Anna Postiglione et Alessandra Felici signent un duplex minimaliste

De ces quelque 50 m2 perchés au dernier étage d’un vieil immeuble du haut Marais, dans le IIIe arrondissement de Paris, les deux architectes Anna Postiglione et Alessandra Felici ont fait une garçonnière stylée, un bijou d’ébénisterie conçu sur mesure qui fait voir la vie en grand.

Au dernier étage d’un immeuble de la rue de Bretagne, à Paris, ce pied-à-terre en duplex est une merveille d’optimisation et de pragmatisme, tout en esthétique retenue. Quand Christoff Pöll l’a acheté, il n’avait rien à voir avec ce qu’il est aujourd’hui. Malgré l’exiguïté des lieux (37 m2 loi Carrez, 51 m2 au sol) et une mise au propre récente mais sans âme, il se porte acquéreur à l’automne 2020. Visite de cet intérieur imaginé par Anna Postiglione et Alessandra Felici.


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Anna Postiglione et Alessandra Felici : un travail à quatre mains

Christoff Pöll, le propriétaire, fan de vieux vinyles et de photographies en noir et blanc de la jet-set des années 50 à 70, pose dans l’escalier de son petit duplex conçu avec l’aide des architectes Anna Postiglione et Alessandra Felici.
Christoff Pöll, le propriétaire, fan de vieux vinyles et de photographies en noir et blanc de la jet-set des années 50 à 70, pose dans l’escalier de son petit duplex conçu avec l’aide des architectes Anna Postiglione et Alessandra Felici. Benedicte Drummond pour IDEAT

Le Covid-19 va lui laisser le temps de réfléchir à son aménagement ! Comment réorganiser ces quelques mètres carrés qui tiennent plus du grenier, créer une salle de bains et une cuisine dignes de ce nom, faire entrer une lumière traversante sur les deux niveaux ? Telles des bonnes fées complémentaires, ce n’est pas une mais deux architectes qui vont se pencher sur ce projet : Anna Postiglione et Alessandra Felici. Conseillées par le promoteur, elles travailleront dès lors à quatre mains. Le duo comprend vite les envies du propriétaire.

Dans le salon, canapé Camaleonda de Mario Bellini (2020, B&B Italia). Chaises Capitol Complex Office (Cassina, collection « Hommage à Pierre Jeanneret »). Lampes à poser Compo en plâtre, design Normal Studio (Atelier Sedap).Tapis Yoko II en laine de Fabrice Juan (Tai Ping). Parquet d’origine en chêne poncé et verni naturel. Peinture Farrow & Ball. Mocassins en veau glacé Hermès.
Dans le salon, canapé Camaleonda de Mario Bellini (2020, B&B Italia). Chaises Capitol Complex Office (Cassina, collection « Hommage à Pierre Jeanneret »). Lampes à poser Compo en plâtre, design Normal Studio (Atelier Sedap).Tapis Yoko II en laine de Fabrice Juan (Tai Ping). Parquet d’origine en chêne poncé et verni naturel. Peinture Farrow & Ball. Mocassins en veau glacé Hermès. Benedicte Drummond pour IDEAT

« Au début, il ne voulait pas faire beaucoup de modifications sur l’existant, même si celui-ci ne correspondait pas tout à fait à ses besoins et à ses goûts, se rappellent-elles. Mais nous, nous souhaitions quelque chose qui parlait de l’histoire de cet appartement, notamment en retrouvant le parquet d’origine. Nous avons cherché à donner l’impression d’un plus grand espace, en supprimant les cloisons et en reproportionnant les espaces de vie, pour créer un duplex en open space très lumineux. L’investissement était plus important, mais pour un résultat davantage à son image. »

La difficulté majeure du chantier a résidé dans la transformation de l’escalier : « L’ancien était envahissant, périlleux et sans style, décrivent-elles. Mais le changer s’avérait extrêmement onéreux, pour des problèmes de logistique et de montage. Nous avons donc décidé de travailler sur l’existant, de l’épurer au maximum afin de l’intégrer de manière plus harmonieuse. »

Dans la cuisine, plan de travail en Corian, crédence noire à effet miroir. Tabourets hauts PJ-SI-21-A signés Pierre Jeanneret (1965). Chaise haute Galta 65 en chêne teinté, design Cluzel/Pluchon (Kann Design). Plateau rond Girotondo en acier, du duo King-Kong, et plateau Jane en aluminium, de Jiakun Liu (Alessi).
Dans la cuisine, plan de travail en Corian, crédence noire à effet miroir. Tabourets hauts PJ-SI-21-A signés Pierre Jeanneret (1965). Chaise haute Galta 65 en chêne teinté, design Cluzel/Pluchon (Kann Design). Plateau rond Girotondo en acier, du duo King-Kong, et plateau Jane en aluminium, de Jiakun Liu (Alessi). Benedicte Drummond pour IDEAT

L’entente est au beau fixe à toutes les étapes : choix des matériaux, du mobilier et même de la décoration. « Nous avons accompagné Christoff dans toutes les phases du programme : chantier, tapisserie, visites de showrooms et d’antiquaires pour la sélection des meubles et des luminaires. » Mais pas seulement. Le propriétaire a des liens privilégiés avec un menuisier qui a de l’or dans les mains, celui auquel on doit les concept-stores Gschwantler que notre hôte a créés dans son pays d’origine, l’Autriche. Si bien que l’autre défi, qui était de concevoir un mobilier personnalisé, a vite été relevé.

Sous la verrière, les placards sur mesure cachent des rangements profonds et même un lave-linge et des toilettes. Huile corporelle Byredo x Susanne Kaufmann. Sur le lit, plaid Alphabeta en laine et cachemire (Byredo). Taies d’oreiller et drap en lin Maison de Vacances. Lampe Tandem, design Aurélie Richard (Faïencerie de Charolles). Sol en béton ciré. Bottines et sac Hermès.
Sous la verrière, les placards sur mesure cachent des rangements profonds et même un lave-linge et des toilettes. Huile corporelle Byredo x Susanne Kaufmann. Sur le lit, plaid Alphabeta en laine et cachemire (Byredo). Taies d’oreiller et drap en lin Maison de Vacances. Lampe Tandem, design Aurélie Richard (Faïencerie de Charolles). Sol en béton ciré. Bottines et sac Hermès. Benedicte Drummond pour IDEAT

« Intervenir sur des appartements de cette taille exige une étude approfondie de tous les espaces à exploiter, précisent les architectes. Nous avons dessiné des meubles sur mesure, choisi les matériaux et confié le travail à l’ébéniste de Christoff. Il est venu sur le chantier pour prendre les mesures, évaluer les modalités de transport à l’étage et revoir avec nous les détails de réalisation sur ses dessins d’exécution. »

Un goût sûr

Christoff a un goût sûr et s’implique personnellement dans l’aménagement de son nid. Issu d’une longue lignée d’entrepreneurs spécialisés dans le tourisme de montagne, au coeur du Tyrol – tourisme de montagne très chic, donc –, il a rejoint l’entreprise familiale il y a une douzaine d’années pour lancer son propre label et orienter son activité sur « l’après-ski ». Pas avec une énième boutique de luxe, mais avec un lieu où l’on se retrouve, où l’on se sent bien et où l’on est certain de dénicher quelque chose de joli et d’original à rapporter chez soi. « La maison mère de Kirchberg, synonyme de chaussures de qualité depuis les années 30, est toujours un magasin très exclusif, explique-t-il. J’ai entrepris l’extension du bâtiment en investissant les locaux voisins d’une ancienne banque pour ouvrir un concept-store. On y trouve de beaux objets, des vêtements, de la maroquinerie, des bijoux, du parfum… Mais c’est également un bar où l’on peut boire un expresso italien digne de ce nom, du whisky écossais, goûter du bacon tyrolien provenant de la ferme familiale… Et si quelqu’un souhaite acheter une bouteille du vin dégusté au bar, une cave a été aménagée dans l’ex-salle des coffres. » 

Espaces commerciaux ou pied-à-terre parisien, c’est avec la même exigence que Christoff a mené ses chantiers : « Lorsqu’il s’agit de la qualité des produits et des conseils, je ne fais aucun compromis. »

Dans la salle de bains, mosaïque Bisazza et vasque en Corian. Robinetterie Gessi. Enceinte Beosound A5, design GamFratesi (Bang & Olufsen). Cosmétiques Aesop.
Dans la salle de bains, mosaïque Bisazza et vasque en Corian. Robinetterie Gessi. Enceinte Beosound A5, design GamFratesi (Bang & Olufsen). Cosmétiques Aesop. Benedicte Drummond pour IDEAT

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