Ces maisons d’architecte témoignent des grands élans modernistes du XXe siècle. Leur visite ne relève pas seulement de la curiosité patrimoniale : c’est une immersion dans l’utopie d’architectes et d’artistes qui rêvaient de transformer le quotidien en œuvre d’art.
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1. La Maison-Atelier Jean Lurçat : l’avant-garde à Paris
C’est tout un pan d’avant-garde qui ressurgit au cœur de la villa Seurat : cent ans après sa construction, la maison-atelier de Jean Lurçat (1892-1966), édifiée par son frère André Lurçat (1894-1970), rouvre ses portes, après cinq années de restauration patrimoniale menées par l’Académie des Beaux-Arts.
Avec sa façade blanche, ses volumes géométriques et ses grandes baies vitrées, elle rompt avec les codes bourgeois de l’époque. On y accède désormais par petits groupes, sur réservation. L’intérieur, sobrement réaménagé, propose une immersion dans l’univers de l’artiste, entre tapisseries, céramiques, œuvres graphiques et objets personnels. Dans la même allée pavée ne manquez pas l’atelier de Chana Orloff (1888-1968), construit pour elle par Auguste Perret (1874-1954).
2. Fondation Marta Pan et André Wogenscky : modernisme par nature
« Nous habitons le territoire du rouge-gorge. Comme nos intérêts n’empiètent pas sur les siens, il nous tolère. » La formule de Marta Pan (1923-2008) traduit à merveille l’esprit de la maison, implantée dans la Vallée de Chevreuse. Construite en 1952, elle fut le premier projet personnel d’André Wogenscky (1916-2004), collaborateur de Le Corbusier.
Les lignes rationnelles de l’architecte s’y adoucissent dans le dialogue avec les sculptures sensuelles de sa compagne. La demeure s’étire vers le paysage, ses larges baies vitrées prolongeant l’intérieur dans le jardin. Ce dernier, ponctué de pièces monumentales, se transforme au rythme des saisons. Ouverte au public depuis 2011, la visite se vit comme une immersion dans un face-à-face permanent entre rigueur moderniste et souffle organique.
3. La Maison Louis Carré : design total signé Elissa et Alvar Aalto
En lisière de la forêt de Rambouillet, une demeure se fond dans le paysage : c’est l’unique réalisation française signée par Alvar Aalto (1898-1976) et sa femme et collaboratrice Elissa Aalto (1922-1994). Commandée en 1956 par le marchand d’art Louis Carré, c’est un manifeste de design total pour lequel le couple imagine tout, du portail au jardin, des luminaires aux mâts à drapeaux, jusqu’au mobilier intégré.
Classée monument historique, cette maison moderniste se découvre aujourd’hui lors de visites guidées organisées chaque week-end, permettant d’en apprécier la cohérence subtile entre architecture, mobilier et nature. Des expositions y sont régulièrement organisées, prolongeant l’esprit de cette œuvre complète.
4. La Maison Van Doesburg : un cube coloré façon De Stijl
« Sans couleur l’architecture est sans expression. » Le peintre, architecte et théoricien néerlandais Theo van Doesburg (1883-1931), fondateur du mouvement De Stijl, donne corps à cette conviction dans sa maison moderniste de Meudon, achevée en 1930. Unique œuvre architecturale conservée de l’artiste, elle associe atelier et logement dans un jeu de volumes cubiques.
Si la structure se présente dans la blancheur d’un enduit sobre, trois touches primaires viennent animer la façade : le jaune d’un rideau de garage, le bleu de la porte d’entrée et le rouge d’une porte donnant sur le toit-terrasse. Après sa mort prématurée, son épouse Nelly y accueillera les avant-gardes internationales, de Mondrian à Arp. Restaurée dans les années 1980, la maison reste une résidence d’artistes et se visite gratuitement sur inscription chaque premier samedi du mois.
5. L’appartement-atelier de Le Corbusier : espace fluide et mobilier intégré
Inspiré par la maison de verre de Pierre Chareau (1883-1950), Le Corbusier (1887-1965), inaugure en 1934, dans le 16e arrondissement de Paris, le premier immeuble d’habitation entièrement vitré. Au 7ᵉ et 8ᵉ étage, il obtient le droit d’y aménager, à ses frais, son lieu de vie. L’atelier, orienté est-ouest, abrite encore son chevalet, un bassin pour rincer ses pinceaux faisant également office de piscine pour son chien et ses tables de bois récupérées dans l’atelier d’horloger de son père.
Le mobilier intégré, conçu avec Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret, traduit son obsession de l’espace fluide : portes pivotantes, rangements dissimulés, lit surélevé pour contempler la vue. Classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2016, ce duplex est l’incarnation de sa vision fonctionnelle, puriste et moderniste (et controversée) de l’habitat.
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