Les vignes, les champs d’oliviers et les terres plantées de chênes-lièges s’étendent à perte de vue. Nous sommes dans l’Alentejo, au centre du Portugal, entre Lisbonne et la frontière espagnole. Non loin d’Évora, à deux pas de la petite ville blanche d’Estremoz, se tient une demeure hybride, à la fois maison d’hôtes et résidence d’artistes. Un joyau portugais imaginé par Sam Baron.
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Âme ibérique
Ce projet, baptisé Val Guardes, du nom du lieu-dit, ne résulte pas de l’habituelle relation entre architecte et client. Il est le fruit d’un dialogue, né il y a dix ans, entre Marta Menéres, la maîtresse des lieux, et le designer français Sam Baron. La famille de Marta possédait cette terre depuis plusieurs générations.
La maison principale et ses corps de ferme ont été construits dans les années 30 par la grand-mère de Marta. Quand cette dernière en hérite, elle fait appel à l’un de ses amis, Sam Baron. Il trouve l’endroit d’autant plus beau qu’il s’agit d’une authentique maison de famille; elle veut y recevoir des voyageurs l’été, accueillir des artistes l’automne et organiser au printemps des workshops créatifs, notamment textiles.
Une dépendance est consacrée à ces ateliers. Elle est meublée, entre autres, de bancs, d’une grande table et d’une bibliothèque d’ouvrages sur les savoir-faire locaux. Les futurs résidents disposent aussi d’une enceinte de travail dépourvue de toit, pour travailler en plein air sans sortir de la maison.
Les cinq chambres ont leur propre salle de bains, préservant l’intimité de chacun des hôtes. Passer de la spacieuse salle à manger dotée d’un grand coin cheminée, se diriger vers la salle de lecture avant de se rendre sur la véranda avec vue sur le vallon, tel est le genre de vie qu’on mène ici. « La partie intéressante de ce projet consistait en un travail d’équilibriste. Il s’agissait de conserver la sensation d’être chez quelqu’un, mais sans que nul ne se sente prisonnier de l’univers d’autrui ou trop loin de ses goûts », indique le designer.
Pour cela, il a d’abord fallu faire du tri. Tous les objets de la vie de trois générations de femmes étaient encore à leur place. À Sam Baron de les regrouper, à la propriétaire de trancher. Certaines pièces bien choisies sont devenues les ambassadrices de la famille, de la région et de l’art de vivre local.
Esprit de famille
Le portrait de l’oncle est reparu et orne l’entrée, tout comme les trois gravures du portrait de la grand-mère, qui ont été accrochées dans la salle à manger. Les meubles conservés, jamais envahissants, se détachent sur la blancheur immaculée des murs. On trouve aussi dans les chambres, en guise de table de chevet, le petit tabouret en bois que tous les Portugais utilisent chez eux.
À l’extérieur, au bas du pourtour du bâtiment blanc, une épaisse bande noire court comme la ganse d’un tissu. Dans la région, elles sont plutôt jaunes ou bleues. « Les bandes noires viennent des Açores, où un oncle de la famille a habité. Sous la lumière crue du soleil, ces signes racontent eux aussi quelque chose de la vie qui a animé cette maison », souligne le designer. La piscine, située côté étable, fait partie des nouveautés.
Non loin, sur un mur, l’artiste portugais Mantraste a dessiné une fresque illustrant un groupe de femmes de retour des champs selon une technique à base de ciment coloré. Le designer a séjourné plusieurs fois à Val Guardes et cela se ressent dans la pertinence de l’ensemble. Chaque pièce est conçue pour créer les conditions d’un moment unique, comme regarder la lumière du jour changer au fil des heures ou pique-niquer au pied des chênes-lièges sur des bancs en pierre récupérée.
Au début du projet, Marta Menéres était enthousiaste, mais lucide: « Si tout est noir et blanc, toi, cela t’irait parfaitement. Mais je préférerais des couleurs, quelque chose qui rappelle l’univers du crochet », lance-t-elle un jour à Sam Baron. Aujourd’hui, la maison n’a rien d’un damier, fut-il chic. En témoignent, dans l’une des chambres, les sérigraphies de béliers de l’illustratrice Mariana Fernandez, tel un hommage multicolore à la laine.
Pour le designer, « l’exercice n’a pas été si simple, car il a fallu se restreindre pour harmoniser modernité et héritage et faire correspondre le goût de Marta à ce que je pensais être juste pour le projet. Tout a été choisi, rien ne s’est imposé. Être arrivé à insuffler ce vécu est l’une de mes plus grandes satisfactions ». Une entente qui s’exprime dans les signes discrets que renvoit chaque objet.
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