Antoni Gaudí débute sa carrière d’architecte à la fin du XIXème siècle, dans une Barcelone en pleine transformation sociale, politique et urbaine. Une situation mouvante, propice à l’effervescence artistique.
Pétri d’idées novatrices, le jeune catalan voit dans l’architecture un moyen d’interpréter et de transcender cette nouvelle société. Trois réalisations offrent une vision évolutive de son architecture et porte ses rudiments fondamentaux : la nature, la religion et l’identité catalane.
La Casa Vicens, une première construction d’envergure
Gaudí est jeune diplômé lorsqu’il entreprend l’une de ses premières grandes commandes, la Casa Vicens (1883-1888). C’est un courtier en bourse, qui fait appel à l’architecte pour ériger sa résidence d’été à Gràcia, alors en dehors de Barcelone.
À première vue, cette construction ne ressemble à aucune autre œuvre du catalan. Les lignes droites, influencées par la tendance orientaliste de l’époque, sont à l’opposé des futures courbes organiques de la Casa Batlló. Et pourtant, elles recèlent déjà les enjeux qui lui seront chers tout au long de sa vie : la nature et l’artisanat.
Imaginée avec un jardin luxuriant aujourd’hui disparu, la maison comporte des éléments architecturaux inspirés des paysages naturels catalans. Dès la façade, des carreaux en céramique reproduisent les œillets d’Inde présents autour et les grilles en ferronnerie dessinent la silhouette des feuilles de palmier.
À l’intérieur, la végétation s’invite et envahit murs et plafonds par la technique du sgraffite, une superposition de couches d’enduits gravées et incisées. Issu d’une famille de chaudronniers, Gaudí aura à cœur de collaborer avec les artisans de la région, reflétant un souci social et identitaire.
L’ambition urbaine et politique du Park Güell
Si les commandes auprès de la bourgeoisie catalane furent nombreuses, c’est la rencontre avec Eusebi Güell qui marque un tournant dans la carrière de Gaudí. Principal client, ce dernier deviendra un véritable ami et verra dans l’œuvre de l’architecte, le moyen d’asseoir sa légitimité dans une nouvelle Barcelone.
Après le Palau Güell (1886-1889) qui reflète le milieu aristocratique du commanditaire, Gaudí suit son mécène avec le projet d’une cité-jardin : le Park Güell (1900-1914). Imaginé sur une colline dominant Barcelone, ce nouveau quartier devait incarner la quintessence de la Catalogne. L’architecte y voit alors la possibilité d’y exprimer son génie et insuffle au chantier une aura symbolique et sacrée.
Projet inachevé, seule l’infrastructure construite, affirme le caractère mystique que souhaitait Gaudí. Les galeries souterraines, les viaducs aux colonnes inclinées, révèlent enfin des lignes organiques, allusions aux paysages environnants, tandis que le symbolisme religieux se fraye un chemin dans une monumentale colonnade dorique et dans l’ornementation globale.
Car si la religion est essentielle dans l’œuvre du catalan elle se manifeste tout d’abord par un jeu de lumières et de couleurs. Le trencadís – mosaïque à base de brisures de céramiques – sera sa technique de prédilection pour créer cette atmosphère sacrée.
Le point d’orgue du génie Gaudí : la Sagrada Familia
La Sagrada Familia (1883-1926) occupe entièrement les douze dernières années de sa vie. Une mission presque prophétique qui lui permettra de porter ses préceptes architecturaux à leurs paroxysmes.
La crypte est partiellement construite lorsque Gaudí reprend le chantier du temple expiatoire. Un style néo-gothique qu’il délaissera au profit des formes organiques dont il est le maître. Car pour l’architecte, la basilique devait être à l’image de la création de Dieu : la nature. Il l’imagine alors comme un arbre, prenant racine sur la terre catalane et s’élevant vers le ciel, par une multitude de tours afin de créer un lien entre l’être humain et le monde divin.
Cette monumentalité, Gaudí y parvient par l’utilisation d’arcs caténaires, une courbe qui, par la gravitation, permet de distribuer uniformément le poids. Par cette colonnade, la nef se transforme en une véritable forêt, animée par les couleurs des vitraux et par les puits de lumières à la forme hyperboloïdes.
La modernité technique est ainsi au service des symboles religieux qui se cachent dans chaque détail de la Sagrada Familia. Des tympans des portails aux trencadís qui ponctuent de couleurs les façades extérieures, la bâtisse arbore les recherches architecturales de Gaudí et les gestes artisanaux de nombreux collaborateurs.
L’architecte disparaît tragiquement en 1926 sans voir son œuvre finie, imprégnant à nouveau le chantier d’une aura mystique. Près d’un siècle plus tard, la Sagrada Familia continue son élévation vers les cieux : fin des travaux prévue en 2030.
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