Un magnifique appartement bohème à Lisbonne

Tour du propriétaire.

Une douce décontraction, une marinière, une passion pour l’artisanat qui va au-delà des frontières européennes dans une optique de développement durable… une ébauche du designer Emmanuel Babled, qui entame un nouveau chapitre de sa vie au Portugal avec l’ouverture d’une galerie au pied de son atelier. Découverte de son appartement bohème à Lisbonne.

Le lit de la chambre a été acheté en Tanzanie. Table Quark Wood et fauteuil Jangada (Babled Editions). Peinture de Stefano Riva.
Le lit de la chambre a été acheté en Tanzanie. Table Quark Wood et fauteuil Jangada (Babled Editions). Peinture de Stefano Riva. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

Né en France, Emmanuel Babled a fait ses études à Milan, à l’Institut européen du design. Fasciné par l’écosystème du design milanais et par les nombreuses formes d’artisanat que l’Italie offre, il s’y est installé et y est finalement resté vingt-cinq ans. Il a travaillé avec de nombreuses marques (Oluce, Vistosi, Venini…), des collaborations qui lui ont permis d’expérimenter les matériaux les plus divers : avant tout le verre de Murano, mais aussi le bois, le fer et le marbre. Et c’est précisément ce désir d’exploration qui l’a amené à être l’un des premiers à s’éloigner du monde du design industriel pour se consacrer à l’artisanat, en créant son propre label, Babled Editions, dont tous les produits sont réalisés par des artisans.

D’une nature curieuse, après Milan, ce globe-trotteur gagne Amsterdam, où il reste pendant cinq ans, avant de rejoindre Lisbonne en 2016, la ville où il vit et travaille. C’est la nature, le tissu humain et, surtout, les possibilités artisanales du pays qui l’ont retenu ici. Et c’est dans le quartier de Graça qu’il a choisi de s’établir, une zone peu touchée par le tourisme international, où l’on trouve encore de nombreux petits restaurants et des boutiques authentiques.

Le lit de la chambre a été acheté en Tanzanie. Table Quark Wood et fauteuil Jangada (Babled Editions). Peinture de Stefano Riva.
Le lit de la chambre a été acheté en Tanzanie. Table Quark Wood et fauteuil Jangada (Babled Editions). Peinture de Stefano Riva. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

Nous sommes au sommet de Santo André, la plus haute colline de la ville (qui en compte sept), d’où l’on aperçoit le Tage, le fleuve qui traverse Lisbonne et dont l’immensité fait qu’on se croirait au bord de la mer. Depuis différents belvédères, on peut également voir le célèbre pont du 25-Avril, symbole de la capitale. Il va sans dire que l’un des bâtiments les plus reconnaissables du quartier Graça, et le plus haut, est la Villa Sousa, construite en 1890 et entièrement recouverte d’azulejos turquoise.

C’est au dernier étage de cet édifice que se trouve l’appartement bohème à Lisbonne d’Emmanuel Babled. Celui-ci offre notamment une vue spectaculaire sur le château Saint-Georges et l’église situés en face. Le bâtiment historique étant protégé, le designer a dû se contenter d’ouvrir un passage entre le salon et la salle à manger. Cette habitation, où il vit plusieurs mois par an, est immédiatement devenue un pont culturel entre l’Europe et l’Afrique. Une rencontre entre deux continents qui s’est faite presque par hasard et qui s’est révélée centrale.

Sur le buffet Arcana, lampe Osmosis (Babled Editions) et, au premier plan, lampe Elix conçue pour Venini, l’ensemble design Emmanuel Babled. Sur le mur, une photographie de Stéphane Bechaud, prise dans la forêt de Sintra (au Portugal),au petit matin
Sur le buffet Arcana, lampe Osmosis (Babled Editions) et, au premier plan, lampe Elix conçue pour Venini, l’ensemble design Emmanuel Babled. Sur le mur, une photographie de Stéphane Bechaud, prise dans la forêt de Sintra (au Portugal),
au petit matin MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

L’homme était en vacances dans la région de Zanzibar, en Tanzanie, lorsque la pandémie est arrivée. Les dix jours qu’il devait passer là se sont prolongés en trois mois, au cours desquels il a été tellement fasciné par l’habitude locale de produire sans machines, sans électricité et sans colle qu’il a ouvert, en 2021, un atelier. Kukua (qui signifie « grandir » en swahili) fabrique donc des meubles et a créé – en joint-venture avec WomenCraft, une organisation qui regroupe 600 femmes spécialisées dans les techniques de vannerie, de la région de Ngara, en Tanzanie – une ligne d’ameublement et de luminaires pour le vaste marché hôtelier local, alimenté jusqu’à présent par des importations d’Asie ; la production des artisans locaux n’étant pas suffisamment structurée. C’est dans ce contexte qu’est né le siège Ziwa, en bois de Mziwa, si flexible qu’il peut être plié avec une simple pression du genou.

Prototype du fauteuil Sunset de la collection « Kizimkazi » produite par Kukua, la société d’Emmanuel Babled installée en Tanzanie depuis deux anset qui se distingue par ses batiks.
Prototype du fauteuil Sunset de la collection « Kizimkazi » produite par Kukua, la société d’Emmanuel Babled installée en Tanzanie depuis deux ans
et qui se distingue par ses batiks. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

Le point d’ancrage lisboète du designer, un appartement bohème à Lisbonne, est ainsi devenu l’écrin d’une vie consacrée à sa passion pour l’artisanat, à cheval sur deux cultures, ainsi qu’à sa quête d’un monde plus durable. La grande table basse Etna, en pierre de lave de Caltagirone émaillée (Sicile), dialogue, par exemple, avec les tissus Kwenda, fabriqués selon la technique tanzanienne d’impression à la cire (batik), avec lesquels le designer produit des coussins rembourrés de kapok, une fibre naturelle hypoallergénique et imputrescible (tirée de l’arbre fromager).

Le designer collabore avec une ONG africaine pour accroître l’utilisation de ce matériau encore relativement peu employé. Le verre de Murano, associé au marbre, apparaît dans les vases et lampes Osmosi, conçus par le studio portugais et produits en Italie. Mais aussi le bois dans de nombreuses pièces sculpturales, telles que le buffet Arcana ou la table Quark. Et c’est justement à cette recherche sur les matériaux et leur mise en œuvre que seront consacrées les cinq premières expositions de la galerie Prime Matter, ouverte fin mai par Emmanuel Babled au rez-de-chaussée de son atelier. Une manière de raconter le dialogue qu’il a instauré avec la matière et d’exposer non seulement les pièces de son atelier, mais aussi celles issues de la créativité des artisans.