AOD, ou Age of Digital, la jeune marque mêlant mode et design fondée par Osman Mercan – le bras droit et directeur artistique du rappeur Laylow – résonne comme un riff hypnotique dans une salle silencieuse. Le label ne se contente pas de créer des objets, il raconte des histoires, flirte avec la fiction et brouille les frontières entre artisanat, art et design. Grâce à son propre langage, celui du rap et des vidéoclips, le créatif autodidacte embarque son public dans un nouvel univers. Découverte.
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Entre design et contre-culture : bienvenue dans l’univers AOD
Paris voit naître une nouvelle étoile dans son ciel créatif. À travers AOD, pour Age of Digital, Osman Mercan (comprendre « l’ère du numérique »), le réalisateur de clips, vidéaste, bras droit et directeur artistique du rappeur toulousain Laylow, s’est aventuré sur de nouveaux territoires. Si les maisons de luxe et autres créateurs de mode ont toujours investi le terrain de la maison et de la décoration – déjà, en 1947, Christian Dior vendait dans sa boutique Colifichets fleurs, foulards et autres fantaisies dédiées à la toilette des dames – , il est plus rare qu’un créatif issu de l’univers du rap se tourne du côté du design.
D’ailleurs, Osman Mercan commence à s’intéresser au mobilier sur le tard, en créant décors et mises en scènes pour ses projets. Une appétence évidente lorsque l’on pénètre dans ses locaux, situés à Paris 12e, un lieu minimaliste tout de noir et chrome avec, pour pièce maîtresse, des canapés Soriana par Afra et Tobia Scarpa, recouverts de cuir ébène, évidemment.
La seule touche de couleur ? Une moto de course rouge m’as-tu-vu qui détonne gaiement avec la sobriété de l’espace. Dans un coin trône la première chaise imaginée par Osman Mercan pour AOD. Un modèle dévoilé il y a un mois sur le nouveau compte Instagram de la marque à travers une vidéo énigmatique qui a créé de nombreuses interrogations parmi les fans.
Imaginez un making-of fictif en clair-obscur dans lequel le créateur sculpte une assise dans un bloc de métal à grands renforts de disques abrasifs, façon tailleur de pierre des temps modernes. « Nous voulions créer un divertissement, utiliser les codes que nous maîtrisons et qui parlent à notre public, plus jeune, afin de les sensibiliser au design, de construire un pont entre ce secteur qui peut sembler plus élitiste et notre milieu« , confie Osman Mercan.
Au même titre, le trentenaire a créé l’événement autour de la sortie de cette première création. Sur le site Internet, un compte à rebours remplissait la fenêtre jusqu’au lancement officiel de la griffe – le 18 décembre 2024 à 18 heures – qui préfère, plutôt que de se conformer à un quelconque calendrier, dévoiler ses objets au compte-gouttes, « à la manière des drops de Supreme« .
Meubles et objets s’accompagnent de vêtements – pour l’instant un tee-shirt, un hoodie et un pantalon de survêtement – composant le vestiaire idéal, noir, faussement simpliste car bourré de détails subtils. « J’ai imaginé le concept global de AOD comme un décor, une scène où chaque objet tiendrait un rôle. »
Le design comme narration : au croisement des disciplines
Osman Mercan raconte son processus créatif comme une partition à plusieurs mouvements. Un mélange de recherches, de croquis et surtout, d’expérimentations concrètes. « J’ai d’abord dû comprendre le design en profondeur, me cultiver afin de m’ouvrir l’esprit. Et puis, j’ai mis ces récits de côté et j’ai laissé place à l’instinct, aux matériaux, à ce qu’ils racontent. »
Il faut dire que le créatif autodidacte n’a fait aucune école et a tout appris sur le tas, grâce, entre autres, à des tutos vus sur Youtube. Un moyen pour le touche-à-tout, qui a collaboré également avec Nekfeu et S.Pri Noir, de faire passer un message : aujourd’hui, tout est possible, à portée de main, il suffit de le vouloir, de s’armer de patience et de s’en donner les moyens.
Ainsi, chaque pièce est fabriquée en France, en collaboration étroite avec des artisans des Vosges. « Ils ont été incroyables, curieux, m’ont accueilli comme un ovni créatif qui débarque avec ses idées folles. » Peut-être parce que ces fondeurs-ci aiment relever de nouveaux défis, décidant de s’associer afin d’investir dans de nouvelles machines permettant de repousser les limites de leur discipline.
Ainsi, après avoir récupéré les plans de l’assise réalisés grâce à un logiciel 3D, ils ont imprimé un moule en sable en plusieurs parties, permettant des formes inédites pour un siège de métal. Lorsque l’on s’approche du résultat final, les nervures et autres détails de la structure laisseraient penser qu’il s’agit d’une pièce en bois recouverte de peinture argentée…
Derrière ce projet, il y a aussi une ambition plus large : créer des ponts entre des mondes. AOD joue avec la porosité des disciplines. « Aujourd’hui, tu peux être musicien et designer, réalisateur et créateur de mode. Cette liberté, c’est notre manière de repousser les frontières de la créativité« , revendique Osman Mercan. AOD, c’est une révolution douce qui invite à repenser l’objet.
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