New York : les 14 meilleures adresses du Queens

Hyper-disparate, le plus grand arrondissement de New York alterne industrie lourde et vues folles sur Manhattan, bicoques tranquilles et plages à la mode, anonymat et désirabilité. Des rivages de l’East River à ceux de l’Atlantique, traversée d’un New York encore sous les radars, où bourgeonnent ici et là les hot spots.

Pas simple d’apposer des mots simples sur le Queens. Les autres arrondissements (boroughs) de New York se prêtent, eux, davantage aux formules à l’emporte-pièce (et sujettes à caution, bien sûr). Manhattan ? Une forêt de buildings hors de prix. Brooklyn ? Le berceau de la branchitude mondiale. Quant au Bronx et à Staten Island, ils apparaissent dans l’imaginaire local comme un ghetto paupérisé pour l’un et une banlieue calmement insulaire pour l’autre.

À l’intérieur de The Collective Paper Factory.
À l’intérieur de The Collective Paper Factory. Young-Ah Kim

Le Queens, c’est un peu de tout ça à la fois, et pour cause, c’est le plus peuplé des cinq districts, avec 2,4 millions d’habitants, occupant un gros cordon nord-sud de l’île de Long Island où se succèdent quartiers d’affaires, lotissements, grands ensembles, zones industrielles, quasi-villages, assez vaste pour contenir un archipel lagunaire (la baie de Jamaica), un long lido sablonneux (Rockaway) et les deux plus grands aéroports de New York (JFK et LaGuardia). Une métropole dans la mégalopole, en somme, où le mot « diversité » prend tout son sens.

Vue du Socrates Sculpture Park.
Vue du Socrates Sculpture Park. Young-Ah Kim

Avec un centre névralgique, tout de même, le quartier de Long Island City (LIC, comme tout le monde l’appelle), au bord de l’East River, à un jet de pierre de Manhattan, qui fanfaronne de l’autre côté des flots. Il y a, d’ailleurs, du Manhattan dans cette zone anciennement manufacturière, qui se hérisse de gratte-ciel depuis une trentaine d’années.

« Je me souviens du premier d’entre eux, le Citigroup Center, qui a vu le jour en 1990, se remémore Dan Sinclair, un artiste qui vit là depuis les années 70. Le début d’une pullulation d’immeubles et d’une folle inflation des prix », de laquelle notre compère s’accommode. « J’ai tellement bien revendu mon premier atelier qu’on me prend pour un génie de l’immobilier », se réjouit-il.

L’hôtel The Rockaway.
L’hôtel The Rockaway. Young-Ah Kim

Comme lui, le plasticien star Daniel Arsham phosphore à l’aise dans un entrepôt du coin et, avant eux, le grand Isamu Noguchi quelques blocs plus au nord. Une atmosphère créative que consolident les incroyables espaces d’exposition qui ont pris pied ici, ainsi du Noguchi Museum, donc, tout près de l’ancien atelier du maître, mais aussi du PS1, le laboratoire avant-gardiste du MoMA, ou du SculptureCenter, installé dans un ex-garage à trolleybus.

Blue motels et multiculturalisme

L’une des chambres du Boro.
L’une des chambres du Boro. Young-Ah Kim

À l’autre extrémité de l’arrondissement, les rivages de l’Atlantique voient eux aussi leur cote d’amour croître en flèche, même si le paysage diffère du tout au tout. Les plages de Rockaway et d’Arverne, sur lesquelles les surfeurs de Manhattan et de Brooklyn déboulent grâce à la ligne A du métro, n’étaient bordées jusqu’aux années 2010 que de HLM décrépits. Ils sont toujours là, davantage encore mangés par le sel, mais ils voisinent désormais avec des motels balnéaires de la plus in des espèces comme le Tigh Hide ou, plus en vue encore, le Rockaway Hotel (comptez plus de 400 dollars la nuit, en été). Une hyper-gentrification qui épargne encore, et c’est peut-être heureux, les quartiers centraux du Queens.

Dans le Noguchi Museum.
Dans le Noguchi Museum. Young-Ah Kim

Rien de branché, en effet, à Flushing, le plus grand Chinatown d’Amérique, avec ses restaurants géants de dimsums et ses échoppes qui débordent sur les trottoirs. Ni à Astoria, où s’alignent les cantines grecques, vénézuéliennes ou bosniaques ainsi que les grossistes. Ni encore à Jackson Heights, quartier animé par 167 langues différentes et auquel le cinéaste Frederick Wiseman a consacré un superbe documentaire en 2015 : c’est une New York sans forfanterie, dynamique mais non-excluante et formidablement babélienne que nous raconte ce Queens-là. 


Nos meilleures adresses dans le Queens

1. Boro 

Les chambres y sont comme des bulles d’épure accrochées dans le ciel, et tant mieux pour la vue ! La bâtisse conçue par l’agence Grzywinski+Pons embrasse New York dans tout son urbanisme. Au premier plan, entrepôts et usines de Long Island City, puis le Queensboro Bridge enjambant l’East River et, au fond, la muraille de gratte-ciel de Manhattan. Pour ne rien gâcher, il y a Beebe’s au rez-de-chaussée, la plus en vue des pizzerias du borough.

> 38-28 27th Street. Tél. : +1 718 433 1375. Borohotel.com


2. The Rockaway

Les plages de Rockaway, portion côtière du Queens, et leurs rouleaux aimantent depuis vingt ans tous les mordus de surf de New York. Voici, tout juste inauguré, un hôtel à leur image – frais, beau, riche. Avec un lobby pétillant rempli de coussins graphiques et d’objets chinés, des chambres très « week-end dans les Hamptons » – bois brut et rideaux blancs – et un restaurant fort bon, Margie’s, à tonalité océanique et tarifs dignes de Manhattan.

> 108-10 Rockaway Beach Drive. Tél. : +1 718 474 1216. Therockawayhotel.com


3. The Collective Paper Factory

De la superbe usine à papier qui trônait là, il reste le béton, les briques, les larges baies, tous les beaux atours industriels qui font de chaque chambre un petit loft du meilleur effet. La déco mi-pop, mi-puces est un peu datée « années 2010 », mais tant mieux sans doute, car l’hôtel ne court pas (plus ?) après la branchitude. D’ailleurs autour, entre garages, grossistes et cantines vénézuéliennes ou grecques, le quartier d’Astoria résiste vaille que vaille à la gentrification.

> 37-06 36th Street. Tél. : +1 855 784 8529. Thecollective.com


4. Bar Marseille

Dans le Bar Marseille.
Dans le Bar Marseille. Young-Ah Kim

Le quartier maritime d’Arverne, à côté de Rockaway, connaîtra-t-il le destin de son voisin branché ? À première vue, tout n’est pour l’instant que résidences tranquilles, mais quelques adresses émergent, à l’image de ce bar-restaurant d’inspiration française (PACA), avec sa déco rigolote (photos à la Martin Parr, peintures-croûtes façon vieille maison provinciale, béton au sol et aplats pastel au mur) et son toit-terrasse, très prisé aux beaux jours, par-dessus lequel les Boeing au décollage de JFK passent à ras. 

> 190 Beach 69th Street. Tél. : +1 718 513 2474. Barmarseille.getbento.com 


5. American Brass

C’est une brasserie comme New York les affectionne, joliment carrelée, apprêtée de banquettes camel, éclairée de lustres fifties, tout cela pensé au cordeau par la designer Molly Elizabeth. Même confort rassurant au menu, chapeauté par le chef Kevin McGinley, qui, de pâtes au citron en risottos de clams, lorgne vers une Italie rêvée. On croise là des familles chics et des couples enamourés qui, quand il fait encore jour, n’ont d’yeux que pour Manhattan, qui parade
de l’autre côté de la rivière.

> 201 50th Avenue. Tél. : +1 718 806 1106. Americanbrasslic.com


6. Hibino 

Cette adresse japonaise au look clair et brut – gros tuyau apparent, bois partout – a été pensée par le chef Nobu Shiozawa comme une cantine de quartier, cette portion de Long Island City à la fois très arty et très tertiaire. On y vient
en voisin pour déjeuner sur la grande table centrale. On y achète, en take away, son dîner du soir. Les salades
d’algues variées au sésame y sont épatantes, le tofu maison n’en parlons pas, tandis que les bentos à prix imbattables (11 dollars) remplissent délicieusement leur office. 

> 10-70 Jackson Avenue. Tél. : +1 718 392 5190. Hibino-lic.com


7. Otis & Finn

Chez Otis & Finn.
Chez Otis & Finn. Young-Ah Kim

Shawn Dixon et Kirk Riley, les copropriétaires de ce barbershop, ont le goût de la rigolade, du décalage et de la convivialité : ils vénèrent Dolly Parton, la chanteuse de country dont ils affichent les portraits, et accèdent à tous vos désirs capillaires et/ou pileux. Leur salon tendu de papier peint imprimé et de néons roses est l’une des rares échoppes LGBTQ+ du coin. Elle a essaimé dans les quartiers les plus in de Brooklyn : Williamsburg et Greenpoint.

> 11-11 44th Road. Tél. : +1 718 433 1155. Otisandfinn.com


8. Noguchi Museum

C’est une merveille d’écrin méditatif que s’est construit le sculpteur américain d’origine japonaise Isamu Noguchi. C’est d’abord un jardin de pierre où, sous les bouleaux, des monolithes de granit s’exposent sans apprêt. Ce sont ensuite deux étages de brique sombre et de béton, où les anneaux de marbre, les colonnades frêles et les pierres taillées du maître sont dans cette nudité comme chez eux et conversent parfois, selon la programmation, avec des artistes d’aujourd’hui. 

> 9-01 33rd Road. Tél. : +1 718 204 7088. Noguchi.org


9. Socrates Sculpture Park

Cet ancien terrain vague raconte indirectement toute l’histoire du Queens. Décharge publique, puis squat d’artistes en plein air, il devient parc de sculptures d’avant-garde en 1987, accueillant au fil du temps de grands noms comme la minimaliste Rosemarie Castoro, le turbulent Keith Haring ou la psychédélique Shana Moulton. Cet automne, de jeunes plasticiens s’y pencheront sur la montée des eaux, ce qui, au bord de l’East River, n’est pas un vain mot, tandis que les pelouses accueillent toute l’année des marchés bio, des joueurs de Frisbee, des cours de danse africaine et rendront bientôt hommage aux nations indigènes anéanties pour construire New York. 

> 32-01 Vernon Boulevard. Tél: +1 718 956 1819. Socratessculpturepark.org


10. MoMA PS1 

Cet automne, « Life Between Buildings » rassemble des plasticiens au sein du MoMA PS1.
Cet automne, « Life Between Buildings » rassemble des plasticiens au sein du MoMA PS1. Young-Ah Kim

Depuis près de quarante ans, cette antenne du MoMA explore l’art d’aujourd’hui dans les locaux d’une ex-public school (d’où PS). Les rares œuvres pérennes, comme la Skyroom ouverte sur le ciel, de James Turrell, font toujours leur petit effet, mais comptez surtout sur les expositions collectives pour éveiller le visiteur à tout ce qui ébranle New York : cet automne, « Life Between Buildings » rassemble des plasticiens pour qui comptent les espaces vacants, la mémoire des lieux et les ravages de la gentrification. Au programme, des œuvres historiques de Becky Howland ou de Gordon Matta-Clark entre autres réjouissances socio-conceptuelles.

> 22-25 Jackson Avenue. Tél. : +1 718-784-2084. Momaps1.org


11. Queens Museum

Les expositions universelles laissent toujours des vestiges étranges et fascinants. Celles de 1939 et de 1964, organisées à New York, ont eu lieu dans ce building longiligne, tandis qu’autour des folies mégalomanes ont germé (un pavillon signé Philip Johnson, en ruine aujourd’hui, un héliport de science-fiction…). L’édifice abrite désormais un musée inclusif, où les plasticiennes noires sont mieux représentées qu’ailleurs : cet automne, Xaviera Simmons
et Charisse Pearlina Weston, deux jeunes figures à suivre, qui manient aussi bien les envolées abstraites que la critique sociale, s’y exposent en majesté.

> New York City Building Flushing Meadows. Tél. : +1 718 592 9700. Queensmuseum.org 


12. False Flag

Jon Huddleson, le galeriste et artiste qui a fondé cet espace, l’a ironiquement baptisé en hommage à un fameux faussaire qui officiait à quelques blocs de là : Brian Ramnarine, dans sa fonderie, coulait de faux chefs-d’œuvre, dont
un Flag (drapeau) de métal qu’il attribua à Jasper Johns et dont il demanda 11 millions de dollars. Ce qu’on rencontre ici, en revanche, ce ne sont que
de vrais artistes, même s’ils se piquent de facéties, comme Virginia Lee Montgomery et ses installations presque new age ou Anthony Olubunmi Akinbola et ses œuvres textiles aux mille rapiéçages.

> 11-22 44th Road. False-flag.org


13. 5-50

La galerie 5-50.
La galerie 5-50. Young-Ah Kim

« C’est un partenariat jeune-vieux », s’amuse le « vieux » de l’affaire, l’artiste américain Dan Sinclair, la « jeune » étant la plasticienne néerlandaise Dionne Lausberg. Ces deux-là, galeristes à leurs heures, exposent dans un ancien atelier de taille de pierre de Long Island City les œuvres qu’ils aiment : au programme, artistes émergents principalement new-yorkais, mais toutes générations et tous styles confondus, avec un tropisme pour les abstractions acidulées, marque de fabrique de Debbi Kenote, Kyle Gallagher et autres poulains de l’écurie.

> 5-50 51st Avenue. 5-50gallery.com


14. Mrs.

On ne va pas par hasard à Maspeth, quartier mi-indus, mi-résidentiel, sis en plein milieu du Queens. C’est dans l’une de ses petites bicoques en bois et en brique typiques d’un New York populaire que les artistes Maria Salamone et Tyler Lafreniere vivent, travaillent et exposent les autres. Seul lieu culturel du coin, leur espace se révèle propice aux discussions à bâtons rompus et aux découvertes : telles les sculptures et toiles aux lignes pures d’Elizabeth Atterbury,
en février dernier. 

> 60-40 56th Drive. 

 

Thématiques associées