Erwan Bouroullec signe un ingénieux canapé 3 en 1 pour Cinna

Intrigué par la fonctionnalité du canapé Kobold, IDEAT a posé huit questions à son créateur, Erwan Bouroullec.

Erwan Bouroullec continue d’explorer la notion de mobilier habitable avec Kobold, à la fois canapé, bibliothèque et lit d’appoint. Une création entre le siège et le meuble où se conjuguent les deux savoir-faire historiques de Cinna.


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IDEAT : Vous comparez « Kobold » à une cabine de bateau. À quoi tient cette référence ?

Erwan Bouroullec : D’abord au fait que le canapé réunit énormément de fonctions en un seul élément.

Erwan Bouroullec a imaginé Kobold à la suite de fréquentes discussions avec Michel Roset, président du groupe Roset, qu’il considère comme « un expert du confort ».
Erwan Bouroullec a imaginé Kobold à la suite de fréquentes discussions avec Michel Roset, président du groupe Roset, qu’il considère comme « un expert du confort ». DR

On peut aussi bien s’y asseoir qu’y ranger des livres ou des objets, y poser son ordinateur, mais également y dormir, puisqu’il offre les mêmes dimensions qu’un lit standard d’une place. C’est aussi parce qu’il n’y a pas besoin de mode d’emploi. Tout est à disposition et s’utilise de manière intuitive.

IDEAT : Depuis vos débuts, et le canapé « Alcove » en 2006 pour Vitra, vous semblez obsédé par l’idée de mobilier structurant…

Erwan Bouroullec : J’ai une fascination pour ces éléments intermédiaires, à mi-chemin entre le meuble et un morceau d’architecture, qu’on retrouve beaucoup dans les moyens de transport, comme les trains ou les bateaux. J’aime la manière dont ces espaces parviennent à combiner différentes intentions dans une toute petite entité.

IDEAT : Quel était le cahier des charges initial de Cinna pour ce projet ?

Erwan Bouroullec : En réalité, il n’y en avait pas. J’adore discuter avec Michel Roset (président du groupe Roset, NDLR), qui édite des sièges depuis les années 60.

Kobold emprunte son nom à un lutin du folklore germanique, « une créature magique qui s’occupe de la maison ».
Kobold emprunte son nom à un lutin du folklore germanique, « une créature magique qui s’occupe de la maison ». DR

Son approche du confort et du textile est plutôt voluptueuse, puisque sa production s’adresse principalement à la sphère domestique. On s’appelle de temps en temps, et je lui soumets des idées. Kobold est né de nos discussions.

IDEAT : Et quelle en était la teneur ?

Erwan Bouroullec : J’avais en tête ces vieux lits en métal sur lesquels on met un gros matelas et des coussins pour faire un canapé. Le Kobold est très renseigné par cette idée d’une structure pérenne dont la garniture n’aurait pas forcément la même durée de vie.

Son dessin s’est affiné en répondant d’abord à des questions très simples: est-ce que c’est mou ? est-ce que c’est dur ? quelle profondeur ? quelle hauteur ? Derrière tout cela, on parle en fait de la posture, de la façon dont on va s’asseoir et se tenir dans son salon. Et cela va bien plus loin que la seule ergonomie du corps, cela concerne aussi celle de la pièce.

IDEAT : Le choix d’une déclinaison en deux versions de tapisserie provient-il de ces réflexions ?

Erwan Bouroullec : Oui. Le point de départ, c’est la version « Soft », avec sa couture très souple et facilement déhoussable pour nettoyer les parties textiles. Sa tapisserie moelleuse est basse, plus informelle, avec des plis et des coussins à réarranger.

Composé d’une armature en bois qui se prolonge d’un côté et se referme de l’autre pour structurer l’espace et offrir différentes fonctions, Kobold pour Cinna est proposé dans deux options de tapisserie.
Composé d’une armature en bois qui se prolonge d’un côté et se referme de l’autre pour structurer l’espace et offrir différentes fonctions, Kobold pour Cinna est proposé dans deux options de tapisserie. DR

Mais cette sociologie des comportements était mal adaptée aux hôtels ou aux espaces moins personnels, d’où notre souhait de développer la version « Classic ». Cette variante est plus ferme et un peu plus haute. On y est assis de façon plus maintenue.

IDEAT : « Kobold » se distingue aussi par sa compacité…

Erwan Bouroullec : Je vis à Paris depuis très longtemps, et j’y voyais d’abord une réponse aux petits espaces, où créer des entités mixtes est toujours une bonne solution pour s’affranchir des vieilles définitions de meuble.

Car le vaisselier, la grande bibliothèque ou la console, ça ne matche plus avec nos façons de vivre, où les fonctions se superposent, où on fait plein de choses au même endroit, au même moment. Dans les espaces plus spacieux, je voulais aussi que Kobold joue le rôle d’un petit fortin. La géométrie de ses formes crée une comme une bulle protectrice.

IDEAT : Vous insistez sur les vertus de la simplicité qui traverse sa conception.

Erwan Bouroullec : Un boulanger vous dirait sans doute à peu près la même chose sur son métier.

« J’avais en tête ces vieux lits en métal sur lesquels on met un gros matelas et des coussins pour faire un canapé. Le Kobold est très renseigné par cette idée d’une structure pérenne dont la garniture n’aurait pas forcément la même durée de vie. »
« J’avais en tête ces vieux lits en métal sur lesquels on met un gros matelas et des coussins pour faire un canapé. Le Kobold est très renseigné par cette idée d’une structure pérenne dont la garniture n’aurait pas forcément la même durée de vie. » DR

Mais ici le recours à des formes simples, en l’occurrence le rectangle, permet de limiter les chutes de textiles, de bois et de mousse en polyuréthane. Et puis, c’est aussi le gage d’une certaine lisibilité. Des formes et des matières connues dont on comprend instantanément la fonction.

IDEAT : Enfin, d’où vient son nom, « Kobold » ?

Erwan Bouroullec : Je voulais l’appeler Fortin mais, avec la guerre en Ukraine, la connotation militaire n’était pas très bienvenue. Michel a suggéré Kobold, du nom d’un genre de lutin domestique dans la culture germanique.

> Plus d’information sur Cinna et Erwan Bouroullec ici.


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