Des murs bavards ? À l’hôtel INK MGallery, on les imagine volontiers s’empourprer ou broyer du noir selon les conversations. En 1904, ils abritaient le siège et l’imprimerie du journal De Tijd (« Le Temps »), témoins malgré eux d’une actualité brûlante. Puis la rédaction a déménagé, laissant la place à un hôtel Accor où les histoires, cette fois, se murmurent sur les oreillers. Comme un bon rédacteur en chef, le propriétaire entama alors une refonte de la maquette, pardon… de l’établissement. Il aura fallu deux ans de réflexion et seulement quatre mois de travaux pour ouvrir au printemps 2014 les 149 chambres et suites de cet hôtel, le premier de la marque MGallery à s’installer au Benelux. C’est aux architectes de l’agence Concrete – qui ont déjà signé des hôtels CitizenM et W – que l’on doit cette transformation. S’inspirant du passé des lieux, les designers ont tiré un fil rouge autour du thème de l’encre, du temps et des histoires.
Concrete a imaginé l’entrée de l’hôtel comme un prolongement de la rue, tissant un lien entre les trois bâtiments réunis autour de deux petites cours, et floutant ainsi les frontières entre intérieur et extérieur. Aux murs, de larges lettres d’imprimerie résonnent avec la pièce voisine, la Pressroom. Dans l’ancienne salle des machines, l’open-space se divise en lounge, bar, restaurant et cuisine que l’on aperçoit derrière des baies vitrées. Le concept « Drink & Eat » est groovy : le petit déjeuner à la carte se prend jusque dans la soirée (tout le monde n’est pas du matin), des DJ’s s’invitent le week-end (avec un couvre-feu à 23 heures) et les nouvelles s’étalent dans les pages de la presse locale et étrangère offerte : The Sun et le Financial Times (il ne manquerait pas un titre français ?). Au buffet matinal, on grignote des baies de goji (très à la mode à Amsterdam) et, le soir, on déguste le cocktail maison INK-credible qui évoque de l’encre. Autour, de vieilles machines à écrire et des dossiers habillent les étagères où les livres sont classés par couleur, comme un nuancier de peinture. Il fallait y penser.
Le goût des lettres
Dans les couloirs menant aux chambres, des petits mots « écrits » sous le numéro des portes les personnalisent : par exemple « “Tik tik tik tik” the sound of typewriter » (le son de la machine à écrire). Une fois poussées, la même ligne éditoriale se décline en six typologies : un long bureau en bois, un lit douillet et une salle de bains ouverte où le marbre se marie au cuivre, attendant impatiemment de vieillir. Partout, des clins d’œil au monde de la presse et de l’écrit avec des pots remplis de stylos Bic et des feuilles blanches proposés aux écrivains en herbe.
La signature INK se retrouve sur le papier peint, tantôt blanc, tantôt noir, où l’artiste Jan Rothuizen a tracé The Soft Atlas of Amsterdam, une carte amusante de la ville, truffée d’informations pratiques mêlées à des remarques personnelles et des souvenirs. Par exemple : « Hema est une chaîne de magasins avec plein de choses abordables et colorées au design épuré. Vraiment très néerlandais ! » Né en 1968 dans la Venise du Nord, ce dessinateur collabore notamment avec le quotidien De Volkskrant. On s’endort donc dans son univers, étonné du relatif silence de la rue. « Amsterdam est une ville avec peu de voitures », souligne Willem Romijn, le guest service manager, ancien styliste ravi de porter le costume dessiné pour l’hôtel par G-Star (encore une marque locale). Comme lui, le personnel vient d’horizons divers, le mannequinat ou la télévision. Le INK hôtel est décidément un lieu « où les histoires sont encore à écrire », un slogan que cette maison n’hésite pas à afficher en anglais, entre ses murs. Ici, ils n’ont pas seulement des oreilles, ils s’expriment.