La Havane, une révolution par le béton

À la fin des années 40, une jeune génération d’architectes formés à La Havane invente une version cubaine du mouvement moderne. Mais la révolution de 1959 sonne le glas de cet élan créatif, prolifique et avant-gardiste. Heureusement, les édifices de béton sont toujours visibles aujourd’hui dans la ville, comme autant de précieux témoins de l’Histoire…

A La Havane, tours avant-gardistes et villas aux courbes sensuelles

Le Vedado abrite en outre plusieurs tours résolument avant-gardistes : l’actuel ministère de la Santé (ex-Retiro Odontológico) et l’immeuble Seguro Médico, tous deux signés Antonio Quintana ; le bâtiment Partagas, des frères Max et Enrique Borges Recio ; ou encore le Focsa, impressionnant ouvrage en béton armé d’Ernesto Gómez Sampera et de l’Espagnol Martín Domínguez Esteban, l’un des premiers et des plus hauts gratte-ciel de Cuba (121 mètres), abritant près de 400 appartements.

Plusieurs fois primé, le haut bâtiment du Seguro Médico, signé Antonio Quintana (1956-58), domine la Rampa, la partie de la 23e Avenue qui descend vers la mer.
Plusieurs fois primé, le haut bâtiment du Seguro Médico, signé Antonio Quintana (1956-58), domine la Rampa, la partie de la 23e Avenue qui descend vers la mer. Jean-Claude Figenwald

Le modernisme cubain a été décliné à La Havane dans plusieurs centaines d’immeubles d’habitation, de villas somptueuses et de maisons plus modestes, aujourd’hui reconnus pour l’audace de leurs lignes et la qualité de leur construction. On y retrouve partout les mêmes matériaux : le béton, la brique, le verre, le bois et le métal.

Une maison privée construite dans les années 50 et bien entretenue par ses actuels propriétaires.
Une maison privée construite dans les années 50 et bien entretenue par ses actuels propriétaires. Jean-Claude Figenwald

Sous ce latitudes, la maîtrise de la lumière, de la chaleur et de l’espace est assurée par des patios, des pilotis, des galeries, des passages couverts, des jalousies, des persiennes orientables ou encore des passerelles visuelles entre l’intérieur et les jardins…

À l’époque de sa construction (1954-56), le Focsa, immeuble résidentiel du Vedado culminant à 121 mètres, oeuvre d’Ernesto Gómez Sampera et de Martín Domínguez Esteban, figurait parmi les plus hauts bâtiments en béton armé dans le monde.
À l’époque de sa construction (1954-56), le Focsa, immeuble résidentiel du Vedado culminant à 121 mètres, oeuvre d’Ernesto Gómez Sampera et de Martín Domínguez Esteban, figurait parmi les plus hauts bâtiments en béton armé dans le monde. Jean-Claude Figenwald

La résidence des sœurs Olga et Isabel Pérez Farfante, conçue par Frank Martinez, en est un exemple significatif : construite sur pilotis au bord d’une falaise, elle possède deux appartements jumeaux reliés par un escalier suspendu. Les persiennes de part et d’autre du salon peuvent s’ouvrir complètement sur le paysage verdoyant, renforçant l’effet de transparence et offrant une ventilation transversale optimale.

La résidence des sœurs Isabel et Olga Pérez Farfante, avec ses deux appartements traversants et très aérés, bénéficient d’un superbe état de conservation (Frank Martinez, 1955).
La résidence des sœurs Isabel et Olga Pérez Farfante, avec ses deux appartements traversants et très aérés, bénéficient d’un superbe état de conservation (Frank Martinez, 1955). Jean-Claude Figenwald

D’autres villas des années 50 se distinguent par leur configuration. Celle d’Eugenio Leal, influencée par Oscar Niemeyer, joue sur le contraste entre la voûte de l’entrée et l’horizontalité du bâtiment. Celle de Timothy James Ennis, signée Ricardo Porro, affiche des courbes sensuelles et des représentations d’organes sexuels.

Sous l’influence d’Oscar Niemeyer, la maison d’Eugenio Leal, à Miramar, combine un bloc rectangulaire et une arche qui protège l’entrée des rayons du soleil (Eduardo Cañas Abril et Nujim Mepomechie, 1957).
Sous l’influence d’Oscar Niemeyer, la maison d’Eugenio Leal, à Miramar, combine un bloc rectangulaire et une arche qui protège l’entrée des rayons du soleil (Eduardo Cañas Abril et Nujim Mepomechie, 1957). Jean-Claude Figenwald
Les coins et recoins de l’immeuble d’Orlando Cárdenas (Evelio Piña, 1959).
Les coins et recoins de l’immeuble d’Orlando Cárdenas (Evelio Piña, 1959). Jean-Claude Figenwald

Enrique Borges, quant à lui, a dessiné sa propre maison en conciliant une base rationaliste et des idées innovantes : une allée sous canopée, des avant-toits géométriques… Les façades se permettent aussi quelques audaces : des jalousies symétriques en brique (sur l’immeuble d’Orlando Cárdenas, conçu par Evelio Piña), des balcons asymétriques (sur celui d’Ildefonsa Someillan, réalisé par Max Borges Recio), des terrasses continues et superposées (pour la villa Almar d’Antonio Boada)…

La façade de l’immeuble d’Ildefonsa Someillan arbore ses balcons déstructurés et ses hautes persiennes (Max Borges Recio, 1950).
La façade de l’immeuble d’Ildefonsa Someillan arbore ses balcons déstructurés et ses hautes persiennes (Max Borges Recio, 1950). Jean-Claude Figenwald