Gaelle Le Boulicaut / Styled by Virginie Lucy-Duboscq

RDAI raconte le SO/ Paris, l’hôtel le plus époustouflant de la rentrée

Tel un phare qui veille sur la Seine, le SO/ Paris ravive le quartier de Sully-Morland. Si ses vues panoramiques lui promettent un succès naturel, l'architecture intérieure pensée par l'agence RDAI ajoute à l'adresse un prestige rare.

A en croire le nombre de grands hôtels qui y poussent et les fréquentations touristiques records de l’été, Paris est à nouveau une fête. Après Madame Rêve et le Cheval Blanc et avant le Too Hotel (dont l’inauguration est prévue en octobre 2022), SO/ Paris vient d’ouvrir ses portes sous l’égide du groupe Ennismore, mis en beauté par l’agence d’architecture d’intérieur RDAI.

L’hôtel des superlatifs

Niché dans les murs de La Félicité l’immense complexe signé David Chiperfield venu réveiller le quartier de Sully-Morland —, cet hôtel de 16 étages culmine à plus de 50 mètres de hauteur. Il offre une vue magistrale sur la capitale et ses monuments les plus emblématiques mais aussi un panorama inédit sur l’île de la Cité et la Cavalerie de la Garde Républicaine, selon l’orientation de la chambre ou la table du restaurant.

La Félicité, côté Seine.
La Félicité, côté Seine. Simon Guesdon

Le spectacle commence dès le lobby avec une rangée de colonnes façon Egypte antique. Aux murs, des miroirs teintés d’ocre rendent ce lieu hautement chaleureux tandis qu’au sol, un terrazzo rappelle le motif des pavés parisiens. Le SO/ Paris et son aménagement intérieur époustouflant sont l’œuvre de RDAI, cabinet parisien qui s’est notamment fait connaître pour sa collaboration de longue date avec la maison Hermès.

RDAI sublime le SO/ Paris

Créée par Rena Dumas (1937-2019) dans les années 70, l’agence est désormais dirigée par Denis Montel et Julia Capp. Après avoir signé les boutiques Hermès, RDAI s’émancipe désormais aux quatre coins du monde en faisant pousser des tours à Taïwan, des hôtels en Martinique ou encore des musées en Floride. Cette année, les architectes opèrent un retour aux sources en inaugurant leur premier hôtel parisien, qui distille d’ailleurs des teintes orange familières …

RDAI a imaginé les chambres du SO/ Paris comme des cocons faciles à vivre où la vedette s’appelle Paris.
RDAI a imaginé les chambres du SO/ Paris comme des cocons faciles à vivre où la vedette s’appelle Paris. Gaelle Le Boulicaut / Styled by Virginie Lucy-Duboscq

Au terracotta — hommage aux briques parisiennes — s’ajoutent d’autres nuances vitaminées (des jaunes, des bleus) qui donnent au SO/ Paris un visage radieux. Petite exception au sous-sol où le micro-spa Codage dévoile un colorama plus organique : le vert décliné sur le marbre et en mosaïque se marie au bois clair et apaisant. Une œuvre d’Alice Guittard en marqueterie de marbre imite l’effet d’une fenêtre dans les cabines de massage tandis que de nombreuses autres œuvres d’art se baladent à travers les étages de l’hôtel, y compris dans plusieurs des 167 chambres et suites.

SO/ Paris et l'art

Neil Beloufa et son œuvre inédite Le Phare de Paris s’affichent dès le lobby. Thomas Fougeirol et ses photogrammes et photomontages égaient les chambres. Le grand Ólafur Elíasson, quant à lui, coiffe le SO/ Paris d’une structure kaléidoscopique chez Bonnie, le bar-restaurant qui occupe les 15 et 16ème étage.

Bonnie : une étoile née sous le signe de Paris Society

Changement d’ambiance au sommet. RDAI laisse la place à l’agence Notoire, dirigée par Jordane Arrivetz qui a donné à Bonnie les couleurs de son prénom. Il résonne comme la chanson de Gainsbourg : c’est l’effet escompté. Flashback vers les années 60 rehaussé du chic d’un rooftop new-yorkais, ces deux étages festifs promettent de devenir des hauts-lieux de la vie noctambule parisienne.

Bonnie est un restaurant, mais pas que ! Au 15e étage, en effet, on s’attable pour déguster une carte éclectique et tournée vers la Méditerranée. C’est néanmoins la vue qui vole la vedette à l’assiette, que l’on choisisse de s’installer en terrasse ou dans l’écrin feutré.

Bonnie côté club, une architecture intérieure signée Jordane Arrivetz.
Bonnie côté club, une architecture intérieure signée Jordane Arrivetz. Romain Ricard

Le bar et le club occupent quant à eux le 16e étage, tout d’Inox vêtus. Le bar se pare de laine bouclette et d’une moquette d’un bleu dense pour un effet polaire ; le club réchauffe l’atmosphère d’un cuir tabac qui tapisse ses sofas. On a droit à deux panoramas distincts, l’un orienté vers la Rive gauche et la Tour Eiffel, l’autre vers Montmartre.


Entretien avec RDAI, l’agence d’architecture d’intérieur qui a conçu le SO/ Paris

IDEAT : 162 chambres et suites, un lobby titanesque… Comment un projet comme le SO/ Paris s’aborde-t-il ? Quelle est la réalité d’un tel chantier ?

RDAI : Sur le papier c’est toujours plus simple ! En 2017, nous remportions le concours d’architecture intérieure organisé par Emerige et So/ pour la conception de l’hôtel qui se déploie dans la tour de l’ancienne préfecture de Paris du 7ème au 14ème étage et dont le lobby est au rez-de-chaussée. Nous avons d’emblée proposé un concept fort, inspiré de l’histoire du lieu, de la proximité avec la Seine, très parisien, moderne et ludique, un peu nomade urbain. Dans notre approche contextuelle, le projet de rénovation/transformation des lieux par David Chipperfield prit aussi son importance dans nos orientations formelles.

Le bâtiment de David Chipperfield.
Le bâtiment de David Chipperfield. Emerige

Le bâtiment existant est assez monolithique, construit en béton et obéissant à une trame régulière. En apparence, la trame répétitive pourrait être adaptée aisément en chambre d’hôtel. Ce ne fût pas vraiment le cas ! Les différentes configurations et combinaisons des chambres souhaitées par l’opérateur nous ont demandé un exercice de contorsionniste ! Aussi, le bâtiment existant, à priori répétitif et régulier, se montra capricieux, avec des irrégularités de dimensions, de hauteurs, de structures etc… Mais à la fin, rien n’est une contrainte. Rien ne se voit, tout est intégré, la réalité d’un chantier comme celui-ci est très complexe mais ne doit pas apparaitre.

La couleur marque les espaces et les fonctions, des uniformes du personnel au clair-obscur qui délimite espaces privés/personnels. Quelle palette vous a inspiré ? Que signifient ces nuances ?

Il est vrai que les couleurs ont pris une place importante dans ce projet. Les équipes du SO/ Paris nous encourageaient à abonder vers un design prononcé. La couleur a été pour nous un médium pour apporter de l’emphase et de la dynamique au projet.

Dans le lobby du SO/ Paris par RDAI.
Dans le lobby du SO/ Paris par RDAI. Gaelle Le Boulicaut / Styled by Virginie Lucy-Duboscq

Au rez-de-chaussée, dans le lobby, nous étions contraints par une palette de matériaux peu ou pas inflammables, ce qui limitait les choix (minéraux/pierre/béton/plâtre/verre/métal), à priori des matériaux froids et durs. Nous avons retourné cette contrainte notamment grâce à la couleur ! Les murs du lobby sont couverts de panneaux en verre ambré/cognac, très chauds, enveloppants et réflectifs, les sols en terrazzo avec des inclusions de pavé de marbre et de verres orangés, les tables d’accueil en marbre jaune de Sienne. La couleur se densifie dans les couloirs d’accès aux chambres dans un camaïeu de brun-rouge. Les chambres sont très colorées aussi, un premier espace d’entrée monochrome, teinté « brun-écureuil », puis une palette de couleurs dans les gris-bleus/jaune safran/rouge orangé et cuivre. Ces couleurs sont directement inspirées par les lumières de Paris la nuit sur la Seine.

De la même façon, on remarque l’omniprésence de la transparence…

Ce qui caractérise cet hôtel ce sont les vues exceptionnelles sur Paris du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest. Nous avons tâché d’exploiter et d’explorer ces vues. Toutes les portes des chambres s’ouvrent dans l’axe d’une fenêtre, donc de la vue sur Paris. Dans cette même logique, nous avons ouvert toutes les salles de bains, ajourées, pour bénéficier d’une vue et de lumière naturelle, puis nous avons décliné cette semi-transparence dans les dressings et le mobilier des chambres. Tout est visible !

Quelle a été la place de l’écologie dans votre démarche ?

La dimension durable est totalement intégrée dans nos méthodes de conception. La démarche environnementale est globale. Du choix des matières jusqu’à leurs mises en œuvre, nous sommes vigilants à leurs impacts/bas carbone.

Enfin, RDAI fête ses 50 ans en grandes pompes avec l’inauguration de son plus beau projet parisien à date. Quel regard posez-vous sur l’émancipation du studio, autrefois très attaché à Hermès et sur son avenir ?

Une fidèle et étroite collaboration avec la maison Hermès perdure à ce jour, en atteste l’inauguration prochaine du flagship store à New York sur Madison Avenue. Autant en France qu’à l’étranger, l’agence fait de plus en plus valoir ses savoir-faire transdisciplinaires, au travers de nombreux et divers projets en architecture et architecture intérieure. Nous travaillons actuellement sur un mémorial et un musée à Orlando (USA), une tour d’habitation à Taiwan, un hôtel en Martinique, une école à Berlin, un immeuble de logement à Paris ou encore une collection de mobilier en matériaux recyclés. Voilà qui démontre l’agilité et la diversité programmatique de nos projets aujourd’hui.

Hôtel SO/ Paris, 10 Rue Agrippa d’Aubigné, 75004 Paris. Réservations.
Restaurant, bar et club Bonnie. Réservations.