déco des Invalides, lorsque j’arrive chez moi, j’ai toujours l’impression d’entrer dans un loft grâce aux grandes fenêtres, aux murs blancs et aux poteaux en béton désossés qui rythment mon salon », imagine celle qui vit dans un work in progress permanent.
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