Chez Air France, les designers de renom font partie de la famille ! Ils ont aménagé les agences de la compagnie aérienne, dynamisé ses cabines, « looké » ses salons Business… Le dernier en date, sis au terminal 2E de l’aéroport Paris–Charles-de-Gaulle, a été élégamment rénové cet été par le Français Mathieu Lehanneur.
C’est à la fin des années 50 qu’Air France prend conscience qu’elle a une carte à jouer en matière de déco et d’architecture d’intérieur : celle de l’avant-garde élégante, d’un certain « chic à la française » que les clichés flatteurs prêtent à notre pays.
L’entreprise confie alors à Charlotte Perriand l’aménagement de l’agence de la rue Scribe, à Paris (IXe), qu’elle garnira de meubles rigoureux, et de l’Unité d’habitation Air France (destinée au personnel européen local), à Brazzaville (Congo), en collaboration avec Jean Prouvé, que la designer stylisera au cordeau. Mais c’est avec Raymond Loewy, pape du design industriel, que le compagnonnage se révélera le plus fécond. On lui doit l’intérieur, aussi audacieux qu’anguleux, de l’agence phare d’Air France, celle des Champs-Élysées (VIIIe), ainsi que l’aménagement du premier Concorde dans lequel on ralliait New York depuis Paris en trois heures trente. L’avion supersonique subira en 1994 un rhabillage complet par Andrée Putman, qui parera ses moquettes de motifs géométriques et ses sièges de capuchons blancs.
Quant aux salons Business de la compagnie, là où se délassent, travaillent ou grignotent, avant leur vol ou lors d’une correspondance, les passagers des classes Business et les voyageurs les plus fidèles, ils ont toujours fait l’objet – clientèle argentée oblige – d’une attention particulière. Le salon de l’aéroport JFK, à New York, affichait dès 1958 des lignes modernistes exquises, des cuirs de la plus fine fleur, des sols moelleux, le tout pensé par Pierre Gautier-Delaye, disciple numéro un de Raymond Loewy. Mais ces espaces de prestige vieillissent. Exigus en regard de l’augmentation constante du trafic aérien, mal adaptés aux nouvelles exigences numériques, beaucoup d’entre eux ont eu besoin de pousser leurs murs et de se refaire une beauté.
Ces dernières années, au terminal 2E de l’aéroport Paris–CDG – d’où partent tous les vols hors espace Schengen – les travaux vont bon train. En 2009, le designer Noé Duchaufour-Lawrance transformait le lounge du hall M en un havre de courbes et de tons grèges, parsemé de sculptures lumineuses à motifs de feuilles. Niché dans le hall L, un salon dernier cri de 3 200 m2 embellit la vie des businessmen avec ses 540 places assises. Mathieu Lehanneur, réputé pour ses objets et ses espaces flirtant avec l’art de la sculpture, y a imaginé, en guise de pièce maîtresse, un grand bar circulaire nommé Le Balcon.
L’espace s’architecture comme un théâtre : au centre, un bloc de marbre sur lequel est servi à boire et où, chaque soir, de 19 à 21 heures, des barmen et barmaids confectionnent des cocktails et des mocktails (sans alcool) de choix, tous imaginés par la mixologiste en chef de l’Hôtel Lancaster (un 5-étoiles du VIIIe, à Paris).
Tout autour se déploient des loges en bois blond, où l’on s’assied sur des banquettes de velours d’un bleu (clin d’œil à l’identité visuelle de la compagnie) qui tire sur le canard, tout en rêvassant face au ballet des aéronefs qui s’ébrouent sur les pistes. Au plafond, des dizaines de miroirs anguleux dorés démultiplient la lumière. Au sol, un écran LED diffuse en temps réel les variations chromatiques du ciel de l’Île-de-France, comme un hublot géant. Une réminiscence de Demain est un autre jour, magnifique projet artistique du designer, en 2012. Air France, ici encore, navigue dans les hautes sphères du design.