À Stockholm, l’appartement féministe et vibrant de la fondatrice de Misschiefs

Fondatrice de Misschiefs, plateforme curatoriale féministe à Stockholm, Paola Bjäringer brouille les pistes entre galerie et maison familiale. Dans cet appartement design pensé comme un laboratoire d’idées, le quotidien devient terrain d’expérimentation, entre création libre et affirmation de soi.

Paola Bjäringer, fondatrice de Misschiefs, une plateforme curatoriale indépendante et féministe basée à Stockholm, s’est installée avec mari et enfants en 2023 dans cet appartement de la capitale suédoise. Un lieu vivant, à son image, qui lui sert aussi de galerie d’art contemporaine, parfois ouverte sur invitation.


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Un appartement design à Stockholm devenu galerie vivante

En pénétrant chez Paola Bjäringer, impossible de ne pas être dérouté. Dans l’entrée, chaque centimètre carré est recouvert de phrases écrites à la main par la poétesse Nachla Libre. « J’ai donné carte blanche à cette artiste extraordinaire. Elle y parle d’amour qui cimente le nid familial. Les visiteurs restent souvent figés devant cette oeuvre baptisée Eternal Thoughts a Story About Love. C’est exactement ce que je cherchais à travers cette expérimentation d’appartement-galerie : provoquer des réactions, des questionnements et des échanges. »

Depuis 2023, avec son mari et leurs trois enfants, ils habitent cet intérieur situé à Stockholm, « le premier qui nous ressemble vraiment. La hauteur sous plafond, la multitude de petites pièces nous ont tout de suite plu. Souvent, en Suède, les logements sont sur-rénovés et les ouvertures, privilégiées. Nous cherchions l’extrême inverse. Les anciens propriétaires, une famille française, avaient conservé la cuisine séparée : un détail culturel de taille pour nous qui adorons cuisiner et nous retrouver autour d’un repas – fait rare chez les Suédois ! »

Lors de sa première visite, dès l’entrée – volumineuse –, le charme a fait son effet. « Il y avait une rangée de livres en français et une atmosphère d’esprit de famille : je me suis instantanément sentie à la maison. » Il faut dire que cette Suédoise d’origine connaît peu sa terre natale. Après une enfance à Paris, des études de sociologie spécialisées en genre à Londres et l’ouverture en 2010 de sa galerie de design dans la capitale française, où elle invite designers et artistes à réfléchir sur le genre et l’intime, Paola Bjäringer ne s’installe à Stockholm qu’en 2016.

Là, constatant une absence de représentation des artistes féminines et non-binaires, elle fonde Misschiefs dans le but de leur donner voix un appel à la rébellion et à la prise de position contre l’uniformisation et la monétisation de la culture.

Décoration audacieuse et liberté d’expression

Paola utilise cet espace comme une « toile de fond idéale » sur laquelle elle a posé ses idées en invitant les artistes qu’elle admire. « J’ai pensé cet appartement comme un spectacle vivant, les coulisses de ma vie et de ma famille, et j’ai refusé de “ faire du beau pour faire du beau” », explique celle qui a préféré se charger elle-même de la décoration intérieure de ce lieu hybride qui ouvre parfois ses portes, le temps d’une exposition d’art et de design contemporain.

Et de poursuivre : « Un exercice parfois difficile, qui demande de suivre ses instincts et ses pulsions, d’oser se tromper et d’accepter la critique. Nous avons tous un architecte d’intérieur qui sommeille en nous. Mon conseil pour le réveiller ? Recréez la playlist de votre adolescence, quand votre chambre était ce sanctuaire que vous vous plaisiez à vous approprier. »

Ainsi, tombée en émoi devant un décor de théâtre, elle se met en tête de reproduire cet effet dégradé qu’elle a tant aimé. « Aucune entreprise n’était prête à le tenter – toutes trouvaient le processus trop compliqué. Finalement, Ellen Hedin, membre de Misschiefs, a relevé le défi. » Résultat, une cuisine peinte à l’aérosol façon coucher de soleil hypnotique. « Dans un pays plongé dans l’obscurité la moitié de l’année, les teintes vives sont essentielles pour ranimer les émotions. »

Et puis, rien n’est jamais irrémédiable. « Changer d’avis est possible, l’architecture intérieure est souvent trop sérieuse. En réalité, un logement est avant tout le reflet de ses habitants. La standardisation du design dissout nos particularités et nos différences en nous dictant dès le berceau ce qui est laid ou beau. Il est grand temps d’affirmer sa singularité, son identité, sa fantaisie », conclut cette femme puissante.


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