Emmanuelle Simon : « J’aime faire intervenir des artisans »

Menant de front une carrière d’architecte d’intérieur et de designer, la jeune femme appartient à cette nouvelle vague de créateurs qui se tournent vers des matériaux naturels chaleureux et des ambiances minimalistes. Un travail subtil qu’elle déroule avec une impressionnante maturité.

Qu’il s’agisse de sa collection de meubles, d’une boulangerie ou d’un immense hôtel de luxe à Los Angeles, les lieux et les objets que portent la signature d’Emmanuelle Simon affichent avec sérénité et assurance une élégance sophistiquée.

Emmanuelle Simon : de décoratrice à ensemblière

La collection « Ary » en loupe de chêne, un matériaux-paysage, exprime à la fois rigueur et douceur. Lampe de sol Cone X en plâtre chamotté et verre texturé.
La collection « Ary » en loupe de chêne, un matériaux-paysage, exprime à la fois rigueur et douceur. Lampe de sol Cone X en plâtre chamotté et verre texturé. DR

C’est un buffet en chêne cannelé aux formes ondulées. Une réalisation de haute volée qui associe savoir-faire artisanal, dessin ultra-précis et une part d’inconnu, puisque les plateaux de la collection « Ary » sont fabriqués en loupe de chêne, un bois noueux, tourmenté et apprécié pour son potentiel décoratif. « Ary », qui se décline en table basse, chevet, enfilade et bureau, est sans doute l’exemple le plus révélateur du travail d’Emmanuelle Simon.

Depuis ses débuts, l’architecte d’intérieur et designer développe une collection de mobilier et de luminaires autoproduits autour d’une dualité : un dessin maîtrisé et une finition aléatoire, due au choix de matériaux naturels. Bois, plâtre chamotté, raku, « il faut accepter que la matière s’exprime », dit-elle. Et de préciser : « Mes objets deviennent alors des paysages, comme des tableaux. » Une liberté qu’elle s’offre grâce à l’autoédition. 

Un style ultra-minimaliste

Comme designer, Emmanuelle Simon ose le mariage subtil de la précision du dessin appliquée à l’aléatoire des matériaux, imprimant ainsi une patte contemporaine à ses créations.
Comme designer, Emmanuelle Simon ose le mariage subtil de la précision du dessin appliquée à l’aléatoire des matériaux, imprimant ainsi une patte contemporaine à ses créations. Noel Manalili / Jérôme Galland

« J’ai choisi Camondo, car cette école proposait un double diplôme, design et architecture d’intérieur. Du volume jusqu’au détail de l’objet, toutes les échelles m’intéressent. » Des échelles avec lesquelles elle joue en utilisant notamment le raku en modules de parement de meubles ou en appliques, alors qu’on l’attend en bols ou en théières. Diplômée en 2012 et après un passage chez Jean-Marie Massaud et chez Pierre Yovanovitch, elle ouvre son agence en 2017, année qui la voit remporter le prix du public au festival d’architecture intérieure Design Parade Toulon, avec sa Chambre sur l’eau. Sa petite entreprise, amorcée dès 2016, prend rapidement de l’ampleur, avec des clients de plus en plus nombreux à réclamer son style ultra-minimaliste, presque silencieux, où tout se joue dans l’équilibre des volumes et le travail des matières. 

Aujourd’hui, huit personnes collaborent avec Emmanuelle Simon, dont le processus créatif demeure immuable : « Mon carnet de croquis me suit partout, confie-t-elle. Les idées peuvent surgir à tout moment. Je dessine dans les transports, en attendant un plat au restaurant… » Deuxième étape, l’iPad comme outil de développement, puis la 3D pour construire des volumes, avec le logiciel Archicad. C’est cette méthode qu’elle a employée pour son projet livré l’année dernière, la boulangerie Liberté, à Paris, un condensé de sa philosophie.

Une des meubles en chêne de la collection «Ary».
Une des meubles en chêne de la collection «Ary». DR

On y retrouve son best-seller : une applique en céramique, mais aussi une banque d’accueil recouverte d’une plaque de pierre au chant strié pour accrocher la lumière, les plafonniers Baba et des façades craquelées en raku « qui font écho aux craquelures du pain. D’ailleurs, tous sont cuits au feu de bois ! » explique celle qui se passionne pour l’artisanat et le vintage et qui parsème ses chantiers de meubles de Jean Touret Jean Touret s « J’aime faire intervenir des artisans, pousser la porte de leurs ateliers, à Paris ou en voyage. J’aime aussi laisser apparents les détails de menuiserie, comme les assemblages, à queue droite pour le lit Samba ou papillon pour le canapé Nativ », précise Emmanuelle Simon.

Applique de la collection Raku-Yaki (à gauche). La chaise Baba, un modèle très apprécié et… copié (à droite).
Applique de la collection Raku-Yaki (à gauche). La chaise Baba, un modèle très apprécié et… copié (à droite). DR

Des projets internationaux

Elle collabore également avec des artistes. Parmi eux, Hermentaire, dont on retrouve les aquarelles et les acryliques dans plusieurs lieux qu’elle signe, ou Zoltan Zsako et ses bas-reliefs (au spa EviDens de Beauté). Un atout décoratif accessible depuis que les commandes se multiplient et qu’elle est mandatée pour de grands projets, comme un hôtel à Los Angeles, sur lequel elle phosphore depuis des mois. « Après avoir démarré sur de petits appartements, au fil des ans, j’ai changé d’échelle, ce qui me permet de travailler plus sereinement, avec des entreprises de qualité ; les clients ne viennent plus par hasard. » Une patte et une signature reconnues, parfois copiées. La preuve ? Elle nous montre sur son ordinateur un restaurant de plage, en Espagne, dont le mobilier s’inspire très fortement de ses chaises Baba. La rançon du succès…

> Découvrir l’univers de l’architecte d’intérieur, Emmanuelle Simon ici.

Les inspirations d’Emmanuelle Simon

  • Un projet rêvé 

«Une architecture pour faire une retraite et méditer, où serait privilégié le lien entre intérieur et extérieur, où les tableaux seraient remplacés par des fenêtres sur la nature».

  • Une activité

«Le yoga, pour sortir les « to do lists » de ma tête. Je me sens comme un chef d’orchestre qui doit constamment jongler avec les dimensions financières, créatives et commerciales».

  • Un maître à penser

«Ettore Sottsass. J’aime sa liberté d’expression avec des matériaux aussi variés que le verre, la céramique ou le stratifié. Il a su associer sculpture et fonction, géométrie et liberté avec génie».

  • Un livre

«Le catalogue de l’expo « Les Giacometti, une famille de créateurs », à la Fondation Maeght. Du mobilier à la peinture, j’ai découvert une saga familiale créative incroyable»