Ce qu’il fallait retenir de la Dutch Design Week 2022

Innovations, premiers pas, durabilité : le rendez-vous néerlandais n'a pas manqué de nous inspirer.

Du 22 au 30 octobre s’est tenue la Dutch Design Week 2022, à Eindhoven. Cette ville emblématique du design — grâce à la renommée de son école et celle de grands designers comme Piet Hein Eek, Kiki Van Eijk, Joost Van Bleiswijk et Maarten Baas — a accueilli, pour l’occasion, 2600 designers et 350 000 visiteurs. Retour sur les plus belles découvertes de la rédaction.


1 – « Graduation Show» de la Eindhoven Design Academy

A gauche, mobilier « Work in Practice» de Pepijn Van Otterlo, à droite, mobilier en linoleum de Lina Chi.
A gauche, mobilier « Work in Practice» de Pepijn Van Otterlo, à droite, mobilier en linoleum de Lina Chi. Ronald Smits /

Qui s’intéresse au design a déjà entendu parler de la Design Academy Eindhoven, une école où ont éclos de nombreux talents internationaux. Installée dans une ancienne usine Philipps, l’académie a fait parler d’elle quand est né le collectif Droog design auquel appartiennent certains de ses anciens élèves. Au beau milieu des années 90, ce mouvement décomplexé valorisait déjà les déchets et livrait des manifestes conceptuels et iconoclastes, à rebours d’une approche fonctionnelle.

Marqués par cette génération à la poésie et la liberté folles, les étudiants d’aujourd’hui planchent surtout sur le design social qui donne aux concepteurs une responsabilité vis-à-vis de la société. Grâce aux machines mises à disposition, les designers en herbe sont libres de créer et il n’y a qu’à se rendre à leur remise des diplômes pour saisir l’énergie que cela génère.

A l’occasion de la Dutch Design week 2022, les diplômés ont exposé le fruit de leurs recherches au sein du Microtuin, un ancien bâtiment de télécommunications. Plus de 200 projets de bachelors et de masters étaient à découvrir à travers trois étages.

Plusieurs d’entre eux ont retenu notre attention, à commencer par Pepijn van Otterlo. A partir de chutes de contreplaqué et de restes de peinture laquée, il a conçu une série de meubles cartoonesques à la charpente solide mais creuse. Du mobilier léger aux teintes survitaminées qui célèbre les imperfections et une approche circulaire du design.

Plus loin, Lina Chi réinventait le linoléum, un matériau délaissé bien que renouvelable. Présent au sol des écoles, des hôpitaux et de nombreuses maisons dans les années 80, il a longtemps été boudé par les amoureux de la décoration. Tout juste diplômée d’un bachelor, Lina Chi s’est attelée à l’utiliser, non pas comme revêtement, mais comme matériau de construction malléable. Tabourets, bancs et tables solides, assemblés sans adhésif ni fixation permanente, sont ainsi nés de sa réflexion. On ne serait pas surpris que de nombreux éditeurs s’emparent de l’idée !

Côté textile, Joséphine Andersen appelait les visiteurs à tisser des liens avec les objets domestiques. Son armoire et son rideau Mono do (a)wear étaient parés de chemises amples et durables qu’il est possible de porter sur soi. Zoa Lu Rosenkranz incitait, elle aussi, à se reconnecter à sa couette en la portant, qu’elle soit composée de duvet ou de tricot.

> L’ensemble des projets du Graduation Show 2022 de la Design Academy Eindhoven sont à découvrir en ligne.


2 – « Low Resolution» par Kiki & Joost

«Low Resolution» invitait à reconsidérer la nécessité du numérique dans la conception de mobilier.
«Low Resolution» invitait à reconsidérer la nécessité du numérique dans la conception de mobilier. Rene van der Hulst

A l’écart du centre-ville, le showroom lumineux de Kiki Van Eijk et Joost Van Bleiswijk accueillait l’exposition « Low Resolution», à l’occasion de la Dutch Design Week 2022. Du mobilier aux œuvres murales, tous les objets présentés par le studio Kiki&Joost ont été fabriqués avec une approche low-tech, sans support numérique : une façon de préserver la créativité et de mettre en lumière la singularité de chaque pièce.

Kiki van Eijk livrait ses dernières créations en céramique qui explorent la technique japonaise du raku. A peine sorties du four, elles sont plongées dans un récipient en feu. Ses totems sont toujours le fruit du hasard, de quoi satisfaire la designeuse qui cultive un goût pour l’expérience sensorielle. Sa réflexion autour du raku a aussi donné lieu à une série d’œuvres textiles inspirées des formes et des couleurs des totems.

Joost Van Bleiswijk montrait, pour sa part, « Collision», une série de luminaires sculpturaux composés de feuilles de métal. Affecté par un sentiment d’inconfort face à la société contemporaine, il tenait à retranscrire cette complexité en combinant des éléments légers et lourds, des structures solides et des pièces écrasées, tout en cherchant l’équilibre.

La cuisine est née d’une collaboration entre la société italienne Very Simple Kitchen et le studio Kiki&Joost
La cuisine est née d’une collaboration entre la société italienne Very Simple Kitchen et le studio Kiki&Joost Studio Kiki&Joost

Le tandem a également dévoilé différentes collaborations. Avec la société Very Simple Kitchen, il a imaginé un îlot de cuisine ludique, coiffé d’un plan de travail en marbre de Carrare aux angles arrondis. Les couleurs expressives en font une pièce unique. Pour compléter le décor, les luminaires ont été réalisés à partir de poignées d’éléments de cuisine.

Avec Omnidecor, le studio a imaginé la collection « Pebbles» en verre dépoli et aux silhouettes organiques: table basse, miroir et bougeoir témoignent du langage architectural de Joost et du goût de la transformation des matériaux de Kiki.

> Showroom Kiki&Joost, Gabriël Metsulaan 1, Eindhoven


3 – La «design factory» de Piet Hein Eek

L’intérieur du restaurant de l’hôtel Piet Hein Eek, à Eindhoven.
L’intérieur du restaurant de l’hôtel Piet Hein Eek, à Eindhoven. PHE

Atelier, café, showroom, bar, hôtel, restaurant et même friterie : la «design factory» de Piet Hein Eek est une ville dans la ville, déployée sur 10 000m2. Le studio, roi de l’upcycling, a profité de la Dutch Design Week 2022 pour lever le voile sur ses derniers produits, parmi lesquels des cuisines en chêne et en acier jamais montrées au public.

L’une des nouveautés a attiré tous les regards : un canapé modulaire, fabriqué à partir de chutes de bois de chêne. Fascinante aussi, l’armoire composée de tuiles de bois de récupération laquée.

Canapé modulaire en chutes de bois de chêne
Canapé modulaire en chutes de bois de chêne DR

Une large partie du bâtiment était consacrée à l’exposition de travaux d’autres designers. L’occasion d’admirer les bibliothèques en chute de contreplaqué de Teun Zwets, un ancien élève de la Design Academy, et la collection d’œuvres murales «Glass Ensemble» du studio Rens, en chutes de verre teinté.

Dans la mezzanine pensée comme un espace ouvert, on partage autant les idées que les espaces.
Dans la mezzanine pensée comme un espace ouvert, on partage autant les idées que les espaces. Gianni Basso / Vega MG

> Complexe Piet Hein Eek, Halvemaanstraat 30, Eindhoven.


4 – « The collection is …» au Van Abbemuseum

Exposition The Collection is au Van Abbemuseum
Exposition The Collection is au Van Abbemuseum Joep Jacobs

Le Van Abbemuseum, l’un des plus importants musées d’art contemporain en Europe, a profité de la Dutch Design Week 2022 pour organiser une exposition curatée par Li Edelkoort, designeuse à la renommée internationale. 

S’interrogeant sur le relation entre les arts visuels et le design, l’ancienne directrice de la Design Academy a exploré l’interaction entre les deux disciplines à travers les chaises aux silhouettes oniriques de Maarten Baas, aux côtés d’œuvres de Nacho Carbonell, Piet Hein Eek et Hella Jongerius. 

> Van Abbemuseum, Stratumsedijk 2, Eindhoven


5 – Des designers dans toute la ville

A gauche, installation du Surplus collective « Secret Santa II » à Sectie-C où l’on pouvait voir la chaise Hippopotamus du Français Diego Faivre. A droite, le projet Woven Bricks d’Iris Toonen présente la rencontre entre verre et textile.
A gauche, installation du Surplus collective « Secret Santa II » à Sectie-C où l’on pouvait voir la chaise Hippopotamus du Français Diego Faivre. A droite, le projet Woven Bricks d’Iris Toonen présente la rencontre entre verre et textile. Pierre Castignola ; DR

A l’instar des design weeks de Milan et Copenhague, la Dutch Design Week 2022 a donné lieu à des expositions aux quatre coins de Eindhoven.

Ainsi, dans une ancienne usine à panneaux routiers transformée en plateforme créative et baptisée Sectie C, on pouvait découvrir une installation du collectif Surplus. Ces sept designers — parmi lesquels le Français Diego Faivre, exposé l’hiver dernier à la Galerie Joseph — ont détourné le principe de « Secret Santa» pour s’offrir des pièces de leur conception. La chaise Hippopotamus aux formes rebondies a, par exemple, été imaginée par Diego Faivre pour Ronald Smits, qui a lui-même créé des bougeoirs en liège pour Amalie Dyrup. Une initiative aussi généreuse qu’inspirante ! 

Au laboratoire de design Envisions, Iris Toonen présentait, quant à elle, des briques de verre liées entre elles par du fil de coton. Une chose est sûre, l’expérimentation a de beaux jours devant elle à Eindhoven.  

> La Dutch Design Week se tient chaque année fin octobre et est ouverte au public : rendez-vous en 2023 !