À 60 ans, l’éditeur de luminaires italien Flos a fait le bilan. De son passé, il ressort ses plus belles créations dans des couleurs, des matières ou des finitions inédites. Il se concentre au présent sur de nouvelles pièces, en moins grand nombre mais procédant plus que jamais d’innovations, qu’elles soient conceptuelles, stylistiques ou techniques. La preuve par quatre.
Le lampadaire Arco : l’âge de cristal
Alors qu’on fête les soixante balais du lampadaire Arco, rappelons qu’il suffit de se munir du manche de l’un d’entre eux pour pouvoir déplacer, à deux, les 45 kg de ce luminaire culte : on glisse le manche dans le trou du pied, et hop ! c’est fait. Chez Flos, personne ne cache que, dans l’Italie de 1962, les Castiglioni avaient choisi le marbre de Carrare parce qu’il était disponible, abordable et pratique. Cette année, anniversaire oblige, ledit pied en marbre est remplacé par un bloc de cristal transparent (sans plomb et recyclable) taillé 2 200 fois.
La fabrication de cette édition limitée baptisée Arco K, qui détourne le principe des prismes optiques, est assurée par une machine spécialement créée par Flos. Diffractée, la lumière joue à travers le cristal, dont la densité et le poids stabilisent ce véritable arc graphique. Un hommage aux maestri Achille et Pier Giacomo Castiglioni qui renforce encore la solidité du concept de la lampe Arco.
Le luminaire Luce Orizzontale : rigueur et poésie
Grand lustre de hall à Versailles, fontaines de lumière en bas des Champs-Élysées, Erwan et Ronan Bouroullec ont, en matière d’éclairage, un sens du merveilleux très personnel, toujours en retenue. Leur Luce Orizzontale (photos) aligne ainsi, dans une apparente mais fausse simplicité, des cylindres de verre qui se révèlent très soigneusement ouvragés, artisanalement qui plus est. Ceux-ci s’enchaînent sur une barre d’aluminium moins sèche que le mot, qui contient deux bandes de LED.
Oublié le présupposé d’objet technique, c’est peut-être l’un des plus beaux luminaires qu’ils aient créés. Suivant la lumière ambiante, les effets de givre sur la surface varient comme des ronds dans l’eau. Du grand art, côté designer comme côté éditeur. Cette année, c’est pour un autre appareil d’éclairage, le simplissime Belt (2020) en tissu ou en cuir, inspiré par la forme d’un harnais, que les frères Bouroullec et Flos se sont vu décerner un Compasso d’Oro.
La lampe To-Tie : un bon nouveau
Millefeuille de savoir-faire, qu’il s’agisse d’éclairage ou de travail des matériaux, Flos est aussi un vibrant foyer d’inventivité. La liste des créateurs que la marque a appelés est aussi longue que celle de ses innovations techniques et stylistiques. Mais elle n’en néglige pas pour autant les produits d’apparence plus modeste. Telle la lampe To-Tie : un cylindre de verre, un tube d’aluminium avec une source LED à l’intérieur, un fin câble noir qui relie les deux, et c’est tout ! Le verre en devient tellement invisible qu’on ne voit plus que le tracé ultra-graphique du fil.
Avant d’intégrer la Design Academy d’Eindhoven, son jeune créateur, l’Italien Guglielmo Poletti, avait déjà fait ses gammes chez Piero Lissoni et Ron Gilad. Résultat : un beau mélange de chic rigoureux et d’expérimentation décomplexée. Il précise d’ailleurs que Fabio Calvi et Paolo Brambilla, les curateurs design de Flos, ne l’ont assommé d’aucun brief. Il a pu proposer ses idées, dont la To-Tie, en toute liberté.
La suspension Skynest : les néo-maestri
Le studio Marcel Wanders et son directeur de création, Gabriele Chiave, ont toujours mis la technique au service de la féerie. Ne comptez donc pas sur eux pour produire un luminaire trop sophistiqué et un peu froid. En 2022, la nouvelle suspension Skynest exsude la maîtrise maximale de la technique autant que de l’artisanat. C’est une sorte de coupole ajourée, composée d’un réseau de fins tubes de tissu qui s’entrecroisent avec des bandes de LED pour former une sorte de rosace.
Paré de ses « spaghettis de lumière », comme les nomme Gabriele Chiave, cet objet mobile, lumineux et léger vient animer l’espace de son balancement, évoquant la simplicité artisanale d’un panier en bambou. À noter : les fines chaussettes de polyester qui servent d’étuis aux filaments de lumière sont recyclables. Et, ce qui est très 2022 : le peu de matière utilisée. Compressée, la suspension Skynest n’excède pas la taille du poing, dont elle a, sous ses airs graciles, la force.