Des micro-installations dans des petites boutiques de la ville, des projets inclusifs d’étudiants avec des communautés locales, des conférences sur le design spéculatif… Le festival DesignTO 2023 pourrait être considéré comme l’anti-Milan avec ses projets modestes, expérimentaux, qui se concentrent sur la prospective, les questions sociales ou le développement durable. « Nous privilégions les petites expositions sur des sujets précis aux grands événements », précise en préambule Deborah Wang, architecte et directrice artistique de Design TO.
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Le festival DesignTO 2023 démocratise le design
Un travail d’acupuncture qui pollinise toute la ville et dont les autres festivals de design pourraient s’inspirer. D’abord par la philosophie portée par DesignTO 2023 : « Notre idée est d’aller au-delà de l’objet, du design commercial, ce que nous pouvons nous permettre car nous fonctionnons sur un modèle associatif fondé par des artistes et designers et non par des marques ou un organisme professionnel. D’ailleurs, la semaine précédent notre festival, Toronto abrite aussi une foire commerciale, Interior Design Show », détaille Deborah Wang qui produit une vingtaine d’événements et en a labellisé une centaine d’autres cette année. « Notre définition du design est très élastique. Au-delà de l’objet et du meuble, nous nous intéressons au design graphique, au design spéculatif, à l’architecture d’intérieur ou au design thinking. »
C’est ainsi que l’école d’art et de design de l’Ontario, l’OCAD expose dans le principal centre commercial au cœur de la ville le travail développé au sein d’un incubateur pour inclure les communautés en difficulté et fabriquer avec elles des objets et du mobilier urbain « Nous ne devons pas rester dans notre tour d’ivoire et en tant que designers nous devons démocratiser notre savoir, nous confronter au grand public. C’est pourquoi nous exposons ici notre ligne de mobilier à réaliser chez soi dont nous offrons les plans dans la lignée du travail d’Enzo Mari mais aussi des rendus et photos des ateliers que nous menons dans les quartiers », expliquent les étudiants.
Design vertueux et savoir-faire ancestraux
C’est un même souci d’inscription dans son écosystème qui anime la galerie United Contemporary, située aux confins de la ville, avec l’exposition « Forecast », des œuvres à la limite de l’art et du design, vidéos, tapisseries et œuvres en branchages basées sur les savoir-faire ancestraux des communautés autochtones canadiennes.
Dans ce quartier mixte, résidentiel et hérissé d’entrepôts, le bureau d’architecture intérieure Mason Studio accueille « 2033 : an optimistic future », une série de petits créateurs et éditeurs vertueux et invite les visiteurs à poursuivre la visite en s’installant dans la bibliothèque ou s’attabler à l’un des bureaux pour enfants pour se tourner vers la communauté du quartier.
Les designers et architectes profitent de DesignTO 2023 pour ouvrir leur studio ou investir des espaces moins conventionnels comme un lobby d’entreprise qui accueille le projet Illuminescent, des cascades de textile coloré ou Studio Hand qui a proposé une série de visites guidées d’un appartement récemment aménagé par leurs soins de manière ultra astucieuse.
De nombreuses boutiques indépendantes se sont aussi associées à la design week de Toronto, dédiant une vitrine, dégageant un espace ou des étagères à des projets. La boutique Ontario Craft accueille ainsi l’émouvante exposition « Generation » présentée par la tisserande Amanda Rataj qui fait dialoguer son tissu avec le mobilier d’après-guerre dessiné et fabriqué par son grand-père menuisier et fabricant Rudolph Rataj.
La grande boutique de mobilier contemporain et d’objets du quotidien Umbra expose les prototypes de « Purpose and play », les créations de huit designers et studios canadiens, des objets domestiques innovants dont le public choisira lequel sera édité par Umbra.
Questionner le design de demain
DesignTO 2023 multiplie aussi les symposiums en ligne ou physiques pour ouvrir le débat « par exemple, nous avons eu beaucoup de conversations sur les déchets et notre culture du tout jetable, mais aussi sur comment on réimagine la ville, les espaces publics », explique Deborah Wang…
Une diversité de médiums d’expression mais aussi de créateurs représentés qui affirme la place de Toronto dans la création contemporaine. « Toronto est un hub pour le design au Canada et ce pour plusieurs raisons. D’abord c’est une ville multiculturelle avec des influences du monde entier qui enrichissent le débat, on dispose aussi d’une université dédiée au design et beaucoup d’entreprises créatives ont ensuite logiquement choisi Toronto pour installer leur siège dans cet écosystème favorable.»
Une ville qui recèle de trésors cachés jusque dans ses quartiers les plus reculés, à l’instar de la boutique Mjolk, installée au rez-de-chaussée d’une maison en bois typique, entre une voie ferrée et un vaste parc, qui collabore avec des designers internationaux comme Luca Nichetto ou canadiens comme l’architecte Omar Gandhi et qui associe pièces vintage japonaises ou coréennes et création contemporaine minimaliste d’une grande justesse.
Une ville héritière du design moderne qui s’écrit depuis les années 50, une période à redécouvrir au Royal Ontario Museum. « Canada Modern » nous replonge dans l’histoire de la création moderniste, méconnue chez nous mais fondatrice et féconde, extrêmement vivace et qui ne demande qu’à être découverte à travers la ville…
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