Comment définiriez-vous votre style ? On le décrit souvent comme futuriste…
Marc Newson : Je laisse les autres commenter mon travail. Il me semble impossible de le définir car il associe un ensemble d’éléments à un corpus de valeurs très disparates.
Si votre style n’est pas futuriste, il se rattache beaucoup au high-tech…
Technologies, procédés et matériaux sont simplement une façon de résoudre des problèmes et d’exprimer une idée. Je travaille pour des domaines d’activité variés : le luxe ou l’aviation et pour des marques aussi différentes que Louis Vuitton ou Nike… Ça me nourrit. Ce ne sont pas tant les nouvelles technologies en elles-mêmes qui m’intéressent que leur « recontextualisation ». J’aborde sans œillères la façon dont je peux les utiliser dans divers domaines. Ce que je préfère, c’est collaborer avec de nombreux scientifiques et détourner les matériaux et techniques de leurs usages. J’adore ça ! Dessiner des chaussures pour Nike alimente ma créativité afin d’imaginer des sacs. Mon travail consiste à établir des liens a priori improbables.
Vous collaborez souvent avec des ingénieurs. Comment ça se passe ?
Je mène parfois de front une vingtaine de projets, bien souvent avec des scientifiques. C’est très intéressant, car j’exerce mon métier pour apprendre et trouver des solutions. J’ai des connexions avec de nombreux industriels qui viennent à moi avec des idées pour lesquelles je dois imaginer des applications.
Le titane pour Louis Vuitton, par exemple ? Comment en est née l’idée ?
L’utilisation du titane n’est pas nouvelle, mais ce qui est inédit, c’est d’avoir sorti ce matériau d’un contexte pour le placer dans un autre, celui d’un bagage. Je ne fais pas cela pour le plaisir, mais pour une question d’efficacité, de pure logique. Le titane est solide, léger, mais onéreux. Vuitton était ouvert à cet essai. Dans un projet de design, ce qui est important, ce n’est pas ce que le designer veut faire, mais ce que le client lui laisse faire… Et il est rare qu’un client nous laisse autant de liberté…
Pourquoi collaborez-vous souvent avec le secteur du luxe ?
Il est important de travailler avec des compagnies qui ont assez d’envergure pour pouvoir investir dans un produit, sinon on reste coincé à faire toujours la même chose, à utiliser les mêmes matériaux, les mêmes procédés, les mêmes technologies. Jaeger-LeCoultre ou Louis Vuitton ont un savoir-faire et une expertise qui leur permettent d’être très bonnes dans des champs particuliers. Elles ne sont pas restreintes par les coûts de développement. Le terme « luxe » est stupide, il s’agit surtout de haute facture, portée par des valeurs de longévité. Et, en fin de compte, c’est plus écologique… Parfois, on dessine un objet pour le plaisir d’utiliser un matériau ou une technologie ; parfois, au contraire, on a l’idée d’un objet et on recherche le matériau adéquat… Dans les deux cas, le but est de résoudre un problème spécifique. Mon métier consiste à emboîter les pièces d’un puzzle.
Vous allez collaborer avec la galerie Kreo (Paris VIe)…
J’ai réalisé pour Taschen un projet de bibliothèque modulable en acier. Nous nous en inspirons pour créer un objet avec une finition en acier émaillé. Il sera fabriqué par un atelier du nord de la France qui conçoit les panneaux du métro et les plaques des rues de Paris.
Quels sont vos autres projets ?
Beaucoup sont en cours et je ne peux les dévoiler, notamment pour Apple, Louis Vuitton, Hennessy ou Knoll. D’autres relèvent de l’architecture intérieure. Je dessine aussi des yachts, des choses pour l’aviation… En tout, une vingtaine, dont beaucoup dans l’univers du luxe.