Birkin et Gainsbourg à Londres, un certain Gigi dans le Var, à Paris et dans les Alpes… Fictifs ou réels, personnages et aventures sont toujours le point de départ des chantiers d’Hugo Toro : « Un bon projet, c’est comme un bon film, il émane d’un scénario intéressant », dit-il.
Le voyage comme source d’inspiration
Pour concevoir les lieux à succès qu’il livre ces temps-ci, comme le Booking Office 1869, bar-restaurant de la gare londonienne Saint-Pancras, ou les restaurants Gigi pour le groupe Paris Society, des hôtels particuliers à Neuilly, un appartement rue des Saints-Pères, dans la capitale, un spa, ailleurs… l’architecte laisser filer son imagination : « Je m’invente des histoires, je rêve des projets à venir, ce qui m’aide à structurer ma pensée et à rendre tangibles les espaces que je vais créer. »
Le parcours de ce jeune architecte de 32 ans, au débit de mitraillette ? Formé à Penninghen, d’où il est sorti major, il a terminé un master à die Angewandte, l’université des arts appliqués de Vienne, en Autriche, avant de fréquenter celle de Californie, UCLA ; il s’est associé un temps avec son condisciple Maxime Liautard puis a fondé sa propre agence.
Sa sensibilité combine systématiquement carambolages d’époques, attrait pour le nomadisme et sens de la narration. « Ma passion pour la narration vient de ma mère, qui est d’origine mexicaine. J’ai hérité d’elle le goût des histoires et des couleurs. Le côté nomade provient de mon éducation, je voyage depuis l’enfance : en Italie, au Mexique, au Brésil… Puis j’ai poursuivi mes études en Autriche et aux États-Unis. Aujourd’hui, je ne trouve rien de plus inspirant qu’un trajet en train pour dessiner et mettre en forme mes idées. » C’est donc tout naturellement que le voyage (dans l’espace et le temps) a nourri son vocabulaire pour le Booking Office 1869, comme pour la boutique Orient Express de la Samaritaine.
Des lieux hautement instagrammables… mais pas seulement ! « Je ne dessine pas pour le cliché à venir, mais pour des moments, je réfléchis à la manière dont on vit dans un même endroit à différentes heures de la journée et de la nuit, détaille-t-il. Par exemple, comment un mange-debout sur lequel on vient travailler avec son ordinateur peut se transformer en table de fête sur laquelle partager des cocktails. J’apporte également une attention particulière aux circulations et aux espaces de transition entre les scènes vécues par les acteurs de mon scénario : escaliers, couloirs… » Un terreau fertile qui va nourrir des projets sur mesure et répondre à la problématique de lieux aussi différents qu’un bâtiment victorien classé, un corner dans la Samaritaine ou un refuge d’altitude au cœur des Alpes : « Je n’ai pas un style minimaliste, je préfère proposer des solutions fortes, chaleureuses et atmosphériques qui me permettent d’ancrer mes programmes. »
Le goût du détail
Et si le terme « intemporel » est souvent galvaudé, Hugo Toro, lui, en fait son catéchisme : « Les lieux que je crée, on ne sait pas s’ils datent d’il y a trente ans, deux ans ou de demain. Selon moi, ce qui fait leur force, c’est la façon dont ils incarnent de manière contemporaine des souvenirs subliminaux. Je vais par exemple me baser sur un motif victorien, mais le travailler dans un esprit plus fauve, je vais modéliser des céramiques en 3D pour en faire des moules et les dupliquer pour la façade d’un bar, je vais vectoriser des jacquards pour les rendre plus contemporains… J’ai conçu d’immenses lustres en billes de bois inspirés des rideaux de cuisine en perles de l’appartement de mes grands-parents à La Clusaz… » révèle ce professionnel aussi rigoureux qu’énergique.
Pour cela, rien n’est laissé au hasard. Ses projets regorgent de détails, d’un pichet en céramique valant quelques dizaines d’euros chiné aux puces au tracé des logos, du motif des tissus à celui de la moquette. Il songe, comme de nombreux confrères, à développer une activité d’édition de mobilier, mais aussi à s’offrir une journée par semaine pour peindre et sculpter… Son vœu le plus cher pour la nouvelle année.
Ses inspirations
Un livre
«L’Architecture des arbres rassemble une série de dessins et de croquis qui sont le résultat d’une étude botanique et architecturale légendaire datant de 1982 : 550 illustrations nous montrent comment tirer un enseignement de la nature dans notre travail.»
Une galerie
«Au marché Paul Bert Serpette, à Saint-Ouen (93), la Galerie Gram, pour ses choix de céramiques vintage et contemporaines.»
Prendre un train…
«… Avec le capitaine Nemo pour partir vers les abysses dans une rame éclairée par des méduses phosphorescentes.»
Une définition du métier
« La catharsis de sensations que nous transformons en volumes. »
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