C’est très certainement l’état de délabrement du bâtiment, abandonné par les anciens propriétaires, qui a attiré l’œil de Mat Barnes. Le fondateur du studio CAN a vu l’opportunité d’une rénovation radicale à travers laquelle il pourrait pleinement exercer sa créativité. Surnommée Moutain View, en raison du fronton de l’extension donnant sur le jardin, cette curieuse maison s’inscrit dans le courant postmoderne.
Une maison fantaisiste
« L’inspiration est venue d’une montagne très réaliste à Disneyland, en Californie, une attraction appelée Matterhorn Bobsleds », explique l’architecte. La structure est faite à partir de mousse d’aluminium, un matériau très léger. « Je voulais quelque chose d’ambivalent, qui ait l’air lourd par opposition à la légèreté de la partie ajoutée dont les éléments porteurs ont été réduits au minimum », détaille-t-il.
Pour saisir toute la complexité et l’originalité du projet, il faut pouvoir visualiser la maison dans son ensemble : le hall d’entrée lumineux, qui distribue le salon, habillé du sol au plafond d’un bleu profond, la cuisine, pleine d’objets créatifs, et la véranda, donnant sur le jardin.
La cuisine, l’une des pièces phares, comprend un mur en béton brut – toile de fond de la table de la salle à manger –, qui contraste avec les murs en briques apparentes peintes en vert clair avec deux flèches rouges incrustées, semblant sortir d’un dessin animé. Les placards ont été réalisés en plastique recyclé provenant principalement de planches à découper et de bouchons de bouteilles de lait, tandis que les colonnes de soutien, mi-rouges, mi-blanches, rappellent les étais métalliques…
Entre la cuisine et l’extension de la maison, qui abrite la véranda, deux parties de l’ancien mur de brique ont été laissées dans un état de démolition partielle. « Je me suis inspiré d’un mur qui s’effrite dans une scène du film Trainspotting (réalisé par Dany Boyle en 1996, NDLR) », souffle l’architecte. Ils servent désormais d’éléments décoratifs sur lesquels ont été disposées des plantes.
Au cours des travaux, le studio CAN a découvert que le sol pouvait être abaissé de près d’un mètre jusqu’au niveau du jardin, ce qui a permis de donner du volume à cet espace, habituellement rare dans les maisons anglaises.
Quant au salon, il rend hommage au Sir John Soane’s Museum, à Londres, où Mat a conçu une installation temporaire. Entièrement bleu foncé, il dégage une atmosphère unique par ses proportions réduites et sa couleur enveloppante. Sur les murs, des décors en plâtre ont été ajoutés et peints dans la même tonalité.
Ailleurs dans la maison, d’autres effets visuels saisissent : les carrelages utilisés sur des portions du sol, le damier gris et blanc des murs de la véranda ou les petits carreaux bleus et blancs de la salle de bains, qui contrastent avec le plafond orange vif. Dans l’escalier qui mène à l’espace nuit, le plafond dont on a conservé les poutres d’origine – repeintes en couleur – a laissé place à un puits de lumière.
L’influence du mouvement Memphis
De tous ces éléments se dégage le mélange d’influences auxquelles Mat Barnes est attaché, du mouvement Memphis (créé par le designer et architecte Ettore Sottsass en 1980) au postmodernisme en passant par le pop art et la réinterprétation de styles plus classiques. L’architecte du studio CAN n’est pas uniquement tourné vers le passé, mais il le convoque par touches.
«Je pense qu’en architecture toute inspiration devrait être autorisée, dit-il. Cette réhabilitation traduit ma pensée selon laquelle cet art doit s’appliquer à représenter la personnalité des utilisateurs. La maison reflète aussi les goûts de mon épouse. Bien qu’elle ne soit pas designer, elle a exprimé son opinion, comme un client face aux propositions d’un architecte. Et ses suggestions font partie de la réalisation. » Une façon aussi d’insuffler de la joie dans tous ses projets.