Jusqu’en 1959, Alessandro Mendini suit la voie royale des designers italiens : une enfance milanaise auprès de parents férus d’art contemporain qui accueillent chez eux Lucio Fontana ou Alberto Savinio, puis des études d’architecture au Politecnico. Mais rapidement, il fait partie des premiers à se rebeller contre le diktat du modernisme monacal issu du Bauhaus et du « Form follows function ».
Dans les années 1960, il invente le concept de Controdesign (Anti-design en français), pour s’opposer frontalement à la logique de production industrielle pour le plus grand nombre. A rebours de l’industrialisation d’après-guerre, il crée des meubles en petite série, aux confins de l’art, ce qui en fait le précurseur du design de galerie. En 1970, il se lance dans le journalisme, ce qui lui permet de développer et publier ses idées révolutionnaires. Il fait ses armes chez Casabella puis lance Modo avant de rejoindre Domus, le prestigieux magazine fondé par Gio Ponti. A cette époque, il se lie d’amitié avec Ettore Sottsass et Michele de Lucchi, qui partagent la même vision du design. Ensemble, ils créent le collectif Global Tools, qui préfigure le mouvement Memphis par son penchant pour la couleur et l’ornementation.
Mendini est aujourd’hui considéré comme le père du post-modernisme (même s’il lui préférait le terme de néo-modernisme…), grâce à un meuble phare : le fauteuil Proust (1978). Au sein du groupe Alchimia, créé en 1976 avec d’autres trublions dont Michele De Lucchi, Mendini considère alors que toutes les formes possibles ont été explorées. Il décide donc de reprendre les lignes d’un classique fauteuil baroque et d’apposer à sa surface un motif qu’il emprunte à l’un de ses peintres préférés, le pointilliste Paul Signac. Avec cette combinaison surprenante, Mendini veut prouver que le design est dans une impasse créative et que la décoration a désormais pris le dessus.
En le baptisant Proust, il rend hommage à un auteur dont la vision du monde l’a profondément marqué et qui, lui aussi, bâtissait ses livres à coups de petites touches… Dans un premier temps, ce manifeste de « l’anti-design » est fabriqué et peint à la main dans l’Atelier Mendini qu’Alessandro a créé avec son frère Francesco. En 1993, il est édité chez Cappellini dans une version habillée en tissu imprimé et en 2011 chez Magis dans une version en plastique rotomoulé. Après le Proust, Mendini élabore la théorie du Re-design et réinvente des meubles iconiques du XXe siècle en leur ajoutant couleurs et motifs : buffet de Kandinsky, chaises de Rietveld, Gio Ponti ou Joe Colombo…
Cependant, Mendini ne délaisse pas pour autant l’architecture. Sollicité pour concevoir le Musée de Groninge (Pays-Bas), il fait appel à Philippe Starck, Michele De Lucchi et Coop Himmelb(l)au qui se répartissent les tâches. Il crée également une station de bus en Allemagne, un théâtre à Arezzo (Toscane), le mémorial d’Hiroshima (Japon)…
A la fin des années 1980, Mendini travaille comme directeur artistique de Swatch qui surfe alors sur la vague du post-modernisme pour asseoir son succès. Auréolé de trois Compasso d’oro, il est aussi sollicité par Alessi pour qui il crée des objets colorés pour la cuisine et Philips.
Après un bref retour à la rédaction de Domus (2010-2011), Mendini vivait entre sa ville natale et la maison qu’il avait achetée à San Pellegrino, dans les Alpes italiennes. Il a légué l’essentiel de ses archives à la Triennale de Milan, qui va prochainement devenir le premier musée permanent dédié au design italien.