Groupe Roset, le parcours d’une entreprise française au sommet du mobilier

Le groupe Roset, propriétaire des marques Ligne Roset, Ligne Roset Contract et Cinna, réalise depuis toujours tous ses meubles en France, dont 83% dans le seul département de l’Ain. Labellisée Entreprise du patrimoine vivant (EPV), la société familiale, à la fois industrielle et artisanale, concilie innovation et tradition. Sa marque de fabrique: des assises en mousse au design iconique.

Des tonnes de mousse ! Sur le site de production du groupe Roset, à Briord dans l’Ain, on se perd parmi les accumulations de blocs géométriques roses ou blancs, semblables à des œuvres contemporaines. Mousse Bultex, qualité haute résilience, hyper-souple ou ferme, l’atelier peut piocher dans une variété d’une vingtaine de densités, à laquelle s’ajoutent de la ouate, des plumes… L’entrepôt offre un avant-goût du style qui a fait la renommée mondiale des marques Ligne Roset et Cinna: un confort onctueux.


À lire aussi : L’Appartement by Ligne Roset expose ses nouvelles collections à Lyon


Entre design et volupté

La star incontestée du genre reste le siège-coussin Togo, dessiné par Michel Ducaroy en 1973, vendu à 1,2 million d’exemplaires. L’ADN ultra-moelleux se retrouve aussi sur d’autres modèles iconiques: le Pumpkin, de Pierre Paulin (1971), le système Asmara, de Bernard Govin (1968), le Kashima, de Michel Ducaroy (années 1970) et leurs héritiers, le canapé Ploum, de Ronan et Erwan Bouroullec, le fauteuil Astair, de Pierre Charpin, la série « Ottoman », de Noé Duchaufour-Lawrance.

Plissage de haute précision sur la housse du canapé Togo, à la façon du pelage d’un shar-peï.
Plissage de haute précision sur la housse du canapé Togo, à la façon du pelage d’un shar-peï. Vincent Leroux

« La mousse est fabriquée en Haute-Loire et arrive par bloc de 2 mètres par 2 mètres, pesant 200 kilos, détaille Baptiste Masselon, le directeur de production. Nous en utilisons 12 tonnes par semaine. » C’est Jean Roset, à la tête de l’entreprise dans les années 1960, qui a révolutionné l’intérieur des foyers avec l’idée d’assises vaporeuses comme des bains moussants. Imaginés sur mesure pour la génération des boomers, les canapés s’adaptent à un nouveau style de vie cool, où tout est prétexte à s’allonger. À l’époque, ils sont qualifiés d’OVNI (objets vautrant non identifiés).

Jean fait partie de la troisième génération Roset à présider l’entreprise familiale née dans l’Ain en 1860. Son grand-père, Antoine, avait installé un atelier de fabrication de cannes pour ombrelles à Montagnieu, converti en fabrique de pieds et de barreaux de chaises, puis d’assises lorsqu’au tournant du siècle l’accessoire fut passé de mode. Dans les années 1930, sous l’impulsion d’Émile, le fils d’Antoine, les chaises sont tapissées. Après-guerre, en pleine politique de reconstruction, Jean Roset développe l’activité en fournissant du mobilier aux collectivités. Sa ligne stratégique: anticiper les grandes mutations de la société pour orienter la création.

L’intérieur d’un fauteuil Pukka, de Yabu Pushelberg pour Cinna, en mousse haute densité, avant habillage en mousse moelleuse.
L’intérieur d’un fauteuil Pukka, de Yabu Pushelberg pour Cinna, en mousse haute densité, avant habillage en mousse moelleuse. MAMIEBOUDE

Le redressement de la France achevé, il s’intéresse aux nouvelles technologies, à la mousse et aux tissus élastiques, avant de s’entourer de jeunes designers qui inventeront ses futurs best-sellers: des canapés aux courbes organiques. En 1973, l’entreprise Sièges Roset devient la marque Ligne Roset. Deux années plus tard, naît Cinna, sa petite sœur impertinente et accessible, consacrée à la jeune création. Au fil du temps, les ateliers se multiplient, ils sont cinq aujourd’hui, répartis en Auvergne-Rhône-Alpes. Menuiserie, tapisserie, laque, peinture et couture y sont pratiquées sur plus de 127 000 m² au total.

L’art du sur-mesure

« L’usine est au cœur de notre projet », déclare aujourd’hui le fils de Jean, Michel Roset. Ce dernier dirige toujours le groupe avec son frère Pierre, tout en s’attachant à passer les rênes à leurs fils respectifs, Olivier et Antoine, les deux nouveaux directeurs généraux. La famille détient plus de 90 % du capital de la société. « Nous sommes à la fois éditeur, fabricant et distributeur, avec des boutiques en propre, plus un réseau de distributeurs fidèles, explique Michel Roset. Nous avons le temps avec nous. »

Dans l’atelier de Briord, dans l’Ain, un artisan tapisse à la main, de tissu couleur safran, la structure en bois d’un canapé-lit Multy (Cinna), un best-seller signé du designer Claude Brisson.
Dans l’atelier de Briord, dans l’Ain, un artisan tapisse à la main, de tissu couleur safran, la structure en bois d’un canapé-lit Multy (Cinna), un best-seller signé du designer Claude Brisson. MAMIEBOUDE

La fabrication de chaque meuble débute après commande. Dans les lignes de production, les pièces détachées sont accompagnées de leur bon où figurent le nom du modèle et la destination: Los Angeles, Hong Kong, Londres, New York… Il faut dix semaines pour recevoir son fauteuil ou son canapé. Afin de ne pas perdre une seconde, les tissus sont déjà en stock. Les housses du seul modèle Togo sont réalisables en 62 tissus de 810 couleurs différentes. Ainsi, à Briord, les rayonnages s’étendent à perte de vue, abritant cuirs, alcantara et des centaines d’étoffes, italiennes pour la plupart mais aussi scandinaves, françaises et belges.

« Nous utilisons 20 km de tissus par mois, dont 6 km d’alcantara, explique Baptiste Masselon. Il existe mille combinaisons de coloris différents. » En tenant compte des raccords de motifs, une immense machine numérique d’origine suisse calcule la découpe du patron afin d’éviter les pertes. Les pièces marquées de repères facilitent le travail de couture. Elles sont ensuite rangées dans des caisses, dans lesquelles seront ajoutés bobines de fil assorti, Velcro, étiquettes, fermetures et boutons.

Les structures brutes en frêne du fauteuil Toa, créé par Rémi Bouhaniche pour Cinna, attendent d’être teintées et de recevoir leur corps matelassé, doublé de ouate onctueuse.
Les structures brutes en frêne du fauteuil Toa, créé par Rémi Bouhaniche pour Cinna, attendent d’être teintées et de recevoir leur corps matelassé, doublé de ouate onctueuse. MAMIEBOUDE

Certains matelassés sont réalisés à la main, comme autant de pièces de puzzle. Kashima, la chauffeuse de Michel Ducaroy, récemment rééditée, en compte 80. Il faut parfois trois semaines pour achever une “couverture”. D’autres matelassages, plus complexes, sont usinés par d’immenses machines qui piquent les dessins sur plusieurs mètres carrés d’étoffe tendue à l’horizontale. C’est le cas de la couette surpiquée qui couvre le canapé Ruché d’Inga Sempé.

Housse, mousse et structure convergent dans l’îlot robotisé d’assemblage. Pour le Togo, un artisan tapissier, muni d’une immense aiguille, coud, un à un, les boutons de fixation en transperçant la structure à bras-le-corps. En vingt minutes, l’opération est terminée. « Nous fabriquons 120 000 places assises chaque année », a calculé Baptiste Masselon. Afin d’éviter les contrefaçons, chaque modèle reçoit un jeton non fongible (NFT, de l’anglais non-fungible token), sorte de carte d’identité numérique. Pour repérer les copies, vendues à bas prix sur Internet, Ligne Roset et Cinna utilisent désormais l’intelligence artificielle.

Dans l’atelier cuir, une contrôleuse vérifie chaque empiècement de peau prédécoupé afin de s’assurer de l’absence de défaut.
Dans l’atelier cuir, une contrôleuse vérifie chaque empiècement de peau prédécoupé afin de s’assurer de l’absence de défaut. MAMIEBOUDE

Afin d’honorer sa longue histoire industrielle, le groupe vient de réhabiliter ses premiers locaux de Montagnieu, là même où Antoine avait façonné ses premières cannes pour ombrelles. On peut désormais y visiter le musée et voir des modèles rares, signés Jean Nouvel, Élisabeth Garouste et Mattia Bonetti ou encore Philippe Starck. Un showroom professionnel et un magasin d’usine sont ouverts sur un jardin. Bientôt, une école de formation et un atelier de couture y seront également établis. Un retour aux sources pour préparer l’avenir.


À lire aussi : Muuto, Pedrali, Ligne Roset signent 3 sièges singuliers

The Good Spots Destination France