C’est l’une des plus iconiques bâtisses parisiennes, « The Most Beautiful House in Paris » selon The New York Times. La Maison de Verre, érigée par le designer Pierre Chareau avait été imaginée pour le Docteur Dalsace et sa femme Annie Bernheim entre 1928 et 1931. Visite virtuelle.
La Maison de Verre : œuvre totale
Elle a fait couler beaucoup d’encre. Véritable bijou d’avant-garde, la Maison de Verre est née de l’imagination d’un designer contraint à trouver une solution au refus d’éviction des locataires du couple Dalsace, au moment de l’achat de leur nouvel hôtel particulier, en 1928. Pierre Chareau se fait alors architecte — épaulé par un professionnel du métier, Bernard Bijvoet — pour métamorphoser un immeuble plutôt banal en œuvre totale.
Pour contourner les locataires récalcitrants, Pierre Chareau choisit d’évider l’immeuble, littéralement. Seule la cage d’escalier menant au troisième et son morceau de façade sont épargnés, afin de permettre à ses habitants de rentrer chez eux. Il ne conserve des niveaux inférieurs que leurs structures en métal, abattant l’ensemble des murs, des portes et des fenêtres. C’est la première fois qu’une structure sera laissée apparente afin de contribuer à l’architecture d’un lieu.
Une façade mythique
Si la Maison de Verre tire son nom d’un concept, celui d’un espace absolument fluide, elle incarne également ce titre au pied de la lettre. Dénudée côté cour et côté rue, l’hôtel particulier des Dalsace sera ensuite recouvert de… verre. De pavés de verre, pour être exact, translucides mais pas transparents, qui forment des appendices sortant de la structure initiale, comme posés sur pilotis.
Le côté cour est dépourvu d’ouverture. Le côté rue, au contraire, la façade s’articule d’une grande terrasse, de balcons et de fenêtres qui font respirer les volumes. L’ensemble avant-arrière procure aux étages une lumière continue et diffuse qui participe à la grandeur du lieu. Ce tour de force de Pierre Chareau vaudra à la Maison de Verre d’être classée Monument Historique en 1992.
Comment préserver l’intimité de chacun dans un volume de verre ?
Les espaces intérieurs ne sont que très peu délimités. A la façon d’un wagon de train, les chambres et salles de bains du premier étage s’enchaînent, ouvertes sur la terrasse de la façade côté rue. Pour un gain d’espace maximum, des fenêtres coulissantes provenant de train remplacent les traditionnels battants. Une cloison les coupe du couloir, ouvert sur l’espace commun du rez-de-chaussée grâce à une paroi de tôle perforée. L’usage d’un métal ajouré comme mur occultant introduit par Chareau pour la Maison de Verre est un autre code qui sera largement réutilisé à la suite du designer…
Le verre est également largement utilisé afin de tracer des frontières floues. Des écrans coulissants, pliables ou rotatifs permettent également à l’espace d’être en constante évolution. Définitivement avant-gardiste, Pierre Chareau fait installer un charriot suspendu entre la cuisine et la salle à manger et un escalier escamotable allant du salon privé à la chambre de Madame Dalsace.
Au mitan des années 1930, le Docteur Dalsace, qui exerce d’ailleurs au rez-de-chaussée, fait de son séjour si haut sous plafond un lieu de rendez-vous pour sa pléiade personnelle d’intellectuels marxistes. Cocteau, Eluard, Aragon, Miró ou encore Picasso s’y réuniront donc régulièrement, certains laissant à la famille des œuvres désormais mises en vente par Christie’s Paris en 2021. Si la Maison de Verre de Pierre Chareau n’est pas ouverte au public, les personnes travaillant dans le monde de l’architecture ont néanmoins le droit de s’y aventurer sur rendez-vous.