Archi d’intérieur : Valérie Mazerat injecte art et culture dans le quotidien

Dans le Marais, à Paris, l’architecte d’intérieur Valérie Mazerat vient de réaliser la boutique de maroquinerie RSVP, à quelques pas de Merci, le cultissime concept-store qu’elle a imaginé il y a une dizaine d’années. Lumineuse et organique, inspirée des maisons méditerranéennes, cette adresse donne envie de revenir sur le parcours de sa conceptrice.

C’est devenu l’un des lieux les plus emblématiques du Paris contemporain : le concept-store Merci, inauguré il y a onze ans, est le fruit de la rencontre de l’architecte d’intérieur Valérie Mazerat avec les fondateurs Bernard et Marie-France Cohen. Son cachet industriel a marqué son époque, pourtant la professionnelle ne s’y est pas laissé enfermer. La preuve, son dernier projet, la boutique du maroquinier branché RSVP, toute proche de Merci, dans le Marais, a été imaginée dans un style dépouillé, organique et coloré. Car Valérie Mazerat peut concevoir des lieux aussi variés que l’appartement de la fondatrice de Caravane, le néo-bar à jus Wild & the Moon (Ier) ou un magasin pour Aigle. Elle fut en réalité l’une des premières à importer l’esprit « maison » dans le retail (le commerce de détail).

« Ce qui m’intéresse, c’est de travailler avec des marques incarnées »

Il suffit justement de pousser la porte de l’adresse d’Aigle, à Saint-Germain-des-Prés (VIe), pour s’en convaincre. Imaginée comme la maison de campagne d’un gentleman-farmer anglais, elle aligne portraits de famille au mur, escalier en bois, bibliothèque et fauteuil club en cuir… « Ce qui m’intéresse, c’est de travailler avec des marques incarnées, ce que m’a offert Merci à l’époque. Et avec des gens qui acceptent l’échange et la durée nécessaires à un projet bien fini, avec les matériaux adéquats auxquels il faut laisser du temps pour la mise en œuvre et le séchage. Je ne suis jamais dans le faux. Surtout, je respecte le bâti et l’environnement », confie-t-elle.

Le concept-store Merci, dans le Marais.
Le concept-store Merci, dans le Marais. DR

Un exemple ? Son studio, vers la Bastille (XIe), dans un ancien micro-quartier ouvrier, est installé à l’étage d’ateliers construits à la fin du XIXe siècle en matériaux de récupérations issus du chantier de la tour Eiffel. Valérie Mazerat y a judicieusement posé des radiateurs à ailettes au cachet industriel, « alors que, dans un appartement haussmannien, j’aurais imaginé tout autre chose ». Celle qui fut l’une des premières à lancer le style tient à lever un malentendu : « Si j’ai démarré avec des matériaux industriels, c’est parce que je vivais dans un entrepôt de la banlieue parisienne avec de l’acier à disposition, que je n’allais pas jeter ! »

À l’époque, ses réalisations sont déjà largement faites main avant qu’elle n’élargisse son apprentissage à la pratique de la menuiserie. Aujourd’hui, ce sont logiquement les matériaux écologiques qui la passionnent au point qu’elle est devenue incollable, notamment au sujet du plâtre, utilisé pour la boutique RSVP. « J’ai découvert les carrières de Montmorency, proches de Paris, et particulièrement le plâtre de plancher. Ce qui me permet de “consommer local” jusque dans mon travail d’architecture. »

La curiosité de Valérie Mazerat comme guide

Son prochain sujet, c’est la récupération des matériaux de démolition, avance celle qui a conservé une petite structure pour garder la main sur tous ses chantiers, mais qui n’hésite pas à s’entourer d’ingénieurs et d’artisans pour mener à bien ses projets. « Pour la boutique Merci, j’ai mis ma vie entre parenthèses, mais je ne le regretterai jamais. J’ai collaboré avec des bureaux d’ingénieurs pour casser des murs, ce qui était indispensable dans ce lieu complexe. »

« Je préfère toujours m’entourer de ceux qui ont la maîtrise de savoir-faire spécifiques »

Un projet fondateur qui a propulsé sa pratique, de l’aménagement d’intérieurs de particuliers vers celui d’espaces commerciaux. L’autre sujet, c’est l’éclairage, qu’elle travaille comme une matière sensuelle, notamment dans la pizzeria chic Grazie (IIIe), où une merveilleuse ambiance à la bougie accueille l’hôte, invitant à la confidence. « L’éclairage a beaucoup évolué ces dernières années, alors je préfère toujours m’entourer de ceux qui ont la maîtrise de savoir-faire spécifiques, c’est-à-dire les artisans. Idem pour les escaliers, je collabore avec un artiste de l’acier qui me propose des solutions que je n’aurais jamais imaginées seule. »

Des professionnels qui l’aident à matérialiser les intuitions que cette diplômée de l’école du Louvre en archéologie égyptienne et art contemporain base sur sa culture. « Pour chacun de mes projets, je me plonge dans la vie de mes clients, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une marque, mais je puise aussi dans l’histoire de l’art. Il me semble indispensable de ramener de la culture et de la poésie dans le quotidien. » Valérie Mazerat ne part d’ailleurs jamais d’un moodboard, mais d’une inspiration. Pour RSVP, elle a imaginé l’atelier d’un artiste qui travaille les plâtres… Comme une synthèse de tous les sujets animant cette femme à l’inextinguible curiosité.

> valeriemazerat.com

Formée en archéologie égyptienne, Valérie Mazerat aime travailler en profondeur l’histoire de ses clients.
Formée en archéologie égyptienne, Valérie Mazerat aime travailler en profondeur l’histoire de ses clients. Emmanuel barbe
Parmi ses réalisations les plus récentes, la boutique du maroquinier RSVP, dans le Marais, démontre que la créatrice ne se laisse pas enfermer dans un style.
Parmi ses réalisations les plus récentes, la boutique du maroquinier RSVP, dans le Marais, démontre que la créatrice ne se laisse pas enfermer dans un style. Adrien Dirand
Wild & the Moon, à la fois bar à jus et comptoir végan, rue Charlot, à Paris (IIIe). Un concept devenu une marque internationale, dont Valérie Mazerat a conçu l’identité architecturale.
Wild & the Moon, à la fois bar à jus et comptoir végan, rue Charlot, à Paris (IIIe). Un concept devenu une marque internationale, dont Valérie Mazerat a conçu l’identité architecturale. DR