«Habiter poétiquement le monde », tel est l’idéal d’Atelier Faber. Ses fondateurs fabriquent des structures légères en osmose avec le panorama environnant.
De l’importance de la contemplation
Avant de s’associer, en 2019, Gabriel Pontoizeau et Luca Antognoli se sont rencontrés sur les bancs de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville. Le premier a ensuite rejoint l’Atelier Peter Zumthor et le studio LVPH, en Suisse, puis ceux de Junya Ishigami et de Go Hasegawa, au Japon, tandis que le second a fait ses armes chez Pascale Guédot. « Il est primordial d’insérer l’architecture dans un site et d’accorder un intérêt particulier au paysage environnant, en pointant l’aspect contemplatif. À travers notre travail, Luca et moi tentons de traduire notre rapport au monde. Un monde dont on doit prendre soin pour vivre en symbiose avec lui », détaille Gabriel Pontoizeau.
En baptisant leur agence, les deux architectes ont renforcé cette profession de foi en associant à l’idée d’atelier (artisanal) celle du bien faire (faber, en latin). Riche de ce postulat, Atelier Faber concrétise des éléments dotés d’une puissance poétique impressionnante, elle-même animée d’un grain de magie. Sa production convoque au préalable et de façon traditionnelle le dessin du projet, sa mise en situation et en atmosphère par des maquettes précises, et, enfin, la manipulation puis la transformation des matériaux naturels choisis in situ.
Les œuvres, tel un bain révélateur, réveillent l’œil, qui redécouvre le romantisme magnétique d’un paysage qu’il ne ferait qu’effleurer le reste du temps. Pour cela, Luca Antognoli et Gabriel Pontoizeau réinventent leur métier, le menant aux frontières de l’art et même du land art par d’intrigants édifices pensés pour souligner théâtralement la plastique de la nature, personnage central starisé, réincarné et spectaculaire. Non seulement Gabriel et Luca lui déroulent le tapis rouge, mais c’est pour eux l’occasion de sensibiliser subtilement le public aux enjeux patrimoniaux et environnementaux.
« Lorsque l’on a imaginé Roques, une installation de 20 m², pour le Festival international de jardins des hortillonnages d’Amiens, c’est aussi pour rappeler qu’une superficie de terre équivalente est artificialisée chaque seconde en France », insiste Gabriel Pontoizeau.
Un nouveau naturalisme architectural
Cette architecture naturaliste pose en creux la question des cycles de vie, des matières qui constituent un paysage, de leur présence mémorielle et de leur histoire. Bel exemple : leur récent projet pour un autre festival, voué celui-là à la culture du jardin, dans le cadre des anciens terrils désormais plantés de bouleaux, pour mieux les cacher, de Raismes (Nord).
« Aujourd’hui, le regard s’inverse. Nous allons employer les déchets miniers comme un composant du paysage rappelant à la fois la dimension sociale et historique du site. Nos éléments fabriqués et leur mise en scène spatiale interagiront avec cet environnement pour offrir une expérience émotionnelle intense », assure Gabriel Pontoizeau. Finalement, à l’instar de l’une de leurs références, l’Anglais Andy Goldsworthy, qui intègre dans ses installations de land art rochers, glaces, branchages ou pierres, ces architectes ont choisi le bois de jute et la chaux pour Rolion, un abri de fortune avec oculus face au lointain, piqué en haut du prieuré de Saint-Romain-Le-Puy (Loire) ; et de la ficelle et du bois pour Palafitta, délicate hutte primitive posée en bord de rivière à Saint-Ferréol (Haute-Savoie), pour le Festival des cabanes.
« Volume, matière, environnement… la dimension artistique des projets nous donne une immense liberté. Rausa, installation exposée dernièrement dans la cour d’honneur du musée Saint-Remi, à Reims, est une métaphore de la raréfaction des zones humides de ce territoire. D’où ce pavillon en bottes de roseau brut qui les remet en mémoire, comme l’odeur particulière des fleurs de roseau tournées vers l’intérieur de la structure. L’expérience est d’autant plus sensorielle quand le vent fait bruire les cannes et y imprime un mouvement ondulatoire. Une fois démonté, le matériau sera réemployé en construction. »
Gabriel Pontoizeau et Luca Antognoli mènent aussi des recherches en design, réfléchissant aux usages archaïques, tels que l’éclairage à la bougie, objet à partir duquel ils développent la lampe Cannellato, en cire d’abeille malléable à l’infini, pour Maisonjaune Studio.
> Atelier Faber. 17 rue du Coq Français, 93260 Les Lilas. Atelierfaber.fr