Vous êtes également cinéaste. Comment avez-vous découvert ce langage artistique et pourquoi occupe-t-il une place si importante dans votre pratique ?
Isay Weinfeld : Quand j’avais 14 ans, mon professeur de portugais a loué le film d’Ingmar Bergman Les Fraises sauvages afin de le projeter en classe. Ma vie en a été transformée. J’étais fasciné. C’est ainsi que j’ai découvert le cinéma. Quelques années plus tard, je me suis moi même essayé au tournage. Comme je vous l’ai dit, j’ai toujours ressenti le besoin de m’exprimer par différents moyens et je suis très heureux d’avoir pu oeuvrer dans des champs créatifs aussi divers, de l’architecture au cinéma, du design de mobilier aux arts visuels. Mais, si l’influence d’un domaine sur l’autre apparaît clairement dans mon travail – j’entends dire, en effet, que mon architecture est cinématographique et que mon cinéma est architectural –, c’est peut-être également parce que mon esprit fonctionne toujours de la même façon, peu importe ce que je fais ou crée. Par exemple, quand je guide un visiteur d’une pièce à l’autre dans un bâtiment ou un spectateur scène par scène à travers un film, ce qui m’intéresse le plus, c’est d’être capable de susciter des émotions.
Quel est, selon vous, le but de l’architecture ? Et le rôle des architectes dans nos sociétés contemporaines ?
Je pense que la mission de l’architecture est d’offrir un abri aux personnes et aux activités en tenant compte de la fonctionnalité et de la technique mais aussi en faisant preuve d’une certaine sensibilité pour la couleur, la lumière, les textures, l’échelle, les proportions… De mon point de vue, les architectes ont une obligation – évidente – envers les demandes de leurs clients mais aussi envers le site où ils construisent – que ce soit en ville ou en pleine nature – et envers la planète, par des solutions durables. En respectant l’ensemble de ces engagements, ils contribuent selon moi à une société plus responsable.
Les critiques vous sont-elles utiles ?
Elles ne m’intéressent pas vraiment, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Le seul que j’écouterais volontiers serait Jacques Tati, le meilleur critique d’architecture !
Connaissez-vous la France et aimeriez-vous y construire ?
J’y suis allé de nombreuses fois et j’adore ce pays. J’aimerais bien sûr y construire, mais il faudrait pour cela qu’on me demande de réfléchir à un projet pour lequel je me sentirais capable de répondre de façon adéquate.
Êtes-vous optimiste quant à l’avenir de votre pays ?
Oui. Il ne fait aucun doute que des temps difficiles sont encore devant nous, mais j’ai le sentiment que, ces dernières années, la société est devenue plus active et davantage impliquée dans les sujets comme la politique, l’éducation, les droits civiques… On n’avait jamais connu un tel niveau d’engagement auparavant. Et nous ne pouvons quand même pas revenir en arrière sur tout ce que nous avons déjà vaincu. Je veux parler des discriminations de toutes sortes : race, genre, religion, handicap. Pas seulement au Brésil, mais dans le monde entier. Donc, oui, je suis plutôt optimiste.