Entre les 4 000 m² que lui consacre la Fondation Louis Vuitton, l’exposition « Living with Charlotte Perriand » présentée à la Galerie Downtown, la sortie d’une BD, la parution du tome 4 de son Oeuvre Complète, ou la diffusion d’un documentaire et d’une websérie par Arte, l’automne 2019 ravive avec entrain l’esprit de Charlotte Perriand. Toujours aussi contemporaine, sa vision du design et de l’architecture est pourtant née des préoccupations de son époque. Notamment l’essor des loisirs, qu’elle conjugue dès les années 30 à son amour de la montagne. D’origine savoyarde, Charlotte Perriand s’est initiée à l’alpinisme dès les années 20. Et après avoir escaladé les principaux sommets de France, Suisse, Italie, Autriche et Bavière, elle finit par réaliser son propre refuge en 1937.
Le refuge Bivouac, qu’elle conçoit avec l’ingénieur André Tournon, est un concentré de préfabrication. Aucune pièce ne dépasse les 40 kg pour être facilement transportable. A l’image de ses premiers meubles, tout les éléments s’organisent autour d’une structure métallique. Démontable et donc temporaire, celle-ci réduit encore son impact sur la nature en s’élevant du sol avec des pilotis. Et le projet donne également naissance aux premières cloisons isolantes et légères, en aluminium et aggloméré. Destiné à accueillir 6 personnes, l’habitacle est assemblé en seulement quatre jours et pose les bases du refuge Tonneau. Une version plus grande qui ne voit jamais le jour. Du moins de son vivant, puisqu’une reconstitution se visite désormais au sein de l’exposition « Le monde nouveau de Charlotte Perriand », organisée par la Fondation Louis Vuitton.
Inspiré d’un carrousel, le refuge Tonneau détourne le mat central et la structure en parapluie des manèges pour enfants. Tandis que ses hublots, son revêtement et sa géométrie semblent présager la conquête spatiale. En contraste total avec l’aménagement intérieur, où le bois de sapin est de rigueur. En dessous d’un étage réservé aux couchages, l’espace se fait chaleureux et s’organise autour d’un poêle. De part et d’autre, des lits supplémentaires se transforment en banc dans la journée, grâce à un système alors utilisé dans les wagons-lits. C’est là tout le génie de Charlotte Perriand. De l’équipement des trains aux distractions des plus jeunes, les influences viennent de toutes parts mais s’accordent toujours dans un ensemble d’une incroyable cohérence.
A Méribel, c’est son voyage au Japon, effectué en 1940, qui infuse son chalet personnel. Construit en pierres et en bois sous une toiture à double pente, il déroge au modèle vernaculaire en s’ouvrant largement sur le paysage. A l’étage, une généreuse baie disparaît à loisir dans la façade. De même qu’un filtre occultant qui rappelle immédiatement l’architecture nippone. Au sol des tatamis poursuivent cette filiation tout en évoquant la paille stockée dans les greniers. Et une paroi coulissante dissimule tour à tour une cuisine d’appoint, une cheminée habillée de céramiques et un lit clos inspiré de la tradition savoyarde. En termes de références locales, le niveau inférieur n’est pas en reste, avec un sol pavé de rondins qui habille l’immense âtre de la cheminée.
Charlotte Perriand, L'Oeuvre Complète. Tome 4. 1968-1999
Dernier volet d’une série d’ouvrages consacrés à la vie de Charlotte Perriand, le volume 4 de son Oeuvre Complète retrace largement la naissance des stations de ski des Arcs, revient sur son activité d’enseignante, et présente plusieurs de ses projets à Paris et à Tokyo.
> Un livre de Jacques Barsac, disponibles aux Editions Norma. editions-norma.com