À Milan, l’incroyable appartement de la galeriste Martina Simeti

Revenant sur les traces de son enfance, la galeriste Martina Simeti a associé dans son appartement, telle une peintre, toutes les traces et les nuances d’une vie riche et nomade, placée sous le signe de l’ailleurs, de l’autre et de l’art.

Pour Martina Simeti, galeriste de formation, Milan symbolisait un retour à la terre promise. Elle y est née et y a vécu les vingt premières années de sa vie. Pour son compagnon, Abdourahman Waberi, originaire de Djibouti, écrivain et conférencier à Washington une partie de l’année, la cité lombarde représentait au contraire une étape parmi d’autres dans son mode de vie nomade. Et pour leur fille de 9 ans, Bérénice, c’était une nouvelle ville à découvrir.

L’art contemporain pour fil conducteur

Portrait de famille dans le salon : Martina Simeti avec son compagnon Abdourahman Waberi et leur fille Bérénice (à gauche).  Dans un coin de la salle à manger, tabouret Rockable Stool, design Hans Sandgren Jakobsen (MC Selvini). Au mur, sculpture lumineuse de l’artiste danois Cristian Andersen (Galleria Martina Simeti). Au fond, petite chaise du Mali et œuvre d’art murale de Mimosa Echard, de la série « Un bout de toi, Salomon » (Galleria Martina Simeti).
Portrait de famille dans le salon : Martina Simeti avec son compagnon Abdourahman Waberi et leur fille Bérénice (à gauche).  Dans un coin de la salle à manger, tabouret Rockable Stool, design Hans Sandgren Jakobsen (MC Selvini). Au mur, sculpture lumineuse de l’artiste danois Cristian Andersen (Galleria Martina Simeti). Au fond, petite chaise du Mali et œuvre d’art murale de Mimosa Echard, de la série « Un bout de toi, Salomon » (Galleria Martina Simeti). Helenio Barbetta / Living Inside

Martina a grandi immergée dans le monde de l’art contemporain. Son père, Turi, peintre et sculpteur sicilien, a été l’un des protagonistes d’une période florissante, démarrée dans les années 60 avec la production d’œuvres abstraites, monochromes et géométriques, tandis que sa mère, Carla Ortelli, travaillait dans le théâtre d’avant-garde.

Ces années passées loin de Milan, que Martina a quittée après son baccalauréat, ont d’abord été pour elle l’occasion d’étudier l’histoire contemporaine à Bologne. Puis de beaucoup voyager : « Mes parents m’ont impliquée dans leur vie intellectuelle. Ils m’emmenaient partout, même pour assister à de très longues représentations théâtrales », se rappelle-t-elle.

Avant qu’elle n’intègre finalement l’Unesco, pour laquelle ses missions l’ont conduite quatre ans au Sénégal, puis quinze ans dans la capitale française. « À Milan, c’est la vingt-et-unième maison dans laquelle je vis », plaisante-t-elle ! Parmi ses nombreuses activités, il y a aussi la cocréation, à Rome, de la librairie Griot, spécialisée en littérature africaine et dans les questions de diaspora et de post-colonialisme.

Elle y a rencontré son compagnon, alors invité à présenter l’un de ses livres. « À Paris, j’occupais un deuxième étage, avec un horizon très limité devant mes fenêtres ! confie-t-elle. Mon souhait le plus cher, en m’installant à Milan, était d’avoir enfin une vue dégagée sur le ciel. Cet appartement des années 30, plein d’ouvertures, m’est apparu comme celui de mes rêves. » Peu après l’emménagement, Martina a déniché, tout près, l’adresse qui allait devenir le nouveau siège de sa galerie.

Un appartement pensé comme une galerie

Portrait de l’architecte Luciano Giorgi, qui signe l’aménagement de l’appartement. Il pose près d’une œuvre de Mimosa Echard, représentée par la galerie de Martina Simeti (à gauche).  Dans la salle à manger, vue détaillée sur une sculpture en résine de Mimosa Echard et, au-dessus, œuvre d’Alberto Burri, l’un de ses « Cellotex » (1985).
Portrait de l’architecte Luciano Giorgi, qui signe l’aménagement de l’appartement. Il pose près d’une œuvre de Mimosa Echard, représentée par la galerie de Martina Simeti (à gauche).  Dans la salle à manger, vue détaillée sur une sculpture en résine de Mimosa Echard et, au-dessus, œuvre d’Alberto Burri, l’un de ses « Cellotex » (1985). Helenio Barbetta / Living Inside

Principalement intéressée par l’art contemporain, elle avait à cœur de soutenir de jeunes artistes qui interrogent les relations entre l’art et le réel. Pour optimiser les deux espaces – l’appartement et la galerie –, elle a demandé conseil à l’architecte Luciano Giorgi.

« Dans l’appartement, il n’y avait pas grand-chose à changer, explique celui-ci, à part la cuisine, qui a été complètement refaite. Ailleurs, les murs sont restés intacts, avec pour seule modification les couleurs et les motifs, associés à un ensemble de meubles composé de quelques éléments soigneusement sélectionnés. L’approche délicate du projet et l’intention de ne pas trop en faire ont donné naissance à un lieu de vie où l’espace est étroitement lié aux objets et aux êtres chers, en conservant tout ce qui pouvait l’être. »

La complicité entre l’architecte et la galeriste s’est nourrie de leurs affinités communes pour l’art. Une entente qui se matérialise dans le choix des couleurs. Celles-ci ne sont pas seulement décoratives, elles soulignent l’architecture et mettent en valeur les œuvres. Les teintes sable adoucissent la chambre à coucher et se prolongent dans une partie du couloir.

La palette de la chambre évoque les maisons en terre du Mali. Sur le lit, Blanket 2, de Rottingdean Bazaar. De gauche à droite, œuvres signées Bruno Munari, Turi Simeti, Piero Dorazio et Curtis Talwst Santiago (Galleria Martina Simeti). Serrata, sculpture lumineuse de Francesco Simeti. Rideau de Luciano Giorgi en tissu Dedar.
La palette de la chambre évoque les maisons en terre du Mali. Sur le lit, Blanket 2, de Rottingdean Bazaar. De gauche à droite, œuvres signées Bruno Munari, Turi Simeti, Piero Dorazio et Curtis Talwst Santiago (Galleria Martina Simeti). Serrata, sculpture lumineuse de Francesco Simeti. Rideau de Luciano Giorgi en tissu Dedar. Helenio Barbetta / Living Inside

Dans la chambre de Bérénice, le bleu en fait de même de son côté. « Dans toute la maison, précise Luciano Giorgi, les couleurs donnent de la vie. Le fond gris neutre accueille les références africaines : le bleu des cieux, la terre crue de l’architecture typiquement malienne. Dans la salle de bains, le vert et le rose soulignent les nuances originelles des carreaux de majolique. » Dans les chambres, un espace est réservé aux artistes contemporains de la galerie, à côté de ceux de la collection personnelle de Martina et de ceux hérités de sa famille.

Avant que son lieu d’exposition ne soit sur les rails, elle avait assuré un premier accrochage collectif chez elle, en pleine pandémie, sur rendez-vous. En 2021, Turi Simeti est décédé des suites du Covid-19. Martina a créé une fondation qui lui est consacrée, rassemblant ainsi les impressionnantes archives laissées par son père. Un défi de taille qui ne pouvait se réaliser qu’à Milan et qui la pousse à rester plus longtemps dans la ville où tout a commencé.