Pourquoi avez-vous choisi de devenir architecte ?
Isay Weinfeld : Je ne dirais pas que je l’ai choisi. Quand je suis entré à l’Universidade Presbiteriana Mackenzie, à São Paulo, pour étudier l’architecture, j’avais déjà eu l’occasion d’expérimenter les domaines du cinéma et des arts visuels. C’était dans les années 70. À cette époque, les caméras Super 8 étaient très populaires. J’ai commencé à m’amuser avec, puis à exposer des installations d’art conceptuel dans des galeries. Mais j’ai rapidement reçu beaucoup de commandes architecturales et, au fil des années, l’architecture a occupé la plus grande partie de mon temps, devenant ainsi mon activité principale. Pourtant, elle ne m’a jamais complètement comblé. J’ai toujours ressenti le besoin de m’exprimer autrement par moments. Il y a quelques années, j’ai décidé de reprendre le tournage et j’ai commencé une série de (très) courts-métrages autour de mon travail d’architecte. Et l’an dernier, j’ai présenté une exposition dans une galerie d’art à São Paulo où seize œuvres combinant critique sociétale et humour ont été montrées au public.
Quel était le concept de cette exposition ?
Pendant longtemps, j’ai amassé des petits objets achetés chez des antiquaires, dénichés dans des magasins insolites ou des marchés aux puces. Mon seul critère de sélection était de les aimer pour ce qu’ils étaient : un vieux jouet minuscule, un tamis rouillé, une boule de cristal… À un moment donné, j’ai établi des liens entre les objets de cette « collection ». Pour chaque œuvre, j’ai choisi deux ou trois pièces que j’ai réunies pour en faire quelque chose de plus spirituel : des petites mises en scène raillant nos coutumes et suscitant un regard critique.
Quelle a été votre première expérience en tant qu’architecte ?
C’est mon oncle qui m’a confié ma première commande. Il s’agissait de la rénovation de son appartement. Après des mois passés à concevoir le projet puis à superviser les travaux, je me suis rendu compte que c’était un désastre complet. Pas parce que le résultat était mauvais, bien au contraire. Il était magnifique, et il aurait été parfait si j’avais été l’occupant des lieux. Mais j’ai réalisé que j’avais repensé l’appartement selon mes propres goûts et mon mode de vie, et non selon ceux de mon oncle. J’étais déçu mais également heureux d’avoir tiré cette leçon dès ma première commande !
Et le moment décisif ?
Lorsque je me suis rendu compte que je n’avais pas développé de style propre. Ce fut un moment très important dans ma carrière. Ça ne m’a pas rendu perplexe ; au contraire, j’en étais fier.
Quel autre métier auriez-vous eu envie d’exercer ?
Celui de chef d’orchestre. La musique est vraiment ma plus grande passion. Malheureusement, mon seul talent musical, c’est mon oreille ! Cependant, en tant qu’architecte, j’ai véritablement l’impression de diriger un orchestre, composé de maîtres d’œuvre, de designers, de bureaux d’études, d’ingénieurs, d’artisans…
Votre production aborde toutes les échelles, du mobilier aux bâtiments de grande envergure. Est-ce un choix ?
Ce large éventail que recouvrent mes réalisations découle d’une volonté claire plutôt que de la chance ou du hasard. Il est fondé sur la conviction que diversifier les expériences permet de mieux assumer ses responsabilités et sur la certitude qu’en architecture, comme dans toute autre discipline, élargir ses horizons est crucial. Cela fait partie d’un processus de formation continue. Avec mes collaborateurs, notre pratique est guidée par une approche philosophique qui ne fait aucune distinction entre le projet d’une chaise et celui d’un bâtiment, car notre investissement dans chacune de nos missions est le même, tout comme notre méthodologie de travail : croquis, maquettes, prototypes, dessins de développement, mise au point des détails et suivi étroit des travaux d’exécution.