À Art Basel Paris, un petit goût de Hong Kong sous la nef du Grand Palais

Impossible de la rater depuis les allées fourmillantes d’Art Basel Paris, sous la verrière du Grand Palais : l’enseigne surplombe le premier étage, attirant le regard avec ses néons rouges et bleus. Et ses caractères illuminés : « Cha Chaan Teng ». Soit un salon de thé typique de la jungle citadine hongkongaise, entièrement reconstitué le temps de la grand-messe de l’art contemporain. Derrière ce lieu accessible aux visiteurs, un partenariat mondial de trois ans entre Art Basel et le Hong Kong Tourism Board (l’office du tourisme de Hong Kong). Une association inédite entre la région à l’insatiable appétit culturel et la foire de référence de l’art contemporain, expliquée par Dane Cheng, directeur exécutif du Hong Kong Tourism Board.

C’est la première fois qu’Art Basel s’associe avec une organisation touristique. Comment est né ce partenariat ?
Dane Cheng.
Art Basel est installé depuis 2013 à Hong Kong, la seule destination asiatique à accueillir ce rendez-vous. Cela fait donc plus de dix ans que la foire investit Hong Kong. Et entraîne derrière elle une vraie ferveur artistique pendant tout le mois de mars, avec d’autres foires comme Art Central ou le festival de street art HKWALLS. Il y a trois ans, nous avons commencé à travailler étroitement avec les équipes d’Art Basel qui cherchaient à créer plus de liens entre Hong Kong et les visiteurs de la foire, dont la moitié viennent de l’étranger. Nous avons commencé à imaginer une lounge area sur place, qui a très bien fonctionné. Ce ballon d’essai nous a donné l’idée d’étendre le partenariat au monde entier. Nous voici donc à Paris, première étape, puis à Miami Beach en décembre, Hong Kong en mars, Bâle en juin. Au total, nous serons présents sur les quatre rendez-vous internationaux d’Art Basel pendant trois ans.

Hong Kong Convention and Exhibition Centre, site d’Art Basel Hong Kong
Hong Kong Convention and Exhibition Centre, site d’Art Basel Hong Kong

Cette collaboration débute à Paris avec la reconstitution d’un Cha Chaan Teng au premier étage du Grand Palais. Pourquoi avoir choisi de proposer cette immersion aux visiteurs ?
Nous voulions offrir une expérience différente, authentique et surtout amusante. Nous ne voulions pas présenter de nouvelles œuvres d’art, il y a déjà de quoi faire ! Mais plutôt présenter un petit morceau de l’art de vivre à la hongkongaise. Dans ce Cha Chaan Teng, légèrement en retrait de l’effervescence de la foire, on peut faire une pause entre deux galeries, discuter, il y a de quoi manger, boire… Nous avons vraiment essayé de reproduire l’ambiance que l’on peut trouver lors d’un voyage à Hong Kong. Et nous n’avons pas pu résister à suspendre une pièce d’art au plafond, une pièce lumineuse de l’artiste Trevor Yeung basé à Hong Kong.

Intérieur et extérieur du Cha Chaan Teng au Art Basel Paris
Intérieur et extérieur du Cha Chaan Teng au Art Basel Paris
M. Noah Horowitz, Directeur Général d’Art Basel et M. Dane Cheng, Directeur Exécutif du HKTB
M. Noah Horowitz, Directeur Général d’Art Basel et M. Dane Cheng, Directeur Exécutif du HKTB

À Hong Kong, le Cha Chaan Teng est une institution : impossible de rater ces petits cafés bon marché au décor éclectique. Que nous racontent-ils de la région ?
Le Cha Chaan Teng, devenu très populaire dans les années 1950, est un élément typique de la culture hongkongaise. Il est à Hong Kong ce que la brasserie est à Paris, ou le pub à Londres. Et il illustre à lui-seul la manière dont Orient et Occident se rencontrent dans la région, où la cuisine asiatique et européenne fusionnent. C’est en quelque sorte un diner ouvert à toute heure, on y sert de la nourriture préparée à la mode cantonaise mais réinterprétant à sa façon la cuisine occidentale : des egg tarts, petits flancs à l’œuf, des french toasts revisités à l’asiatique, de la sauce soja à la place de la sauce tomate… Et des boissons comme le milk tea, ce thé au lait très apprécié chez nous. Du soir au matin, toutes les catégories de population se mêlent dans un Cha Chaan Teng, c’est une ambiance unique, effervescente et conviviale à la fois, propre à Hong Kong.

Le lieu éphémère de Paris a-t-il vocation à voyager dans les autres expositions d’Art Basel ?
Nous y pensons, mais il y a plusieurs défis à relever : il faut garantir l’authenticité, réussir à proposer les plats et les boissons fidèles à l’esprit hongkongais… À Paris, nous sommes très surpris de l’accueil, le lieu ne désemplit pas depuis l’ouverture de la foire.

Quelles autres formes prendra le partenariat dans les trois prochaines années ?
Nous sommes encore en train d’en discuter, car nous voulons adapter les expériences aux foires et à leurs visiteurs, dont certains voyagent d’une foire à l’autre. Chaque édition d’Art Basel a une vibration et un public qui lui est propre.

Dans un marché de l’art asiatique en pleine expansion, Hong Kong est-elle devenue la porte d’entrée idéale pour les collectionneurs et amateurs d’art ?
Géographiquement, Hong Kong occupe une position unique, au carrefour de plusieurs pays d’Asie. Historiquement, les cultures et les nationalités s’y sont toujours retrouvées, et y ont toujours fait des affaires. Nous sommes tous petits comparés à Paris, mais nous avons une histoire riche de beaucoup de strates, entre les époques chinoise, coloniale et moderne. Nous sommes aujourd’hui situés aux portes du marché de l’art chinois, qui ne cesse de grandir. Les grandes maisons d’enchères et les galeries de renommée internationale sont désormais bien installées, encouragées par la présence d’experts de l’art sur place et un système juridique et fiscal favorables. Elles attirent des collectionneurs réputés fidèles.

À côté des galeries, la scène artistique hongkongaise prend de plus en plus d’ampleur, entre musées flambant neuf, festivals, sites industriels transformés en hub créatifs…
C’est vrai qu’il y a un réel appétit de la région pour l’art. Ces dernières années, les grandes galeries ont investi les rues, de l’art contemporain très pointu aux antiquités asiatiques. En 2021, au lendemain de la pandémie du Covid, deux musées ont ouvert dans le nouveau quartier culturel de WestK : le M+, dédié à la culture visuelle contemporaine d’Asie, et le Hong Kong Palace Museum, qui réunit 900 pièces venues du Musée du Palais de Pékin. Deux musées internationaux de cette envergure ouvrant la même année, c’est presque du jamais-vu… Pour moi, cela résonne avec les aspirations de l’après Covid : les gens voyagent pour faire l’expérience d’une culture, d’une énergie. On ne vient plus à Hong Kong seulement pour faire du shopping ou pour la gastronomie, mais pour s’immerger dans un mode de vie, et la créativité artistique en fait partie.

Hong Kong Palace Museum
Hong Kong Palace Museum

Parmi les nouveaux lieux de l’art, quels sont ceux qui rencontrent le plus grand succès ?
Le M+ a été très vite adopté par les Hongkongais et les visiteurs. L’exceptionnelle rétrospective consacrée à Yayoi Kusama, organisée pour le premier anniversaire du musée, a attiré les foules. L’exposition sur Ieoh Ming Pei, l’architecte du Louvre, a aussi séduit le public. Et à côté de sa collection permanente, le M+ fait vivre toute l’année une programmation très dynamique de projections, de performances… Quant au Hong Kong Palace Museum, il a été une excellente surprise. Son architecture contemporaine et sa muséographie innovante sont un exemple de ce que la modernité et la technologie peuvent apporter à des trésors antiques. On peut y suivre par exemple toute une journée dans la vie d’un empereur de la dynastie Qing, c’est très incarné. On raconte d’ailleurs que le premier motif d’accident au musée, ce sont des visiteurs se heurtant le nez aux vitrines… car la scénographie est si réussie qu’on est happé par les œuvres ! C’est une anecdote, mais c’est l’exemple d’une culture résolument vivante, en invention permanente.

M+
M+

Pour en savoir plus : https://www.discoverhongkong.com/fr/explore/arts.html