Révélés l’année dernière au Salon du mobilier de Milan, les tapis Spectrum et Disappearing Spectrum déclinent à nouveau le thème fétiche de Clémentine Chambon. Edités par Nodus, ces deux modèles se jouent du spectre lumineux et de toute sa palette de variations colorées, en les matérialisant sous forme de laine tuftée. A la fois sensible et contrasté, ce travail de représentation s’inscrit plus globalement dans une recherche dédiée à la lumière, que la designer originaire de Nîmes mène depuis le milieu des années 2000.
Alors qu’elle travaille au sein du studio de Marc Newson et achève tout juste sa formation à l’ENSCI-Les Ateliers, Clémentine Chambon remporte en 2004 un appel à projet du VIA avec Rideau Lumière. Avec ce premier prototype, le voilage se transforme en source lumineuse grâce à un tissage en polyester et fibres optiques qui s’illumine en nuances de gris. Aussi innovant que raffiné, grâce à des fibres optiques de l’épaisseur d’un cheveu, ce projet l’amène à rencontrer Françoise Mamert, designer spécialisée en textile, avec qui elle finit par co-fonder l’agence Design Percept en 2008.
Ouvrant de nouvelles perspectives quant à l’usage de la lumière dans l’architecture et l’habitat, ce concept de « textile éclairant » s’affine peu à peu. Pour la nouvelle ambassade de France, inaugurée en 2011 à Pékin, le duo mêle cette fois la fibre optique et la soie dans des rideaux de sept mètres de haut. En 2015, une lumineuse collection de galons, franges et embrasses combine de nouveau artisanat et technologie grâce au savoir-faire du fabricant Declerc Passementiers. Clairement positionné dans le haut de gamme, ce projet séduit dans la foulée le groupe Peninsula. Leur palace parisien accueillant depuis ses visiteurs avec des passementeries qui éclairent délicatement le portrait de Lili, célèbre chanteuse d’opéra chinois dans les années 1920.
Clémentine Chambon change légèrement de cap en 2019, lorsqu’elle lance son propre studio et participe à une résidence de recherche à l’ENSCI. Durant six mois, ses expérimentations avec la lumière se tournent dorénavant vers le papier. En l’associant à des micro-LEDs, ainsi qu’à des encres électroniques et bioluminescentes, elle multiplie les prototypes et les débouchés potentiels : les flyers et autres outils de communication s’habillent d’un halo, une boîte ajourée apporte un nouvel éclairage à l’univers du packaging, une lampe résume le luminaire à un simple abat-jour… Autant de champs d’applications qu’elle imagine en partenariat avec l’imprimeur parisien ADM. Le tout avec un souci écologique en tête, car chaque prototype est recyclable à 95 %…
En parallèle de ces recherches, la designer se consacre simultanément à un travail pictural. « Une soupape de décompression qui me permet d’explorer la relation entre la lumière et le papier jalonnant toute l’histoire de l’art et de la peinture, par exemple à travers les enluminures, l’impressionnisme ou le pointillisme. » Alliée à des essais en maquettes, cette pratique du dessin accompagne plus largement la naissance de tous ses projets. Qu’il s’agisse d’un bureau conçu pour Roche Bobois ou d’une lampe et d’un fauteuil imaginés pour Bonacina 1889, firme italienne spécialisée dans le rotin, notamment réputée dans le monde entier pour avoir édité le fauteuil Gala de Franco Albini.
De retour dans sa ville natale après vingt-quatre années passées à Paris, Clémentine Chambon s’adonne aujourd’hui pleinement à la peinture, notamment pour le compte des « Indiennes de Nîmes ». Cette griffe de mode revisite avec elle les premiers imprimés importés en France par la Compagnie des Indes au XVIIe siècle. Face au confinement et à l’arrêt de tous leurs outils de production, les premiers modèles de chemises ont finalement été peints à la main par la designer en personne. Colorées et enjouées, ces pièces uniques devraient par la suite accompagner une collection produite en plus grande série. Et ce, dès le début de l’été !
> clementinechambon.com