Duvivier Canapés se modernise en douceur

Depuis qu’il a repris l’entreprise française de mobilier haut de gamme Duvivier Canapés en 2016, Aymeric Duthoit s’emploie avec son équipe à en faire un fleuron de l’industrie hexagonale. Entre appels aux designers et investissements massifs pour créer un site de production ultramoderne, le pari est en passe d’être gagné… s’il ne l’est pas déjà !

«J’ai racheté cette société en 2016, mais je la considère comme un héritage. Mon souhait ? La transmettre un jour à mon tour en laissant une belle entreprise, dans laquelle chacun des 70 employés se sente bien, qui valorise et s’appuie sur des savoir-faire ancestraux et porte haut le luxe à la française. » Voici en quelques mots la façon dont Aymeric Duthoit résume sa vision et son ambition pour Duvivier Canapés, qu’il dirige donc depuis six ans.

Aymeric Duthoit, le dirigeant de Duvivier Canapés, pose sur un fauteuil Serge au boutonnage caractéristique, signé Pierre Gonalons en 2021, qui projette le classique Chesterfield dans une nouvelle histoire.
Aymeric Duthoit, le dirigeant de Duvivier Canapés, pose sur un fauteuil Serge au boutonnage caractéristique, signé Pierre Gonalons en 2021, qui projette le classique Chesterfield dans une nouvelle histoire. Didier Delmas

Après quatre années chez Steelcase, l’un des leaders du mobilier de bureau, puis quinze autres à la direction générale du constructeur de bateaux Beneteau, ce spécialiste du commerce choisit de reprendre une PME. Ce sera Duvivier Canapés, une maison dont l’origine remonte à 1840, lorsque François-Baptiste Duvivier, sellier-bourrelier, s’installe à Joussé, dans la Vienne.

Dès l’origine, les fondamentaux sont là : le travail artisanal de précision, l’usage du cuir, du tissu et du bois. En 1978, Jean-Marie Duvivier, représentant la quatrième génération, ouvre non loin un atelier de fabrication de sièges, à Usson-du-Poitou, où se situe encore aujourd’hui la société.

Les cales qui remplissent dossiers et assises sont composées d’un mélange de plumes, de petits morceaux de mousse et de fibres. Un polochon est fourni avec le canapé pour que le client puisse modifier le confort s’il le souhaite.
Les cales qui remplissent dossiers et assises sont composées d’un mélange de plumes, de petits morceaux de mousse et de fibres. Un polochon est fourni avec le canapé pour que le client puisse modifier le confort s’il le souhaite. Didier Delmas

La marque Duvivier Canapés, consacrée au secteur des canapés haute couture, est créée en 1989. La maison obtient le label Entreprise du patrimoine vivant en 2006, une reconnaissance qui récompense l’excellence des savoir-faire français.

Le rachat effectué, Aymeric Duthoit entame un processus de changement. S’il n’est pas question de toucher à l’essentiel, il est en revanche envisageable, voire souhaitable, de donner une impulsion à la PME pour qu’elle s’inscrive dans son époque. C’est chose faite dès 2017, avec la création de l’application Duvivier Canapés, qui permet de configurer le canapé de son choix en 3D et en réalité augmentée.

Des collaborations de renom

Chaque peau fait l’objet d’une scrupuleuse vérification pour éliminer le moindre défaut. Les pièces sont ensuite découpées avec cette machine à lame oscillante d’une extrême précision.
Chaque peau fait l’objet d’une scrupuleuse vérification pour éliminer le moindre défaut. Les pièces sont ensuite découpées avec cette machine à lame oscillante d’une extrême précision. Didier Delmas

Côté produits, le dirigeant fait évoluer les gammes en se rapprochant du monde du design, dont la marque était jusqu’ici assez éloignée. « J’ai sélectionné des designers qui ont un véritable attrait pour les savoir-faire et qui ne craignent pas de s’investir dans notre domaine, avec nos modes de fabrication, d’aller au contact des artisans, indique Aymeric Duthoit. Ceux avec qui nous collaborons sont dans cette veine, en plus d’être pleins d’humilité et accessibles. »

La première sera Charlotte Juillard avec la collection « Jules », en 2018. L’année suivante, Duvivier Canapés accueille Guillaume Hinfray, designer et styliste, qui propose les lignes « Auguste » et « Émile ». L’entente est telle avec ce Français basé à Milan, qui a un pied dans la mode, plus précisément dans les accessoires, et l’autre dans le design, que Duvivier Canapés en fait son directeur artistique dès 2020, l’année où la gamme « Elsa » est produite.

Chaque modèle est fabriqué à la commande et peut être personnalisé. Les couturières préparent les housses sur des machines à coudre qu’il faut parfois adapter en raison du volume des pièces.
Chaque modèle est fabriqué à la commande et peut être personnalisé. Les couturières préparent les housses sur des machines à coudre qu’il faut parfois adapter en raison du volume des pièces. Didier Delmas

L’an dernier, c’est Pierre Gonalons qui rejoint les rangs. Il propose Serge, une interprétation du classique canapé Chesterfield. « À chaque fois, les collections sont l’occasion de revisiter ou d’intégrer des savoir-faire, souligne Aymeric Duthoit. Avec Serge, par exemple, nous avons remis en place la technique du boutonnage. En cette rentrée, pour Paris Design Week, nous avons présenté le tressage enfilé, un procédé ancestral, mais dans l’air du temps. »

Dans sa stratégie de modernisation, Aymeric Duthoit a choisi de réunir, d’ici à la fin de l’année, l’ébénisterie et sa quinzaine d’artisans dans un bâtiment de 1 200 m2, doté de nouveaux équipements.
Dans sa stratégie de modernisation, Aymeric Duthoit a choisi de réunir, d’ici à la fin de l’année, l’ébénisterie et sa quinzaine d’artisans dans un bâtiment de 1 200 m2, doté de nouveaux équipements. Didier Delmas

Duvivier Canapés agit également en marque producteur (ou marque blanche) pour le compte de maisons de luxe, accompagne des designers sur leurs projets et intervient dans le contract et la prescription, grâce à son bureau d’études composé de six personnes. Aujourd’hui, ses relations commerciales avec d’autres entreprises représentent 35 % de son activité que le dirigeant souhaite passer à 50 % dans les deux à trois prochaines années. Et le nautisme est envisagé comme une voie de développement, tout comme l’hôtellerie 5 étoiles.

L’avenir s’écrit à Usson-du-Poitou

Duvivier Canapés travaille avec des éditeurs de tissus de renom comme Pierre Frey ou Métaphores, mais a aussi autoédité sa gamme « Lutétia », imaginée par Guillaume Hinfray.
Duvivier Canapés travaille avec des éditeurs de tissus de renom comme Pierre Frey ou Métaphores, mais a aussi autoédité sa gamme « Lutétia », imaginée par Guillaume Hinfray. Didier Delmas

Les efforts de modernisation se concentrent également sur l’organisation et la production. L’ébénisterie et sa quinzaine d’artisans, qui se trouve à Lussac-les-Châteaux, à une vingtaine de kilomètres de là, sera d’ici à la fin de l’année rapatriée sur le site d’Usson-du-Poitou pour constituer un centre des savoir-faire.

Pour cela, un bâtiment flambant neuf de 1 200 m2 assorti d’un espace de stockage de 500 m2 est en train de sortir de terre. Ultramoderne, imaginé par l’agence d’architecture LT Archi, il sera doté de nouveaux équipements comme un centre d’usinage à commandes numériques 5 axes, une machine à commandes numériques Nesting et une cabine de peinture à ventilation verticale. L’investissement, d’environ 3 millions d’euros, doit engendrer un gain de productivité, améliorer la réactivité tout en limitant les transports, mais il ouvre aussi des perspectives de développement.

Duvivier Canapés utilise des ressorts Nosag qui reposent sur un feutre en PET (polyéthylène) pour assurer un confort optimal de ses assises.
Duvivier Canapés utilise des ressorts Nosag qui reposent sur un feutre en PET (polyéthylène) pour assurer un confort optimal de ses assises. Didier Delmas

« En plus des assises, nous produisons actuellement un peu de petit mobilier : tables basses, consoles, meubles bas… La nouvelle ébénisterie va nous permettre de fabriquer du mobilier à une plus grande échelle et d’aller vers d’autres typologies », indique le dirigeant. Au-delà de l’aspect purement productif, le nouveau centre est aussi l’occasion d’offrir aux employés de meilleures conditions de travail (un espace de restauration et une terrasse sont prévus), voire de favoriser la mobilité interne.

Le site fonctionne comme un atelier traditionnel, où chaque intervention nécessite la main de l’homme. Ici, la mise en blanc.
Le site fonctionne comme un atelier traditionnel, où chaque intervention nécessite la main de l’homme. Ici, la mise en blanc. Didier Delmas

Duvivier Canapés accompagnera, si besoin, les salariés pour compenser le surcoût de transport lié à ce changement de lieu et les incitera à passer aux véhicules électriques. Cette attention à l’environnement, déjà fortement présente dans la société, se traduit aussi par l’installation d’un système d’aspiration et d’aération pour garantir un air sain et la récupération des copeaux et des chutes de bois pour alimenter le système de chauffage de l’ébénisterie. Au travail, le confort importe autant que pour un canapé

Duvivier CANAPÉS en chiffres

  • Année de création : 1840 (la marque devient Duvivier Canapés en 1989).
  • Année de reprise : 2016.
  • Effectif : 70 personnes (50 artisans).
  • Superficie : 1 200 m2 (ébénisterie).
  • Chiffre d’affaires 2021 : 8,5 millions d‘euros (9 millions d’euros prévus en 2022), 15 % à l’export.