Peut-être parce que les confinements à répétition leur ont permis de peaufiner les moindres détails, la ronde des restaurants de la rentrée 2021 nous épate sur le plan culinaire et décoratif.
Magniv
Jusqu’alors, le Hoxton prenait toute la lumière de la rue du Sentier. Depuis, une devanture tapageuse aux larges baies vitrées laisse entrevoir les bribes d’une décoration alléchante, littéralement face au boutique-hôtel le plus couru de la capitale. Avec son enseigne néon que l’on peine à déchiffrer, le 37 bis sera bientôt une adresse d’initiés. Magniv est une merveille, pléonasme facile puisque l’un est la traduction de l’autre, d’hébreu à français. Insaisissable, le lieu joue l’hybridité des genres. Restaurant, cantine, bar à cocktails, club dansant… L’adresse sera unique pour chacun.
La cuisine du chef israélien Kobi Villot-Malka (Tavline) a été pensée pour faire écho aux breuvages élaborés derrière le bar par les deux fondateurs du lieu, Benjamin Chiche et Clément Faure. Passés par l’Experimental Group, ces as des shakers ont aussi pris en main la conception de leur premier opus en duo, du concept à son aménagement. Ainsi, épaulés par le studio CORE Architectures, Studio Kokumi et Sordoniindoors, ils ont pensé pour Magniv une enveloppe minérale, où la courbe rythme les jeux de lumières et de matières. Le terrazzo fait son retour (réussi), le terracotta réchauffe le béton et le mobilier tranche avec sa finesse contemporaine. En bas des escaliers, le club s’agite dès la tombée de la nuit, autour d’un verre ou d’une danse, dans un sous-marin intimiste qui mime la surface de l’eau et les reflets des rayons du soleil… Sans aucun doute l’une de nos restaurants coups de cœur pour cette rentrée 2021.
> Magniv. 37 bis Rue du Sentier, 75002 Paris.
Bouillon République
En lieu et place de Chez Jenny, au coin de la place de la République, le dernier de la famille Bouillon Pigalle s’articule sur 1.800 m2 entièrement réagencés par le cabinet Lafond. 450 couverts, 600m2 de cuisines… Autant d’impressionnants chiffres qui témoignent de l’immensité de l’adresse. Dans un cadre qui fait écho aux bouillons d’antan, le cabinet Lafond a effectué un beau travail de réhabilitation de l’existant, notamment de la porte à tambour de l’entrée, auquel s’adjoignent une épaisse moquette tuftée, des lampes boules soufflées, des banquettes en cuir rouge associées aux typiques chaises de bistrot… Bref, la panoplie complète pour un bond dans le temps.
> Bouillon République. 39 Boulevard du Temple, 75003 Paris.
Abstinence
Rares sont les nouvelles adresses qui prennent le parti de s’installer Rive-gauche. Pourtant, avec l’avènement du Grand Palais éphémère, le Champ-de-Mars promet de trouver une nouvelle dynamique. Abstinence l’a bien compris et a conquis, en à peine un été, les rares Parisiens ayant choisi de rester sous la grisaille de la capitale. Sa carte ajustée, l’adresse fait officiellement ses premiers pas dans la cour des restaurants de la rentrée 2021.
Le cadre est particulièrement réussi. Œuvre de l’agence Lizée Hugot (hôtel Le Sud), il reprend l’esprit des diners américains avec ses banquettes en sky indissociables de leur tables minimalistes — ici bien plus chic, en cuir couleur kaki et pupitre effet marbre — conjugué à l’élégance d’un bar à cigares parisien, feutré et richement mis en valeurs par ses murs lambrissés et un ilot central en marbre précieux. En cuisine, le chef Lucas Felzine envoie des petites assiettes à partager et des plats à savourer en solo, à tendances hispaniques, mais pas que, soigneusement dressés.
> Abstinence. 47 avenue de la Motte-Picquet, 75015 Paris.
Persil
Il est né un peu avant la rentrée 2021, mais ce restaurant vaut le détour ! Peut-être parce qu’il a été façonné par le studio berlinois T3, rompu à l’exercice du coffee shop next door avec supplément de photogénie, cet écrin de poche ajoute à un Marais déjà bien embouteillé une nouvelle adresse délectable. Pour contrebalancer les textures brutes utilisées pour modeler l’espace, le studio a choisi d’intégrer des éléments contemporains et ludiques font écho à la fraîcheur de chaque assiette.
La cheffe (et chanteuse) Kumpi Lo, big boss de Persil, offre en effet un récit culinaire inspiré de son héritage congolais et de son amour pour la cuisine française. Twistant le manioc, les épices et d’autres classiques exotiques comme l’halloumi ou le quinoa, cette cantine pimpante offre des plats aussi savoureux qu’équilibrés.
> Persil. 120 Rue Amelot, 75011 Paris.
Cèna
Parfois, le décor d’un restaurant doit se contenter de souligner la finesse de son assiette. C’est le cas chez Cèna, nouvelle adresse de David Lanher (Racines, Caffè Stern, Maison Bréguet…). Dans cette enveloppe précieuse, le temps semble s’être suspendu. Tonalités automnales, détails déco rares au profit de pièces sculpturales, mobilier qui se font dans son environnement… La partition, orchestrée par le Studio Ex æquo (Magalie Varcourt et Xavier Predine) est précise et laisse la cuisine prendre toute la lumière.
Aux fourneaux, Alban Chartron s’illustre par la maîtrise du produit et son œil créatif. La carte va dans le sens de cette adresse confidentielle, elle s’applique à ne partager que l’essentiel. Quatre entrées, quatre plats, quatre desserts : l’excellence est de mise et les plats changent quotidiennement, en fonction des arrivages. C’est ainsi que Cèna veut s’inscrire dans le paysage d’un 8e arrondissement qui peine à se renouveler : avec simplicité, proximité et élégance…
> Cèna. 23, rue Treilhard , 75008 Paris.
Brasserie Dubillot
Après la Brasserie Bellanger, le groupe La Nouvelle Garde inaugure un nouveau repaire de bons vivants haut en couleurs. Une déco toujours au poil, des assiettes faites-maison et abordables : on prend les mêmes et on recommence. Mis en scène par les architectes de B3 Designers et de Dorénavant Studio, Dubillot opte pour le mix & match, conjuguant une large palette de nuances vives avec autant de matières et de références kitsch. L’adresse enchaîne donc les coins et recoins plus ou moins intimistes, plus ou moins extravagants, permettant à chacun de choisir son camp.
Dans l’assiette, la tradition française est là. Thibaut Darteyre, Baptiste Swygart et leur brigade ont misé sur les classiques (poireau-vinaigrette, saucisse-purée, tartare…) pour faire rayonner leur néo-bistrot. La viande tient la vedette sur la carte, travaillée au charbon de bois pour en faire ressortir le meilleur. Mais que les non-carnivores se rassurent : l’un des plus beaux restaurants de la rentrée 2021 n’oublie pas d’inscrire la pêche du jour (en direct des plages Bretonnes) et des inspirations végétariennes à son ardoise.
> Brasserie Dubillot. 222 rue Saint-Denis, 75002 Paris.
Café de Luce
Inspirée par les mythiques bistrots parisiens et la cuisine de sa grand-mère, Luce, Amandine Chaignot ouvre les portes de son deuxième restaurant. En plein cœur de Montmartre, sur la place du Théâtre de l’Atelier, elle y réinterprète les codes d’une typologie bien parisienne, la brasserie, en salle et dans l’assiette. Ainsi, l’agence Senostudio a réalisé pour la cheffe un décor hommage, reprenant trois codes immuables : la présence de menuiseries, de mosaïque, sans oublier les larges banquettes, prêtes à accueillir les flâneurs du petit-déj au dessert. L’écrin se dote d’une aura intime et botanique, à l’image de la cuisine d’Amandine Chaignot. Justement, que mange-t-on au Café de Luce ?
A l’instar de son décor, l’adresse marche elle aussi dans les pas de la tradition du bistrot. Œufs-mayo, cuisses de grenouilles, pommes de terre et harengs fumés… La cheffe ancre une gastronomie connue dans le monde entier dans son époque. Elaborée à partir de produits ultra-frais et sourcés localement (au maximum) et toujours agrémentée de la patte Chaignot, florale et gourmande, la carte évolue au fil des saisons. Une bonne occasion de revenir !
> Café de Luce. 2 Rue des Trois Frères, 75018 Paris.
Martin
A l’ombre de l’hôtel Renaissance Paris République, Martin offre un jardin arboré où il fait bon se détendre le temps de l’été indien. Insoupçonnable de la rue, cette jungle urbaine est décorée avec des pièces colorées qui créent un joyeux contraste avec ses grands murs végétalisés. Pour faire écho à sa carte locavore, la terrasse de Martin s’équipe d’un mobilier signé Fermob, label français au savoir-faire reconnu.
Le chef Emmanuel De Oliveira, formé auprès de Pierre Gagnaire, entre autres, propose un menu où le produit est roi — doit-on le préciser, celui-ci vient en direct de son maraîcher — et l’inspiration immédiate. Ainsi, selon la saison, les petits pois résonnent à l’unisson d’un beau pavé de cabillaud et les aubergines s’accompagnent d’un aïoli maison.
> Martin. 40 bis Rue René Boulanger, 75010 Paris.