Lampe PH5, fauteuil Ball et table Tulip : les designers scandinaves du 20e siècle ont largement contribué à la création de pièces légendaires. D’Arne Jacobsen à Alvar Aalto, voilà les dix plus grands noms du design nordique.
1. Verner Panton
Verner Panton naît le 13 février 1926 à Gamtofte près d’Odense, la troisième ville du Danemark. Il veut devenir artiste mais son père s’y oppose, et Verner se rabat sur l’architecture. En 1950, il fait la connaissance du designer Poul Henningsen, un de ses premiers mentors, avant d’être embauché dans le studio d’Arne Jacobsen. L’enfant terrible du design danois est pétri d’admiration pour Jacobsen mais ne s’éternise pourtant pas.
En 1952, après avoir participé au design de la chaise Fourmi, il crée son propre studio qu’il installe dans un combi VW et se lance dans un « grand tour » d’Europe. Panton y mature ses idées novatrices et crée différents concepts d’habitat et de mobilier en carton et en plastique qui changent à jamais le visage du design… Assurément l’un des plus grands designers scandinaves !
S’il fallait retenir une pièce de Verner Panton …
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2. Arne Jacobsen
Ne l’appelez pas « designer», il détestait cette étiquette. Né au Danemark en 1902, Arne Jacobsen est avant tout diplômé d’architecture à l’Académie Royale Danoise des Beaux-Arts. Mais déjà, au cours de ses études, l’ameublement le titille : en 1925, il participe à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes à Paris où il remporte une médaille d’argent pour la création d’une chaise en rotin, la « Paris Chair».
Son diplôme en poche, l’architecte prodige enchaîne les succès architecturaux. Il travaille alors pour le studio d’architecture de Poul Holsøe avant de fonder sa propre agence. En 1929, il remporte un nouveau concours dont le thème est « la maison du futur ». Sa proposition est visionnaire : elle pivote sur un axe qui suit les rayons du soleil.
Après quelques années passées à concevoir des maisons privées, l’architecte est nommé grand vainqueur d’une compétition : il est alors en charge d’élaborer « Bellevue», un complexe balnéaire au nord de Copenhague. Ce projet d’envergure l’occupe plusieurs années, il y déploie un style avant-gardiste, qui incarne ce que certains appellent « le rêve d’un mode de vie moderne ». Appartements, théâtre, tour de maître-nageur et même station-service, le complexe est aujourd’hui une référence architecturale.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Jacobsen entame une phase expérimentale et conçoit notamment un hôtel de ville composé de deux ailes reliées par un couloir en verre dont l’escalier central est suspendu au plafond par des tiges d’acier rouge orangé.
Mais le projet qui marque un véritable tournant dans sa carrière est initié au début des années 60. Son nom ? Le SAS Royal Hotel, tout premier hôtel de designer au monde pensé par Arne Jacobsen.
Adepte du concept d’œuvre d’art totale, il signe l’intégralité du mobilier, poignées de porte comprises. Pour ce bâtiment, il élabore donc successivement la Swan Chair et la Egg Chair, toutes deux devenues des classiques et toujours commercialisées par Fritz Hansen.
Quelques années auparavant, Jacobsen avait aussi crée la Ant Chair (1952) pour une cantine de la firme pharmaceutique Novo Nordisk ainsi que la Model 3107 (1955), qui s’inspire des fameuses assises en contreplaqué dessinées par les Eames. Un inoxydable succès commercial : Fritz Hansen en a produit plus de 5 millions d’exemplaires à ce jour. Défenseur d’une architecture qui mise sur une harmonie entre habitat et nature, Arne Jacobsen est le pionnier d’un mode de vie qui séduit plus que jamais. Force est de constater que ses meubles, qu’il jugeait pourtant secondaires, rencontrent toujours un immense succès… Aujourd’hui encore, il est l’un des plus grands designers scandinaves de l’histoire.
S’il fallait retenir une pièce d’Arne Jacobsen …
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3. Alvar Aalto
Figurant parmi les pionniers de l’architecture et du design modernes, Alvar Aalto (1898-1976) obtient son diplôme d’architecte à l’Institut de technologie d’Helsinki (qui sera plus tard intégré à l’Université Aalto) en 1921. Avec sa première épouse, il se met à voyager. Ses pérégrinations vont lui permettre de se familiariser avec les dernières tendances du modernisme, le style international.
Dès la fin des années 30, l’expression architecturale des bâtiments d’Aalto va s’enrichir de formes organiques, de matériaux naturels et d’une liberté croissante dans la gestion de l’espace.
L’utilisation de l’environnement naturel comme point de départ pour ses créations devient alors la marque de fabrique d’Aalto. Il l’applique aussi bien à l’urbanisme qu’à la construction sociale ; la communauté d’usine Sunila qui a débuté à la fin de la décennie en est un bon exemple. A cette même époque, il évoque sa volonté de traiter chaque bâtiment comme une œuvre d’art totale, des mobiliers aux luminaires. Il crée Artek en 1935 avec son épouse Aino Marsio (disparue en 1949), afin de promouvoir la production et les ventes croissantes des meubles de son cru.
Pour ce qui est du design, Aalto manifeste un certain intérêt pour le verre car il est possible de manipuler le matériau d’une manière nouvelle et de le façonner. Sa victoire au concours de design de verrerie Karhula-Iittala en 1936 donne d’ailleurs naissance au célèbre vase “Savoy”, conçu avec Aino Marsio-Aalto.
Parmi les autres merveilles de son répertoire, le célébrissime tabouret à trois pieds “Stool 60”, le paravent « Screen 100 » et l’élégant fauteuil “Paimio” pensé pour le sanatorium du même nom.
S’il fallait retenir une pièce d’Alvar Aalto …
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4. Maija Isola
Lors de ses études à l’École centrale des arts industriels d’Helsinki, la créatrice Maija Isola (1927-2001) se fait repérer par Armi Ratia, la fondatrice de Marimekko, grâce à son œuvre Amfora, une succession de vases Médicis entourés de fleurs solaires. La designeuse débute alors sa collaboration avec le label finlandais. Nous sommes dans les années 1950.
En l’espace de quarante ans, la designeuse a dessiné près de 500 motifs pour Marimekko, soit une dizaine chaque année. Par le biais de ses voyages aux quatre coins du monde mais aussi de ses balades champêtres, Maija Isola crée à partir de ses souvenirs. Son illustration phare ? L’incontournable motif Unikko, inventé en 1964, qui représente de vibrants coquelicots.
L’histoire de cette création mérite ici d’être racontée. A l’époque, la fondatrice de la marque Armi Ratia venait de proclamer l’arrêt des motifs floraux chez Marimekko. Portée par son esprit de contradiction, Maija Isola a dessiné une série de motifs floraux au style novateur et est parvenu à faire changer d’avis son employeuse. Une belle victoire !
Plusieurs de ses œuvres graphiques sont encore produites à travers le monde sur de multiples supports tels que des objets de décorations, des pièces textiles, mais aussi de la vaisselle.
S’il fallait retenir une pièce de Maija Isola …
5. Poul Henningsen
À la fois écrivain engagé dans les luttes de son époque et designer, le Danois Poul Henningsen a commencé comme architecte. Entre 1911 et 1917, il est successivement formé par l’École technique de Frederiksberg et l’université technique du Danemark… mais il n’obtient pas son diplôme final. C’est finalement en 1919, aux côtés de l’architecte Kay Fisker, qu’il se frotte à la pratique du métier. Une année lui suffit pour qu’il s’établisse à son propre compte en tant qu’architecte mais surtout designer car cette discipline est celle qui le passionne véritablement.
Un siècle plus tard, ce sont surtout ses luminaires qui font la notoriété de Poul Henningsen. Son objectif est simple : il veut développer un éclairage diffus, chaud et agréable aux yeux des utilisateurs. Baptisées PH-Lamps – en référence aux initiales de leur créateur –, ses premières suspensions possèdent plusieurs abat-jours concentriques afin d’éliminer l’éblouissement et donner dans certaines zones un éclairage direct et, dans d’autres, une lumière réfléchie.
Par ailleurs poète et écrivain engagé, Poul Henningsen n’a pas donné libre cours à sa créativité qu’au travers de luminaires. Il a aussi bien conçu des fauteuils en cuir que des chaises en vinyle dont le point commun est un pied en métal ouvragé et la recherche insatiable d’innovation quant aux formes du piétement et du dossier.
Ses travaux sur le luminaire ont révolutionné l’éclairage du siècle passé. Fort d’un succès qui perdure, ses créations sont d’ailleurs toujours commercialisées par le même éditeur : Louis Poulsen… Enfant du 20e siècle, il reste l’un des plus grands designers scandinaves de l’histoire.
S’il fallait retenir une pièce de Poul Henningsen …
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6. Hans J. Wegner
Hans Wegner naît le 2 avril 1914 au Danemark. Fils de cordonnier, il choisit très tôt de devenir un artisan ébéniste. Heureusement pour ses futurs fans, sa maîtrise technique n’a pas corseté le créateur en lui. À seulement 22 ans, il produit ses premiers meubles et pendant la guerre, il meuble même une mairie danoise, sous la houlette de l’architecte-designer Arne Jacobsen (rien que ça !).
À 34 ans, il est lancé. Son mobilier en bois massif se vend bien et les récompenses pleuvent. L’année 1943 sera charnière dans sa carrière de designer puisqu’il sort la China Chair qui fait sensation avec son dépouillement et revisite la tradition chinoise. Dès lors, le Danois va concevoir plus de 500 chaises en ayant toujours à cœur l’artisanat et le développement durable.
Parmi ses œuvres les plus légendaires, on retient la Peacock chair, admirable d’épure, le fauteuil « Flag Halyard » devenue une icône sans passer par la case « carton commercial » et la Round chair devenue l’ambassadrice du design scandinave à travers le monde en 1960, quand Kennedy, assis dessus lors d’un débat télévisé, triomphe du candidat Nixon.
Aujourd’hui, son œuvre apparaît toujours aussi pertinente, au moment où magazines et bureaux de tendances ouvrent leurs bras comme jamais aux néo-artisans, des as du savoir-faire également préoccupés de style.
S’il fallait retenir une pièce de Hans Wegner …
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7. Eero Arnio
Le designer finlandais Eero Aarnio n’a toujours pas vu ses créations se démoder. En bousculant, dès les années soixante, les typologies de sièges dominantes, il est illico devenu un serial designer d’icônes dont le succès est aussi bien médiatique que commercial.
Pour Eero Aarnio, c’est simple, une chaise ne doit pas forcément ressembler à une chaise. Sa première icône, le fauteuil Ballon (1963) a même existé, équipé de haut-parleurs ou d’un téléphone. Ensuite Pastille (1967), son emblématique chaise basse, lisse comme un galet de couleur, ne dérogeait pas à la règle. Même Bulle, (1968), sa chaise transparente, toute aussi culte, se suspend à une chaine, cassant immédiatement les types classiques de chaise. En 1973, Eero Aarnio récidive avec le siège Poney, apprécié des enfants gâtés et des adultes qui n’ont pas peur, parce que, même stylisée, la chaise ressemble à un petit cheval.
Enfin, en 2004, Eero Aarnio réalise pour la collection Meetoo de Magis, le siège pour enfants Puppy, en forme de chien carrément abstrait, mi-objet mi-meuble.
S’il fallait retenir une pièce d’Eero Aarnio …
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8. Eero Saarinen
En contribuant simultanément à l’évolution du mobilier et de l’architecture du XXe siècle, Eero Saarinen (1910-1961) a laissé une empreinte indélébile dans le monde des designers scandinaves. Preuve de son succès, ses assises, véritables icônes comme la chaise Tulip, sont ancrées dans la mémoire collective.
Eero Saarinen s’illustre tout d’abord dans l’architecture mais contribue aussi grandement au développement d’un mobilier contemporain de ses bâtiments. Dès 1940, il remporte un prix aux côtés de Charles Eames pour la conception d’une assise, à l’occasion de l’« Organic Design in Home Furnishings », organisé par le MoMA à New York. Plus tard, l’éditrice Florence Knoll voit en lui un grand designer et lui passe de nombreuses commandes. Le premier projet est couronné de succès et marque le début d’un long partenariat entre Saarinen et Florence Knoll, dont la société est encore à ce jour la seule à produire le mobilier développé par le designer.
Par la suite, Knoll fait régulièrement appel à lui. Il crée alors consécutivement la Table Saarinen et la Tulip Chair (1956) qui se caractérisent par un pied unique aux formes organiques.
Si c’est auprès de son père qu’il fait ses premières armes dans le monde de l’architecture, très vite, un clivage entre le style des deux hommes se profile. Cela ne les empêche pourtant pas de travailler ensemble, même si le fils participe à différents projets sans son père. La mort de son père, en 1950, marque un véritable tournant dans son œuvre. Au fil des années, il passe en effet de structures rectilignes à des lignes courbes et contre-courbes. Cette ère nouvelle est celle de projets de grande envergure. Le style architectural d’Eero Saarinen est singulier et se reconnaît facilement par ses formes organiques, voluptueuses.
S’il fallait retenir une pièce d’Eero Saarinen …
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9. Bodil Kjær
En 2018, la Danoise Bodil Kjær a été la star surprise, à 86 ans, du Salon international du meuble de Milan, après que différents éditeurs scandinaves (Carl Hansen, Karakter, Holmegaard…) ont décidé de rééditer une dizaine de ses créations d’après-guerre.
Cette architecte de formation, qui a exercé à Copenhague, aux États-Unis et à Londres, mais a aussi aménagé des bureaux à travers le monde, a mis à profit sa culture du bâti dans des pièces de mobilier rigoureuses, telle que la lampe Cross Plex (1961, Fritz Hansen), taillée comme une croix et composée de Plexiglas. Elle illustre bien la démarche de la créatrice, en recherche d’objets intelligents et élégants.
S’il fallait retenir une pièce de Bodil Kjær …
10 – Grete Jalk
Malgré un profil littéraire et philosophique, la Danoise Grete Jalk s’oriente vers le design de meubles via l’ébénisterie.
À Copenhague, elle intègre l’École de design pour femmes en 1940. À 26 ans, elle y remporte le premier prix de la Guilde des ébénistes. Puis elle apprend auprès du designer Kaare Klint à l’Académie royale des Beaux-Arts.
En 1963, elle réalise pour Poul Jeppesen sa fameuse GJ Bow Chair en bois lamellé, inspirée des Eames. Bien que le succès commercial ne soit pas au rendez-vous, celle-ci entre au MoMA, à New York. Grete Jalk a contribué à faire l’histoire du design danois, avant que le pays ne devienne connu pour ses éditeurs.