Au Ritz-Carlton de Miami Beach, l’échelle des maisons est plus européenne qu’américaine. Vous teniez à l’idée d’un projet à taille humaine ?
Exactement. Là encore, c’est vrai qu’il s’agit d’une approche européenne. C’est très facile de dessiner quelque chose d’imposant et de vertical à Miami. Nous avons préféré quelque chose de plus proche de ce qu’on peut voir dans la partie la plus ancienne de la ville. Il s’agissait de transformer complètement un vieil hôpital. Nous avons respecté la structure ancienne et ses volumes, et ce que j’ai détruit a servi à construire ce qui est nouveau. Mais le volume et l’échelle sont restés exactement les mêmes qu’avant !
À Milan, le restaurant La Mantia, que vous avez signé, tient du récit. Assiettes de Richard Ginori, poteries de Caltagirone… Ces détails font le portrait du chef sicilien Filippo La Mantia.
Je parlerais même de langage. Tout dépend de ce que vous en faites : un roman, un article de journal ou quelque chose d’horrible. J’ai essayé, pour La Mantia, de suivre l’idée de la nourriture, ce qu’il y a de plus important au restaurant. Je n’aime pas que les gens aient l’impression qu’ils sont dans le restaurant du moment, en lui donnant des airs de temple branché. Ce n’est pas un symposium entre vous, la nourriture et Dieu.
C’est au décor de prendre les gens dans ses bras plutôt qu’à ces derniers de s’estimer ou non à la hauteur ?
Je me souviens du premier des restaurants Nobu où, dans un silence sépulcral, je craignais de parler à voix haute avec mes amis, de peur de gêner. Nous étions en face de ce chef incroyable (Nobuyuki « Nobu » Matsuhisa, associé de l’acteur Robert De Niro dans ce projet de restaurant, NDLR) avec l’impression que deviser nuirait à la saveur des mets. Vous imaginez le grotesque de la situation ? La gastronomie, c’est du plaisir. Architecte d’un restaurant, vous devez accompagner la sensibilité de celui qui reçoit et permettre aux clients de la ressentir, mais avec le brouhaha des voix et tout ce qui participe de la vie. Sinon, c’est vraiment la messe.
Il y a deux ans, vous remportiez un premier Compasso d’oro grâce à une porte ! Qu’avez-vous ressenti ?
Recevoir un Compasso d’oro, c’est fantastique. En même temps, je me suis dit que j’avais conçu beaucoup de produits, avec toutes sortes d’innovations. Et je pensais que nombre d’entre eux étaient plus remarquables que cette porte. Pour autant, cette L16 (Lualdi) procède d’une technologie incroyable. Épaisse de 8 millimètres, elle s’ouvre avec légèreté. L’idée était de dessiner une « feuille de papier » au mur. Plus magique que la lampe d’Aladin, c’est comme s’il suffisait de dire « Apriti Sesamo » pour l’ouvrir (rires).
Les canapés crème, aux angles arrondis, typiques de De Padova, semblent avoir minci…
Celui-ci, devant vous, a vraiment été repensé. Nous avons raccourci ses proportions. Nous avons essayé de mettre dans ce canapé un autre niveau de naturel. Quand je dis « naturel », je pense aux proportions et à l’élégance. Rien d’artificiel.
En même temps, le côté arrondi et un peu plus épais rassurait par son côté bourgeois.
Ce n’est pas bourgeois, c’est plutôt aristocratique. Bourgeois, c’est quand on veut prouver quelque chose aux autres.