Dessiner une chaise semble être le but de tout designer. Pourquoi ?
Marc Newson : La chaise est une sorte de machine humaine, à mi-chemin entre la station debout et la possibilité de s’asseoir au sol. Dans l’absolu, on pourrait s’asseoir par terre… Cette typologie d’objet a beau être la première que j’ai commencé à dessiner, je l’avais délaissée après en avoir beaucoup produit. Si on se souvient de moi pour une ou deux chaises, ce sera déjà pas mal…
Vous êtes le designer qui a vendu de son vivant l’assise la plus chère du monde. Ça vous a mis la pression ?
J’y pense parfois quand je vois passer la Lockheed Lounge sur le marché. Elle vit désormais sa propre vie, un phénomène que j’observe de loin sans que cela me mette de pression particulière. Ça me semble simplement curieux et je me demande souvent : pourquoi celle-là ? Si j’avais la réponse, je recommencerais…
La chaise de Knoll a des airs de famille avec votre Extruded Chair, taillée en 2007 dans un seul bloc de marbre. Était-ce une influence ?
Oui. J’utilise volontiers mon corpus comme source pour de nouvelles créations. Lorsque j’ai une idée en tête, elle m’obsède. Je tourne autour d’une forme… L’autre inspiration pour cette chaise, c’est l’histoire du design. Nombre d’assises des débuts de la discipline ont été conçues en porte-à-faux, ce qui inscrit celle-ci dans une tradition. Surtout, elle est beaucoup plus confortable qu’une chaise à quatre pieds.
Aussitôt présentée, elle était disponible. Une exception à Milan…
Ça fait partie des choses que j’apprécie chez Knoll. Voilà trente ans que je viens à Milan et que je collabore avec des compagnies italiennes et c’est toujours le même problème : nous présentons des prototypes que personne ne peut acheter avant un ou deux ans. Je trouve ça stupide. Knoll est plus sérieuse : avec elle, on ne perd pas de temps…
Vous vous faites rare dans le design, pourquoi ?
À un moment de ma carrière, j’en ai eu assez de dessiner des meubles qui ne sortaient jamais ! Aucun designer n’a envie de concevoir des projets qui restent à l’état de prototypes…
Vous dessinez beaucoup ?
Beaucoup à mes débuts, mais moins ces derniers temps. Dans mon processus de création, c’est une façon de me communiquer des idées. Le dessin est comme un journal intime qui matérialise ma conscience. Il me permet de passer du concept à la réalité. Dans mon travail, je n’utilise pas trop l’ordinateur, qui ne me semble pas la façon la plus spontanée de créer.