Une jeune designer irlandaise à Paris. Difficile de résister à la comparaison avec Eileen Grey, compatriote d’Eimear Ryan, à qui l’on doit la célèbre Villa E-1027, petit bijou d’architecture moderniste. Il y a pourtant bien une connexion entre les deux créatrices, qui n’a rien à voir avec la nationalité. « Elle aussi, était très tournée vers la technologie, notamment avec l’utilisation de tubes en métal pour ses meubles ». Et de poursuivre avec enthousiasme: « L’impression 3D est une solution qui m’intrigue tellement ! »
La liberté de l’impression 3D
Retour en 2018. Après plusieurs années à travailler dans un cabinet d’architecture d’intérieur parisien, cette fille de menuisier se sent un peu à l’étroit. «Je ne collais pas très bien au style de l’agence.» Eimear Ryan lance alors son bébé, Argot Studio, via lequel elle poursuit son travail de scénographie pour des expositions ou des marques de prêt à porter. L’année suivante, elle conçoit une collection de meubles modulaires en chêne, «Phelim serie», réalisés à la main par son père en Irlande. Ils seront par la suite présentés en 2019, à Pantin à la Biennale Emergence.
« J’avais aussi envie de faire de l’objet, des vases, mais je ne voulais pas forcément faire de la céramique. (…) J’ai fait le choix de l’impression 3D, car elle résout pas mal de contraintes auxquelles je me suis heurtée en tant que designer. En effet, je ne trouvais pas le moyen de fabriquer de manière responsable, durable, et en plus tout était très coûteux, donc très risqué financièrement ».
Des œuvres aux contours organiques
Inspirée par l’architecture brutaliste, elle se plaît à traduire ces volumes puissants et forts, à travers des vases rappelant de petites architectures, mais aussi par le biais de silhouettes délicates et ondulées. Sa première réalisation du genre est une série de douze vases, dont les courbes s’épousent entre elles. S’en suivent d’autres créations comme cette « Modular Sculpture» mélangeant les formes, les textures, les couleurs, ou encore «Eggshell Folie» évocation évidente de l’architecture, mais aussi ses fameux vases, tout en galbe et transparence.
Un choix qui s’avère payant. Quelques années plus tard, Eimear Ryan s’est entourée de trois personnes, et est à la tête de sa « petite ferme » de 26 imprimantes.
« C’est une technique qui bouge très vite. Quand je compare notre première imprimante à la dernière en date, les progrès sont incroyables ! Elle est beaucoup plus rapide, efficace et l’objet est bien mieux imprimé. »
Ouvrir le champ des possibles
Les commandes s’accumulant, Eimear Ryan a déménagé Argot Studio de son petit atelier de Pantin pour celui d’Ivry, plus grand, afin d’accueillir dans de meilleures conditions les futures imprimantes, agrandissant ainsi la famille. Un remue-ménage qui s’accompagne du lancement d’Argot Edit, consacrée à la production d’objets.
« C’est un vrai challenge pour moi, car pour l’instant l’impression 3D se résume souvent aux maquettes d’architectes ou au geek qui veut imprimer sa statuette Star Wars. J’essaie de développer des textures, des rendus dans de beaux matériaux biosourcés. (…) Nous n’en sommes qu’aux débuts de l’impression 3D. Ce procédé va continuer à se développer comme une véritable méthode de production du design. »
> Argot Studio, site Internet.