Un lot de chaussures de gymnastique utilisées par l’Armée a été le prélude à la grande saga Bensimon. Intergénérationnelle, l’icône a déjà 40 ans ! Confiées au même atelier de fabrication slovaque des débuts, les tennis Bensimon n’ont pas changé d’un iota. Pour fêter leur anniversaire, 40 pointures internationales du design ont donné leur version du mythe (Pool, Marc Dibeh, Collette Dinnigan et Jaume Plensa, Gen Tarumi ou Macon & Lesquoy…). On ne présente plus les frères Bensimon, pourtant leur histoire mérite le détour : tandis que le père détient un surplus militaire près de Paris, la mère, couturière, noie ses garçons dans les soies où elle taille des robes pour ses clientes.
Nés à Oran, Yves et Serge vivent avec elle à Nice, d’où ce goût affirmé pour la couleur : le noir est en effet banni de leurs collections de vêtements et de tennis. Dans les années 70, Serge se toque de motos et devient mécanicien, tandis qu’Yves se tourne vers la comptabilité. Leur destin bascule lorsque Serge rejoint son père dans le monde des fripes.
« J’ai découvert des vêtements esthétiques et pratiques que j’ai commencé à détourner. Lors d’un voyage aux États-Unis, j’ai croisé Mel et Patricia Ziegler, les fondateurs de Banana Republic. Spécialisés dans les tenues de safari, ils ont acheté nos tee-shirts militaires. » En 1980, les frères ouvrent la boutique Camouflage, à Saint-Tropez. « Imaginez ma tête quand j’ai vu Brigitte Bardot débouler chez nous pieds nus pour choisir des tennis », raconte Yves. Tout cela parce qu’un an auparavant leur père a racheté un lot de chaussons de gymnastique pour soldats et marins… Serge a alors l’idée de les teinter. « Le truc était de colorer le tissu mais pas le caoutchouc. Ce fut notre premier chantier “recherche et développement”. »
Culture fripes… jusqu’aux concept-stores
Les frères vont développer leur ligne de mode avant d’ouvrir leur premier concept-store, dans le Marais. « Serge a eu l’idée de rapporter des produits typiques de nos voyages, comme le mobilier amish américain ou les shibori, ces vêtements de travail japonais bleu indigo. On a tout mélangé sans jamais calculer notre coup », se souvient Yves. En 1989, Home Autour du Monde, ce mix & match de mode et d’objets pittoresques, est une idée choc. Puis, la sélection s’oriente vers le design et des signatures prestigieuses comme Tom Dixon, Dan Yeffet, des rééditions de Georges Nelson, de Mathieu Matégot ou les fameuses lampes Gras. « Depuis quatre saisons, nous développons meubles, objets et linge de maison à notre nom », indique Yves.
Entre les deux frères, la complicité et la répartition du travail sont établies depuis longtemps : à Yves la gestion, à son frère l’image, le marketing et la création. « On se consulte pour les grandes décisions. Là, nous avons décidé de céder la galerie d’édition de design de collection à mon nom, qui existait depuis dix ans. Trop élitiste. C’est un crève-cœur, mais cela nous permet de repenser nos concept-stores », confie Serge.
Actuellement, l’entreprise compte une cinquantaine de boutiques, dont 20 concept-stores Home Autour du Monde, une boutique Bensimon Addicted to Love, dévolue aux tennis, sans oublier la librairie Artazart, ouverte en 2009. « Pour des mômes de Nice, la trajectoire n’est pas si mal, souffle Serge, on pense beaucoup à notre père qui nous a aidés, aiguillés, en nous donnant le goût du travail. » Une troisième boutique vient d’ouvrir au Japon, tandis que la Corée a gagné son premier concept-store et que Lausanne découvrira le sien cette année. Enfin, le chausson chinois n’a qu’à bien se tenir, car les Bensimon comptent vite s’implanter en Chine !
> Bensimon HOME Autour du Monde. 20, rue des Pyramides, 75001 Paris.